Malgré les financements annoncés depuis par l’ancienne équipe municipale et les promesses faites dans le cadre du Programme de réhabilitation des lieux de culte et de modernisation des cités religieuses initié par l’État, la grande mosquée de Ziguinchor continue de présenter un visage hideux.
Construite en 1937, la grande mosquée de Ziguinchor est le plus vieux lieu de culte musulman de la capitale méridionale du pays. Sise au quartier Korentas, l’édifice religieux ne supporte plus le poids des âges. Il est, depuis quelques années, dans un piteux état que déplore un fidèle, aggravé par sa proximité avec le canal de Korentas. Lequel charrie, quotidiennement, son lot des carcasses d’animaux et d’autres déchets solides aux odeurs nauséabondes.
Construite près d’une zone non aedificandi, cette maison de Dieu est envahie, sur sa façade est, en toute saison, par de hautes herbes, véritables repères de reptiles. Pour des raisons sécuritaires, un chapiteau a été mis en place, depuis bientôt deux ans, par le ministre Doudou Ka, pour permettre aux fidèles d’accomplir l’un des piliers de l’islam : la prière.
Consciente de l’état de vétusté très avancée dans lequel est plongée cette mosquée, l’ancienne équipe municipale avait pris des mesures allant dans le sens de la réhabilitation de cet édifice religieux classé patrimoine de l’Unesco.
Le 31 juillet 2020, lors de la prière de l’Aïd El-Kébir (Tabaski) dirigée par l’imam ratib Chérif Ismaila Aïdara, Abdoulaye Baldé avait saisi l’occasion pour informer les fidèles de ‘’l’issue heureuse qu’a connue le projet de réhabilitation de cette grande mosquée’’ qu’il a porté auprès des autorités des Émirats arabes unis (EAU). ‘’Nos partenaires émiratis, disait-il, ont mis à notre disposition une enveloppe conséquente qui couvre le devis présenté par l’entrepreneur et qui dépasse cent millions de francs CFA pour la réalisation du projet. Nous avons, au regard du statut de monument historique classé de la mosquée, saisi le ministère de la Culture pour les formalités administratives y afférentes’’.
Cette nouvelle avait, en son temps, été bien accueillie par l’imam ratib et l’ensemble de la communauté musulmane de Ziguinchor. C’est en novembre 2020 que les travaux de réhabilitation de la mosquée ont été lancés. Le délai d’exécution devant couvrir une période de huit à neuf mois. À terme, le projet ambitionnait de doter la ville de Ziguinchor d’une ‘’mosquée moderne’’.
Le 30 novembre de la même année, l’ambassadeur des États arabes unis (EAU) à Dakar, Son Excellence Hamad Saeed Al Zaabi, avait séjourné à Ziguinchor pour, entre autres, un état des lieux du projet.
Mais les travaux se sont s’arrêtés nets, quelques semaines après. Que s’était-il réellement passé ? Motus et bouche cousue ! C’est d’ailleurs ce silence assourdissant qui a poussé l’imam ratib à dénoncer le sort réservé à cette maison de Dieu.
En mai 2022, ne sachant plus à quel saint se fier, Chérif Ismaila Aïdara avait demandé l’aide des musulmans pour la réhabilitation de la mosquée. C’était lors de la prière de l’Aid El-Fitr (Korité).
Prenant la balle au bond, le chef de l’État, qui a promis de prendre en charge la question, avait envoyé une équipe du bureau architectural de la présidence pour faire l’état des lieux et voir dans quelle mesure les travaux de rénovation de la mosquée pouvaient être réalisés, dans le cadre du Programme de réhabilitation des lieux de culte et de modernisation des cités religieuses.
Le président Macky Sall aurait même donné des instructions fermes pour que les fidèles musulmans de Ziguinchor puissent disposer d’une ‘’grande mosquée avec toutes les commodités’’.
Toutefois, depuis lors, aucun acte concret n’a été posé dans le sens du redémarrage des travaux. Le 29 juin, jour de la célébration de la fête de Tabaski, le neveu de l’imam, Chérif Almamy Aïdara, qui a dirigé la prière, a terminé son sermon en exhortant les fidèles à mobiliser les ressources nécessaires pour la construction de toilettes au niveau de la mosquée.
Il faut souligner que ce Programme de réhabilitation des lieux de culte et de modernisation des cités religieuses auquel les populations sont fortement attachées a, en Casamance, permis de réhabiliter entièrement l’église Saint-Paul et Saint-Pierre de Carabane qui, ‘’en agonie profonde des décennies durant, a failli rendre l’âme sous le poids de l’âge’’. Ce programme a aussi permis à la cathédrale Saint Antoine de Padoue de Ziguinchor de retrouver toute sa jeunesse perdue. ‘’En entrant dans cette cathédrale, l’on est tout de suite saisi par la beauté des lieux. Tous saluent la qualité du travail de restauration de cette église, la finesse et la délicatesse dans le choix des matériaux, l’harmonie entre tradition et modernité’’ s’était fortement réjoui l’administrateur diocésain de Ziguinchor, monseigneur Fulgence Coly, à l’occasion de la nouvelle bénédiction de l’église cathédrale.
C’est, par ailleurs, dans le cadre de la mise en œuvre de ce programme que la grande mosquée de Sédhiou – une belle œuvre architecturale – a totalement été réhabilitée. Pendant que celle de Ziguinchor, qui présente un triste visage, attend toujours et impatiemment, sa cure de jouvence.