Soixante-deux cas de grossesse ont été recensés, en seulement cinq mois (janvier-mai 2023), à Foundiougne. Suffisant pour alerter sur un fléau qui plombe la scolarisation des filles du département.
Foundiougne est balayé par une brise. Au rivage, on voit çà et là des mangroves, des bandes d’oiseaux… La cité est un don de la nature. Malgré cela, les populations ne tirent pas profit des atouts. Elles sont plongées dans la précarité. Cela influe sur le comportement des filles. Malgré son cadre paradisiaque, la ville est confrontée au phénomène des grossesses précoces, conséquence de la pauvreté des populations. Nafy Traoré, maîtresse sage-femme du district sanitaire de Foundiougne, avait annoncé, lors d’un atelier, que 25 cas de grossesses précoces ont été enregistrés entre le 1er janvier 2023 et le 31 mai 2023.
Un chiffre alarmant qui renseigne, à suffisance, sur ce fléau qui plombe la scolarisation des jeunes filles dans cette localité de la région de Fatick. Cette situation est confirmée par la Présidente du Comité départemental des enseignantes pour la promotion de la scolarisation des filles (CdepScofi), Fatou Diène Ndiaye. Elle a peint un tableau sombre de la situation des grossesses précoces dans le département de Foundiougne. « Les grossesses précoces sont un véritable frein à la scolarisation des filles. Rien que cette année, la Scofi (Scolarisation des jeunes filles) a compté 62 cas de grossesse dans le département. Ces enfants, très jeunes, pour l’essentiel, nous viennent du Niombatto. La majeure partie des victimes subissent des conséquences dramatiques », renseigne Mme Ndiaye.
Selon elle, « la vulnérabilité des filles a été indexée. Les hommes profitent de leur situation. Il n’en demeure pas moins que la responsabilité de leurs parents est aussi engagée. Beaucoup de parents ne contrôlent plus leurs enfants. En plus de ne pas leur assurer les trois repas, ils sont plus préoccupés par la dépense quotidienne que par le bien-être de l’enfant ». Elle en déduit que c’est la conséquence de la transformation en profondeur de la société.
« Auparavant, l’éducation des enfants incombait à toute la communauté. Aujourd’hui, c’est une affaire familiale. Personne n’ose corriger l’enfant d’autrui, au risque d’avoir des problèmes avec ses parents. En conséquence, il y a plus de liberté qui ouvre les portes aux comportements à risque, surtout dans une zone touristique », a-t-elle regretté.
Punir les auteurs
« Les jeunes filles ont tendance à se laisser séduire par des personnes plus âgées, pour avoir un train de vie semblable à celui des jeunes qui fréquentent des touristes », a expliqué Fatou Diène Ndiaye.
Seynabou Diouf abonde dans le même sens. Cette mère de famille, rencontrée au marché de Foundiougne, n’y va pas par quatre chemins. Panier à la main, Mme Diouf estime que l’argent facile demeure l’une des causes des grossesses précoces. « Les filles veulent toujours être bien habillées pendant les fêtes. Comme les parents ne sont pas toujours aisés, elles se rabattent sur les garçons qui abusent souvent d’elles. C’est rare de voir une fille issue d’une famille aisée être victime de grossesse précoce. Donc, la pauvreté est la principale cause. Foundiougne est une ville d’accueil, avec donc beaucoup d’entrées et sorties », déduit notre interlocutrice.
La pauvreté est le moteur de ce phénomène à Foundiougne. Pape Ndiaye est un conducteur de moto « Jakarta » qui travaille avec les jeunes filles. Selon lui, la plupart des cas de grossesse précoces sont des élèves qui sont dans des situations familiales compliquées. « Il arrive que des élèves nous abordent pour avoir de quoi manger ou pour se déplacer. Si une fille dépend d’un homme qui n’est pas son père pour manger, s’habiller et se déplacer, la finalité est que cette fille devienne vulnérable et certains hommes en profitent », soutient le conducteur de moto « Jakarta ».
Dans cette ville, le désœuvrement est la mère de tous les comportements contraires à nos valeurs. « Je ne peux pas vous dire, avec exactitude, combien de fois je suis allé dans une pharmacie pour acheter une pilule du lendemain pour des filles », a insisté Pape Ndiaye.
Pour Fatou Diène Ndiaye, Présidente du Comité départemental des enseignantes pour la promotion de la scolarisation des filles, l’État doit sévir contre les auteurs de ces grossesses. « Nous avons constaté que les hommes exploitent la faiblesse des jeunes filles par l’argent ou la menace. Les responsables de grossesses précoces devraient être poursuivis, car ce sont des criminels. C’est rare de voir un jeune garçon être auteur d’une grossesse. C’est toujours des hommes d’âge mûrs », explique-t-elle, insistant sur la nécessité de sévir, pendant qu’il est encore temps.