Cela fait 1500 ans que chaque année, des musulmans se rendent à la Mecque. Plus qu’un simple pèlerinage, le hadj est un retour aux sources de la foi.
Les Invités d’Allah
Pendant le Ramadan, des pèlerins en circumambulation autour de la Kaâba à l’aube. (2009)
C’est rituel, au propre et au figuré, depuis quinze siècles : comme chaque année, des millions de musulmans se rendent à La Mecque. Ils sont les « Invités d’Allah », ainsi qu’on appelle les pèlerins qui vont y accomplir le cinquième et ultime « pilier » de l’islam. Ils sont accueillis au sein de la « Maison de Dieu », soit tout à la fois la Kaâba, la mosquée qui l’abrite et la ville toute entière, qualifiée de « Mère des Cités » par le Coran. Une fois sur place, dans le « voisinage » du Créateur, ils mettront leurs pas dans ceux d’Adam, fondateur selon la tradition de la première Kaâba, puis d’Abraham et d’Ismaël, restaurateurs de la seconde et, enfin, de Mahomet, l’Envoyé d’Allah qui y a vu le jour, y reçut la révélation et inaugura le premier hadj islamique de l’histoire.
Retour aux sources de la foi, donc, bain de foule dans l’océan des croyants accourus des quatre horizons, sueurs et larmes d’émotion pure… L’essor des moyens modernes de transport, l’amélioration spectaculaire des conditions du séjour sur place et le renouveau de la piété incitent chaque année encore plus de croyants à prendre leur bâton de pèlerin. Ce qui a conduit le gouvernement saoudien à imposer un quota à raison d’un visa de pèlerin par millier d’habitants musulmans dans chaque pays. Cette limitation, acceptée par tous les États, a abouti à l’instauration d’un tirage au sort dans tous les lieux où la demande dépasse amplement le nombre de visas disponibles.
Une exception à la règle – les pays non musulmans ayant des citoyens fidèles du Prophète échappent à l’imposition du quota. Ainsi la France, avec environ six millions de « Croyants », qui devrait avoir 6000 visas pour le hadj, y dépêche chaque année… le double.
Les rites du hadj
Par S. Z.
La sacralisation Le pèlerin porte l’« ihram », soit un châle et un pagne de coton, blanc comme un linceul, non cousu ; la femme, elle, revêt une ample robe et sur la tête un châle cachant les cheveux mais laissant voir pleinement le visage. Pendant toute la durée du hadj, soit cinq jours, le pèlerin doit respecter nombre d’interdits : ne pas se couper les cheveux ou les ongles, s’abstenir de rapports sexuels, ne pas tuer d’animaux … Le hadj, s’il commence et s’achève à La Mecque même, se déroule, pour l’essentiel, loin en dehors de la ville sainte, dans la plaine désertique d’Arafat puis dans le ravin rocailleux de Mina, situés à 25 km et 8 km de la Kaâba. À La Mecque : > La circumambulation En arrivant à La Mecque, le pèlerin se rend devant la Kaâba, il en fait sept fois le tour dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, histoire de remonter le temps jusqu’au premier matin de l’univers habité. > La course Il doit ensuite courir entre deux buttes, Safâ et Marwa, sises non loin de la Kaâba et distantes de 400 mètres l’une de l’autre. Il faut faire quatre fois l’aller et trois fois le retour en souvenir d’Agar, concubine d’Abraham et mère d’Ismaël, le père « biblique » des Arabes, égarée dans le désert, affolée, sur le point de mourir de soif, et qui aurait couru entre ces deux éminences rocheuses avant de trouver le puits sacré de Zemzem.
En dehors de La Mecque : > La station d’Arafat Le 9ème jour du mois de Dhu El-Hidja, le douzième du calendrier lunaire islamique, la foule se met en route en direction du mont Arafat, situé à une vingtaine de kilomètres de la Mecque. D’après la tradition, c’est au sommet du mont Arafat qu’Adam et Eve, chassés du paradis, se sont retrouvés et reconnus, d’où son nom signifiant le « Mont de la Reconnaissance ». Le pèlerin s’y tient debout, recueilli, au milieu d’un océan de croyants de tous pays, de midi au coucher du soleil. > La lapidation des trois stèles de Satan et le sacrifice Sur le trajet du retour, à Muzdalifa, le pèlerin fait provision de petits cailloux qui serviront le lendemain pour la Lapidation des stèles sataniques.
Ce rite est effectué en mémoire de la « résistance » d’Abraham, face à Satan qui par trois fois chercha à le faire désobéir à Dieu, lequel lui avait ordonné de sacrifier son fils Ismaël ; les trois fois, Abraham répondit au tentateur en le chassant à coups de pierres. Après la cérémonie de la lapidation, à Mina, vient le moment du sacrifice d’un animal, brebis ou chèvres, là aussi en souvenir du sacrifice d’Abraham, qui faillit y immoler Ismaël. De nos jours, en fait de sacrifice, le pèlerin s’acquitte d’un « bon de sacrifice » valant le prix d’un mouton et le remet aux autorités du hadj. Celles-ci feront procéder, dans un abattoir ultra moderne sis non loin de Mina, à un abattage avant de congeler la viande pour l’envoyer finalement aux pauvres de tous pays. > La circumambulation Le pèlerinage se termine par une ultime circumambulation autour de la Kaâba, prélude au retour en terre profane, chacun doté désormais de l’enviable titre de « hadji », le « Pèlerin ».
Un « hadj-operator »
Le voyage « le plus long » n’a pas de prix, mais il a un coût : 2 500 euros environ par personne. Outre l’aller-retour en avion et le prix du visa, il faut compter la taxe du hadj – 300 euros environ, que le royaume saoudien prélève en échange des facilités et des services qu’il offre sur place. Enfin, l’hébergement à chaque étape du pèlerinage. Avant de partir, l’Invité de Dieu sait déjà chez qui il va loger, quel bus il doit prendre, à quel contingent se rattacher. Une précaution d’autant mieux acceptée qu’elle répond à un double impératif de confort et de sécurité pour un pays d’accueil aussi exposé que l’Arabie saoudite. Désormais, il n’y a plus de pèlerinage qu’en groupe, organisé via une agence homologuée par Riyad et disposant d’un correspondant agréé sur place.