Faisant partie des économies les plus dynamiques d’Asie du Sud et du Sud-Est, la Thaïlande assure une bonne partie des importations sénégalaises en riz. Maintenant, elle veut gagner des parts de marché au Sénégal.
À Bangkok, les locaux de la Fédération des industries thaïes (Fit) ressemblent, à s’y méprendre, plus à un établissement d’enseignement supérieur qu’à une chambre de commerce. Elle est composée d’une Faculté en Gestion des entreprises et d’un immeuble principal, lequel compte des amphithéâtres, des bureaux, des salles de réunion, etc. La délégation d’hommes d’affaires sénégalais, présente dans la capitale thaïe du 23 au 26 mai, pour les besoins de la 19e édition de la foire Thaifex Anuga 2023, a eu, en cette matinée du mois de mai, une rencontre d’affaires avec certains membres de cette structure triés sur le volet.
Dans une des nombreuses salles de réunion, une imposante délégation de capitaines d’industrie thaïs attend l’arrivée de la délégation sénégalaise. « Dans plusieurs pays africains, comme au Nigeria et au Ghana, par exemple, des politiques de sécurité alimentaire sont mises en œuvre. L’agriculture est un enjeu important et la Thaïlande est prête à vous soutenir », souligne le Directeur général de la Fit, Yanapol Limpanachokchai, par ailleurs président de la Chambre de commerce Thaïlande-Afrique du Sud et président du Club des industriels thaïs spécialisés dans la machinerie agricole. Au fil des échanges, il a été question de transformation, de joint-venture, de transfert technologique, de correspondance bancaire ou encore de rapatriement de capitaux.
Auparavant, M. Limpanachokchai a soutenu que la Fit compte 15 000 membres et 45 industries évoluant dans tous les domaines d’activité présents dans les cinq régions et les 76 provinces du pays. En outre, elle dispose de 19 bureaux à l’international et génère un chiffre d’affaires annuel de 181 millions de dollars, soit environ 111,043 milliards de FCfa.
Vers le renforcement de l’axe Dakar-Bangkok
Le renforcement de l’axe Dakar-Bangkok est encouragé par Wanalee Lochpechra, Directrice générale adjointe du Département des affaires sud-asiatiques, du Moyen-Orient et de l’Afrique au Ministère des Affaires étrangères du Royaume de Thaïlande. Elle l’a fait savoir à la délégation lorsqu’elle l’a reçue. Les deux parties sont revenues sur les opportunités d’affaires existant dans les deux pays et la volonté des autorités étatiques de faciliter les Investissements directs étrangers (Ide).
C’est en milieu rural, où les produits agricoles sont abondants, que viennent s’installer, depuis quelque temps maintenant, les entreprises de transformation. Cette tendance qui apporte de la valeur ajoutée aux produits fixe les populations en âge de travailler et crée de la richesse en milieu rural. En effet, la Thaïlande est un pays agricole qui tire pleinement profit de sa campagne. Sa production de fruits et légumes, mais aussi de riz, couvre non seulement les besoins du marché intérieur, mais est exportée aux quatre coins du monde. Une expérience intéressante qui pourrait inspirer d’autres pays comme le Sénégal au moment où l’on parle ici de la transformation structurelle de l’économie.
À Wang Noi, au sud de la province d’Ayutthaya, à une soixantaine de kilomètres au nord de Bangkok, se trouve, sur un site d’une cinquantaine d’hectares, une des cinq brasseries de Tipco spécialisées dans la fabrication de jus de fruits locaux et d’eau minérale. Outre l’alimentation qui regroupe les brasseries, renseigne Richard, un des responsables, Tipco dispose de plusieurs branches (immobilier, Btp, logistique…). Cette entreprise, vieille d’une trentaine d’années et qui est cotée à la Bourse de Bangkok, a une capitalisation estimée à 1,2 milliard de dollars, soit environ 736,20 milliards de FCfa. Elle a une capacité de production de 130 millions de litres de jus par an et « mise sur la qualité et le goût ».
Le riz comme trait d’union
Après l’étape de Wang Noi, où elle a visité l’usine de Tipco et fait le tour du propriétaire, la délégation d’hommes d’affaires sénégalais, qui a séjourné en Thaïlande dans le cadre de la foire Thaifex Anuga 2023, s’est également rendue à Nakhonluang. Dans le nord de la province d’Ayutthaya, ils ont visité les installations de l’entreprise Cpi qui produit le riz Royal Umbrella, très bien connu du consommateur sénégalais. Le vice-président chargé de la Production, Thammavit Srikrerkkrit, est le guide du jour. Selon lui, ce groupe, fondé en 1921, est présent dans 140 pays. Il travaille avec les producteurs locaux de riz et traite annuellement 1 080 000 tonnes métriques, dont les 5 % sont produits par le groupe. L’entreprise possède une usine d’exploitation de riz dans chacune des cinq régions naturelles de la Thaïlande.
Celle de Nakhonluang a une capacité de production de 170 000 tonnes métriques par an. Cette usine, construite en 2012, fait travailler 400 personnes. Une visite des lieux permet de mesurer l’importance des investissements consentis pour fournir au consommateur final un riz de qualité. Comme toutes les autres unités de production, celle de Nakhonluang dispose de deux blocs distincts. L’un concentre les bureaux, les laboratoires et l’administration, et l’autre les lignes de production, les hangars de stockage de la matière première et ceux pour le produit fini. Pour faciliter la libre circulation des personnes et des véhicules, ils sont reliés à la fois par un viaduc et un tunnel. Le centre névralgique de l’usine de Nakhonluang est une salle de vidéosurveillance où on peut suivre à la seconde près le mouvement des 4500 camions du groupe sur l’étendue du territoire thaï. Ici, on retrouve tout le matériel possible et imaginable pour rendre le produit final meilleur. Pour preuve, le groupe a investi 7 millions de dollars (4,294 milliards de FCfa) pour équiper une seule salle parmi plusieurs autres.
Lorsque le riz arrive à l’usine, il est stocké dans des hangars dont la température ambiante ne doit pas dépasser les 15 degrés. Il est ensuite transvasé dans des silos dont chacun est haut comme sept étages. L’installation qui suit permet de trier la matière première, d’enlever les pierres et de la polir. Entre les hangars stockant la matière et le produit fini, il y a une autre salle numérique qui permet de suivre l’état de toutes les installations du secteur. Après cette salle, il y a le centre d’ensachage du produit fini. Ici, les six catégories de riz produites sont mises dans des sacs de différents formats en fonction du marché ciblé. Les sacs vont d’un kilogramme à 50 kilogrammes. Ils sont aussi palettisés en fonction des exigences de chaque marché. Dans l’immense salle où les ouvriers, les machines et les robots s’affairent, il y a le fameux riz Royal Umbrella. Les hommes d’affaires sénégalais qui souhaitent contracter avec Cpi peuvent vendre leurs produits, renseigne Thammavit Srikrerkkrit, mais sous une autre marque puisque cette dernière est exclusivement commercialisée par une entreprise de la place.
La Thaïlande fait partie des économies les plus dynamiques de l’Asie du Sud et du Sud-Est. En plus des jus et du riz, elle exporte également des pièces détachées et des accessoires pour les automobiles, des ordinateurs, de la joaillerie, des produits électroniques, du plastique, de l’huile raffinée, des produits chimiques, entre autres.