Vainqueur des Jeux africains de Brazzaville en 2015, le coach Serigne Saliou Dia a remis ça le vendredi 19 mai en hissant la sélection U17 sur le toit du continent. Un sacre qui vient encore confirmer la belle embellie du football sénégalais. Pour le technicien, le Sénégal dispose d’un vivier de talents qui peuvent valoir de belles satisfactions. Aujourd’hui, explique le sélectionneur de l’équipe cadette, le grand challenge, c’est de rester sur cette dynamique victorieuse.
Propos recueillis par Samba Oumar FALL » LE SOLEIL ».
Comment avez-vous vécu le sacre de votre équipe à la Can ?
Je l’ai vécu avec beaucoup de fierté, avec un sentiment du devoir accompli. Quand on est investi d’une mission nationale, c’est toujours un lourd fardeau. Dieu merci, nous avons su relever le défi et décrocher cette première étoile pour le Sénégal dans la catégorie U17.
L’équipe du Sénégal n’avait jamais dépassé le premier tour de cette compétition. Peut-on considérer ce sacre comme une surprise ?
Ceux qui ne nous avaient jamais vus jouer peuvent peut-être considérer ce sacre comme une surprise, mais pour les observateurs qui nous ont vus jouer, ce n’en est pas une. Nous avons réussi à mettre en place une équipe compétitive, qui s’est bonifiée d’entraînement à entraînement et de match en match. Notre modèle de jeu demandait un peu de temps en sectoriel, intersectoriel et groupal et finalement, la mayonnaise a bien pris, la preuve par ce sacre qui a couronné le parcours exceptionnel des «Lionceaux».
À quel moment avez-vous vraiment senti que votre équipe était sur la bonne voie pour remporter le titre ?
Nous étions partis en Algérie avec beaucoup d’ambition. Tous les matches étaient des finales pour nous. Tel était notre credo. C’est pour cela d’ailleurs que les jeunes se sont battus et se sont donnés à fond sur tous les ballons. Chaque match nous permettait de progresser et d’acquérir un capital expérience qui nous a permis d’aller jusqu’au bout. Et tout cet effort a fini par payer.
Après Aliou Cissé, Pape Bouna Thiaw et tout récemment Malick Daf, vous étiez très attendu. Aviez-vous fait de ce sacre un objectif personnel ?
Pas du tout et je crois l’avoir dit et redit. J’ai gagné avant tout le monde un titre continental. C’était aux Jeux africains de Brazzaville en 2015. Et les U17 ne sont pas des U20 ni U23. L’accent devait être mis sur la formation, le développement personnel de ces jeunes pousses qui ont un rythme de vie différent des seniors, qui ont des caractéristiques psychologiques différentes des adultes. Donc, l’accent devrait être mis sur l’installation d’aptitudes, mais surtout d’attitudes pour faire face et nous avions commis un préparateur mental pour cela. Notre objectif était surtout que les gosses continuent à progresser et les résultats viendront naturellement. C’est ce qui est arrivé au soir du 19 mai dernier.
Qu’est-ce qui, selon vous, a fait la différence ?
La différence s’est faite dans les attitudes de jeu, cette foi en ce que nous faisions. Il y a aussi ce pressing constant, ce contre-pressing, cette volonté de partir toujours de derrière, le tout couronné par un mental de roc et de ne jamais lâcher, de jouer avec beaucoup d’intensité.
Sur le plan mental, on a vu que vos joueurs étaient bien armés. Ils l’ont prouvé contre le Burkina Faso en demi et le Maroc en finale. Quel discours leur avez-vous tenu ?
Effectivement, nous étions très bien armés sur le plan mental. Nous avons travaillé avec un préparateur mental qui était à Dakar Sacré-Cœur, qui essayait d’initier les gosses sur ces aspects. Dans notre modèle de jeu, nous avons plus ou moins privilégié le travail technico-tactique. Nous avons aussi travaillé sur des buts en handicap, sur des infériorités numériques pour obliger les joueurs à puiser au fond d’eux-mêmes, à ne jamais lâcher, pour essayer d’avoir ces solutions dans la douleur, dans la sueur. Je pense que nous étions bien armés sur ce plan. C’était tout un travail en amont, avec de bons contenus d’entraînement. L’autre aspect, c’est la visualisation. Avec les supports visuels, nous avons également fait progresser les jeunes sur ces différents domaines.
Aujourd’hui, la petite catégorie se porte très bien. Qu’est-ce qu’il faut, à votre avis, pour maintenir ces performances dans la durée ?
Pour maintenir la petite catégorie dans cette dynamique, il faut continuer le travail enclenché. Arriver au sommet c’est facile, mais s’y maintenir est le plus difficile. Il faut renforcer le travail fait au niveau des U13 et U15, avoir une bonne base pour donner un peu plus de matches à ces jeunes. De même, il faut organiser régulièrement ces phases nationales où on devra plus ou moins prendre les meilleurs et mettre en place cette école fédérale. Ça permettra de regrouper les meilleurs jeunes joueurs qui pourront aller à l’école et s’entraîner ensemble. Ils vont grandir ensemble et auront une équipe de rêve. Il faudra initier le championnat national des U17 qui permettra aux équipes de se rencontrer, de sorte à donner plus de matches à ces jeunes, parce qu’il y a des zones où ils ne jouent que trois ou quatre matches. Ce ne sont pas des choses qui vont de pair avec le haut niveau. Les clubs devront également aller vers la mise en place d’académies. C’est le seul salut pour continuer à gagner, mettre en place un championnat national, prendre les meilleurs et les mettre dans une école fédérale et jouer un peu plus en catégorie U17 et U20, parce que beaucoup partent sans jouer le maximum de matches, ce qui les expose à des blessures ou à des contreperformances.
Quelle a été votre plus grande satisfaction lors de ce tournoi ?
Au-delà du sacre, ma plus grande satisfaction reste la compréhension du jeu qu’avaient les gosses, cette culture tactique et surtout cette foi en ce que nous faisions. Parce qu’ils y ont cru jusqu’au bout et la récompense était au rendez-vous.
Comment analysez-vous l’embellie du football sénégalais ?
L’embellie est exceptionnelle. En un temps si court, le Sénégal a réussi à remporter six trophées continentaux, ce n’est pas donné. C’est inédit en Afrique et tout le monde nous envie, parce que le Sénégal est au firmament de son art. Cela est dû à beaucoup de facteurs. Tous ces facteurs font aujourd’hui que le Sénégal est en train de surfer dans la vague du succès. Le grand challenge, c’est de rester sur cette dynamique victorieuse.
Aujourd’hui, l’expertise locale a fait ses preuves. Qu’est-ce qu’il faut pour maintenir cette dynamique ?
L’expertise locale a toujours été là avec Lamine Dieng et les autres. Nous avons toujours fait des stages avec des entraîneurs européens et ils n’ont jamais été devant nous. Maintenant, nos dirigeants font de plus en plus confiance à l’expertise locale ; les tendances sont inversées. Les entraîneurs locaux sont en train de montrer qu’ils sont capables de faire des choses extraordinaires, qui sont au diapason de ce qui se passe au haut niveau. Il va falloir les accompagner, les couver, les doter d’expérience, leur permettre d’aller tout le temps dans les clubs pour superviser les jeunes qui demeurent les espoirs des équipes nationales et les aider à grandir. Si les dirigeants font tout cela, l’expertise locale pourra être au summum de son art et nous valoir beaucoup de satisfactions.
Qu’est-ce qu’il faut, à votre avis, pour que tous ces jeunes qui ont porté les différentes sélections nationales soient un vivier pour l’équipe A ?
Ce n’est pas très compliqué. Ces jeunes joueurs peuvent assurer la continuité de l’excellence au niveau supérieur. Il suffit d’avoir un lien entre toutes les sélections nationales ; que ce soit entre U15 et U17, U17 et U20 et U23. Elles doivent travailler régulièrement ensemble. Si nous y parvenons, nous aurons des jeunes qui savent ce que représente vraiment le maillot national. Tout joueur rêve d’éclore sur le plan international. Nous ne pourrons donc pas retenir les garçons qui ont l’âge de quitter parce qu’ils aspirent tous à devenir des professionnels. Ce que nous devons faire, c’est avoir un officier qui va les suivre de sorte qu’ils puissent, chaque fois que l’équipe nationale a besoin d’eux, répondre présents et venir représenter dignement le Sénégal.
Après la Can, le Sénégal sera très attendu à la prochaine Coupe du monde de la catégorie. N’est-ce pas là un autre gros challenge ?
Le charme du football, c’est les challenges, la capacité du groupe à se surpasser, à tout faire pour surmonter ces challenges. Cette Coupe du monde U17 sera la deuxième du Sénégal après l’édition de 2017, au Brésil. Avec ce sacre, nous sommes déjà une victime désignée. Il va falloir, comme la forte mentalité nous a animés durant toute la Coupe d’Afrique, prendre les matches un à un, les jouer tous comme des finales et se faire plaisir. Nous devons rester fidèles à ce que nous sommes en train de faire ; même si le niveau est différent entre l’Afrique et l’Europe. La chance, c’est que nous avons beaucoup d’expérience par rapport à ces genres de compétition. Je pense que si nous ne dérogeons pas à ce que nous sommes en train de faire, cela pourra nous valoir d’autres satisfactions.
Après les Jeux africains de Brazzaville en 2015 et le tournoi Ufoa A en 2019, vous remportez la Can U17. Est-ce qu’on peut aujourd’hui dire que Serigne Saliou Dia est un coach comblé ?
Il faut le reconnaître, je suis très comblé dans la mesure où dans toutes les missions où nous sommes investis pour notre pays, le Sénégal, nous essayons d’être à la hauteur, de le servir dignement, de décrocher cette médaille qui lui permette d’inscrire son nom dans les annales du football. C’est cela l’objectif de tout entraîneur. Nous sommes dans cette direction et nous allons continuer à y être. L’objectif, c’est que les Sénégalais soient contents, qu’ils puissent s’identifier à cette équipe et avec les U17, c’est ce qui m’a le plus surpris. Ils ont aimé cette équipe, se sont identifiés à elle. C’est pour cette raison que j’ai dit aux jeunes que nous n’avions pas le droit de les décevoir ; que nous devions continuer sur cette dynamique pour donner plus de raisons aux Sénégalais à soutenir cette équipe. Ils ont bien compris la leçon en s’adjugeant le trophée continental.
Quelles sont les perspectives ?
Les perspectives sont nombreuses. Nous avons en ligne de mire la Coupe du monde qui se jouera à partir du mois de novembre prochain. Il nous faut une excellente préparation, mais aussi avoir la possibilité d’aller jouer des tournois en Europe. Le grand challenge, c’est que les gosses puissent s’adapter aux conditions climatiques, parce que le plus grand problème avec ces jeunes, c’est qu’ils ne sont jamais sortis. On a un vivier de talents qui peuvent valoir au Sénégal de belles satisfactions. Il suffit juste de bien les encadrer.