En affichant de plus en plus son intention de participer au dialogue lancé par le président de la République, l’ex maire de Dakar s’offre une chance d’en finir avec son inéligibilité. Si cela venait à se concrétiser, le socialiste devra revoir sa stratégie électorale qui le limite essentiellement à Dakar.
Khalifa Sall et Macky Sall, main dans la main, tout sourires, une complicité pouvant même être soupçonnée. Qui l’eut cru ? Il y a quatre ans, le premier nommé sortait de prison, gracié par le second, après l’avoir révoqué de ses mandats de maire de Dakar et de député. Les seules images publiques des deux hommes avaient été révélées, lorsque le président de la République s’était rendu chez Khalifa Sall pour présenter ses condoléances, à l’occasion des décès de la mère de l’ex maire de Dakar. Les visages fermés de ces froides retrouvailles contrastent avec les sourires affichés au Grand théâtre national, jeudi dernier, lors du lancement du Forum mondial de l’Économie Sociale et Solidaire.
Le signe d’un réchauffement des relations entre les leaders de la coalition Benno Bokk Yaakaar et de Taxawu Sénégal ? Alors que le dialogue politique demandé par le président de la République sème la confusion dans l’opposition, depuis quelques jours, les images des leaders influents de Yewwi Askan Wi avec le président de la République suscitent beaucoup de suspicions.
Mais, pour l’ex maire de Dakar, le retour dans le jeu politique n’a jamais été aussi réalisable. Et pour cela, le défi de la mise en place d’un appareil électoral national efficace se dresse devant Khalifa Sall.
Yewwi au secours de Khalifa Sall
En attendant la suite des évènements, un communiqué de la coalition Yewwi Askan Wi est venu démentir tout rapprochement entre les leaders Khalifa Sall, Barthélémy Diaz, Habib Sy et le président de la République Macky Sall. ‘’Résolument ancrée dans l’opposition au régime de Macky Sall, la Coalition Yewwi Askan Wi réaffirme sans ambages son plan d’action destiné à mettre fin à sa présidence au plus tard le 25 février 2024, et la participation effective de tous ses candidats à l’élection présidentielle. Aucune manœuvre ne détournera le peuple de cette œuvre de salubrité publique”, assure la note de la coalition la plus représentative de l’opposition.
Sauf que toutes les candidatures au sein de Yewwi Askan Wi ne sont pas encore recevables. Celle du leader de Taxawu Sénégal étant la plus mal lotie, à côté de celle de Karim Wade du PDS. Et l’opportunité ouverte par le président de la République change totalement la donne, la tournure de la présidentielle 2019 ayant prouvé, pour Khalifa Sall, qu’une posture radicale ne lui apportera pas la possibilité de revenir dans le jeu électoral.
Toutefois, la perspective d’une candidature de l’ex maire de Dakar pose la question de son positionnement dans l’échiquier politique actuel. Khalifa Sall a-t-il l’envergure nationale pour remporter une élection présidentielle au Sénégal ? Pour ce qui sera son baptême de feu, Khalifa Sall devra d’abord se doter d’un appareil électoral au niveau, après avoir perdu beaucoup de plumes dans le cadre de l’affaire dite de la ‘’caisse d’avance’’ de la mairie de Dakar pour laquelle il a été reconnu coupable de ‘’faux et usage de faux’’ et ‘’escroquerie portant sur les deniers publics’’.
Le défi d’un appareil électoral d’envergure national
L’élection de Barthélémy Diaz, numéro 2 de Taxawu Sénégal, à la tête de la mairie de Dakar pourrait rassurer Khalifa Sall sur la mainmise de sa formation politique sur la capitale sénégalaise, malgré sa révocation en 2019. Six mois après, Taxawu Sénégal, au sein de la coalition Yewwi Askan Wi, a transformé l’essai, lors des élections législatives en remportant tous les sièges de la liste départementale au niveau de la capitale.
Toutefois, la désagrégation de la coalition opposante, si toutes les candidatures sont retenues, devrait rabattre les cartes au sein de l’électorat de Yewwi Askan Wi. Et à ce jeu, rien ne garantit que Khalifa Sall soit devant Ousmane Sonko à Dakar. Le leader de Pastef-Les Patriotes est sans doute l’homme politique le plus populaire du moment. Sa campagne lors des législatives, alors qu’il n’était même pas candidat, a été déterminante dans les résultats obtenus par Yewwi Askan Wi. La démonstration de force de Pastef, le 22 janvier 2023, reste fraîche dans les têtes.
S’il reste un leader politique indéniable dans la capitale sénégalaise, Khalifa Sall a toujours eu du mal à s’exporter hors de Dakar. A part la capitale, où chaque candidat prend sa part de l’électorat, il n’y a pratiquement aucun autre fief que l’on peut attribuer au candidat de Taxawu Sénégal, à l’image du Fouta avec Macky Sall et de la Casamance avec Ousmane Sonko.
L’option des retrouvailles socialistes
Pour refaire son ‘’retard’’, le 14 janvier dernier, le chef du parti Taxawu Senegal a entamé, à Rufisque, une tournée nationale dénommé ‘’Mottali Yéene’’ (pérennisation d’un engagement, en français) qui doit le conduire ‘’dans les 46 départements du Sénégal’’, afin ‘’d’écouter, de recueillir et de s’enrichir’’ aux côtés des Sénégalais. Cette tournée s’ouvre également à l’international, Khalifa Sall s’étant déjà rendu en Europe et en Amérique pour rencontrer les électeurs de la Diaspora.
Une autre carte que pourrait jouer Khalifa Sall est la récupération de l’électorat socialiste. Bien que Macky Sall garde toujours le suspense sur sa candidature en 2024, la configuration de la coalition autour du président de la République pourrait évoluer, du fait d’une volonté ou non du leader de Benno Bokk Yaakaar de briguer un troisième mandat. En février dernier, le parti socialiste a tenu un congrès dont l’idée principale, annoncée dans une lettre-circulaire signée Aminata Mbengue Ndiaye, secrétaire général, était d’engager un ‘’débat introspectif’’ dans le but de ‘’repositionner le parti, tant au sein de la coalition BBY que dans l’espace politique national’’.
Une opposition populaire contre un troisième mandat, si la candidature de Macky Sall est retenue, pourrait amener la formation socialiste à renouer le fil avec les dissidents que sont Taxawu Sénégal. Ce qui serait un apport non négligeable pour le candidat Khalifa Sall, vu l’implantation nationale de la formation qui a mis à la tête du Sénégal Léopold Sédar Senghor et Abdou Diouf.
L’électorat de Pastef….
Une autre figure de Yewwi Aska Wi pourrait avoir une grande influence sur le destin ‘’présidentiel’’ ou non de Khalifa Sall : Ousmane Sonko. En effet, une non-participation du leader de Pastef, du fait des procès qui visent son inéligibilité, rabat les cartes au sein de l’opposition. Une situation qui pourrait bénéficier au leader de Taxawu Sénégal, s’il obtient le soutien de l’électorat du maire de Ziguinchor. Les deux leaders ont toujours affiché une complicité, se soutenant mutuellement dans les déboires judiciaires qui les touchent.
Toutefois, la situation pourrait changer, dès le moment que Taxawu Sénégal compte participer au dialogue politique lancé par le président Macky Sall et que Pastef dénonce une combine politique destinée à isoler son leader et valider la troisième candidature du leader de Benno Bokk Yaakaar.
Malgré tout, participer à ce dialogue reste la meilleure chance pour Khalifa Sall de revenir dans le jeu électoral. Bien qu’ayant fait l’objet d’une grâce présidentielle, l’ancien maire de Dakar reste sous le coup d’une peine d’inéligibilité, en vertu des articles L.29 et L.30 du Code électoral, qui stipulent qu’en cas de condamnation à une peine supérieure à trois mois de prison sans sursis ou supérieure à six mois avec sursis, on ne peut être inscrit sur les listes électorales.
Sans une modification du code électoral, qui est le fruit d’une entente entre les partis politiques, ou une loi d’amnistie votée par l’Assemblée nationale, il n’y aucun moyen pour khalifa Sall de redevenir éligible à une élection au Sénégal.