Les litiges et autres conflits fonciers font foison au Sénégal et particulièrement dans la capitale, Dakar. Au-delà de ceux nés des expropriations, par l’Etat, pour des projets d’utilité publique, des courtiers et promoteurs véreux, adossés à des autorités/dignitaires dans l’ombre, sèment le désordre dans ce secteur qui est en train de devenir une véritable bombe à retardement. D’ailleurs, les médias évoquent fréquemment ces problèmes fonciers dans la région de Dakar. Ils sont un mal pernicieux qui risque d’exploser à tout moment.
Les litiges fonciers dans la capitale sénégalaise sont nombreux et latents, sans qu’une solution définitive ne soit trouvée. Un des derniers cas relatés dans les médias concerne les localités de Rufisque1 et Keur Massar. Là, des populations ont battu le macadam, la semaine dernière, pour dénoncer les manœuvres de promoteurs véreux qui tentent de les exproprier de leurs parcelles pourtant acquises, disent-ils, auprès d’une société étatique dédiée, la SN/HLM, dont elles ne comprennent pas le mutisme, face à un tel état de fait.
Auparavant, à Ngor, les populations s’opposent ardemment à l’érection d’une brigade de Gendarmerie sur le parking du village traditionnel. Le site qui donne vue sur la route principale, devrait servir à la construction d’un lycée et des activités autres que la construction d’une structure dédiée à la sécurité, expliquent-elles.
Ailleurs, dans la banlieue, les citoyens expriment leur mécontentement. Mais le mal devient plus profond et désolant quand ce sont des structures de l’Etat qui sont impliquées et dont la gestion foncière mène à des litiges, à leur avis. Si ce ne sont pas des agissements «de gens puissants», dans le dos de ces entités étatiques (qu’ils invoquent souvent, en brandissant parfois des papiers) pour imposer leurs forfaitures aux populations souvent démunies. Et les exemples foisonnent.
Le partage de la bande des filaos de Guédiawaye fait toujours grincer les dents. Alors qu’environnementalistes et militants de mouvements associatifs crient et alertent par rapport à un «désastre environnemental», suite à son déclassement, des lopins de terre serviront de parcelles habitables pour des personnes autorisées à y élire domicile. L’une des principales demandes ayant motivé la dé-classification de cette partie du littorale, l’érection des cimetières chrétien et musulman peut attendre encore.
QUAND DES TERRAINS ACQUIS AUPRES DE SOCIETES ETATIQUES SONT OBJET DE SPECULATIONS
Les expropriés, pour des projets d’utilité publique, ne sont également pas au bout de leurs peines. En atteste, à la Cité APIX, dans la commune de Tivaouane Peulh, plusieurs familles impactées, entre autres, par les projets de l’autoroute à péage et autres chantiers de l’APIX, qui se sont vus octroyer des parcelles dans la cité du nom ce cette Agence de promotion des grand travaux de l’Etat, se retrouvent aujourd’hui sans toit, ou du moins jusque-là.
En effet, ayant tardé à viabiliser leurs parcelles, faute de moyens, en ce sens que les parts d’argent reçues en plus du terrain ne leur permettaient pas de construire, ils doivent aujourd’hui faire face à des personnes brandissant des titres de propriété obtenus, selon elles, de services de l’Etat. Dès lors se posent des contentieux qui atterrissent parfois en justice, du fait d’un conflit entre les titres de propriété délivrés, selon ces impactés, par les préfets, sous le contrôle de l’exécutif régional qui, aux yeux de l’administration, sont ceux valables sur ce site, et d’autres octroyés par des services des Impôts et Domaines. Ce que déplorent des impactés des travaux de l’APIX qui ont vu leurs projets immobiliers bloqués, du fait de ce contentieux.
L’autre problème foncier, c’est celui qui concerne le port minéralier de Bargny-Sendou. Là aussi, les populations impactées regrettent le fait que des personnes continuaient à se faire passer pour des agents de ce projet révolutionnaire de l’Etat, réalisé via le Port autonome de Dakar (PAD), pour réclamer encore des terres, des champs de pauvres habitants de la zone. Alors qu’une superficie d’environ 484 hectares avait déjà été sécurisée pour le projet portuaire.
Les problèmes fonciers à Dakar, c’est aussi à Bambilor où le projet des 100.000 logements de l’Etat ne fait pas que des heureux. Mais aussi des terrains vendus à plusieurs personnes. La pratique, connue de tous, existe depuis plusieurs années, mais n’a jamais été résolue.
LE LITTORAL, LE PHARE DES MAMELLES ET LE TECHNOPOLE DE PIKINE CONVOITES
En plus de tous ces problèmes, on se souvient qu’en 2020, les nombreuses dénonciations ont empêché la construction d’un domaine privé tout près du Phare des Mamelles et du Monument de la Renaissance africaine. Des collectifs citoyens se sont fait entendre, motivant ainsi l’autorité suprême à décider de la suspension immédiate dudit projet. Depuis, le calme est revenu, sans que l’on sache ce qu’est devenu le programme de désencombrement annoncé en ces temps-là. Des résidences privées s’étaient déjà accaparées de la plage, au moment de la décision étatique. La légalité de leur installation était remise en question.
Bref, à Dakar, une presqu’ile, le constat paradoxal est que la vue sur la mer est un luxe que certains ne peuvent plus se permettre, à cause de la forte convoitise du domaine maritime. Heureusement, les travaux d’aménagement de la corniche ont quelque peu redonné aux Dakarois le droit de profiter de leur plage.
Plus loin, zone humide et un des poumons verts de Dakar, le Technopole de Pikine n’échappe pas la convoitise. Des occupants l’empiètent, au grand dam des maraichers et des fleuristes. Quid de l’écosystème largement entamé ? Des espèces avifaunes, de faune et de flore sont menacées et/ou perdues. Le risque de bloquer le passage d’eau est aussi réel. Ce qui n’est pas sans conséquence sur l’aggravation des inondations dans cette partie des Niayes, le site étant aussi un réceptacle d’eaux pluviales.
YOFF ET OUAKAM, MEME REALITE
Autre partie de Dakar, même réalité. Après la délocalisation de l’aéroport Léopold Sedar Senghor, la collectivité lébou avait manifesté son intérêt de recevoir une partie de l’assiette foncière. Cette affaire est toujours au point mort ; l’on ne sait pas encore ce qu’il en sera, si l’Etat décide de mettre en œuvre les projets annoncés sur le site ou si la suspicion du morcellement se confirme.
A Ouakam, les terres données aux «Lions» du football, après le sacre continental de février 2022 (CAN Cameroun 2021) ont fait réagir certains qui font du site en question un bien commun de la population de la zone. Il est important de ce fait de s’inquiéter de l’issue de cette attribution. En attendant, la liste des conflits fonciers latents, loin d’être exhaustive, devrait pousser les autorités à adopter une meilleure approche pour régler définitivement le problème. Au grand bonheur des populations et de la paix sociale.