Au Sénégal, le surf gagne en popularité et ses pratiquants émergent petit à petit sur la scène internationale. Les clubs foisonnent et la fédération nationale, en quête d’une reconnaissance mondiale, engrange de plus en plus de nouveaux membres. La qualification aux Jeux olympiques de « Paris 2024 » est l’un des enjeux majeurs pour les riders sénégalais qui se mesureront aux meilleurs lors des Isa World Surfing Games 2023, au Salvador.
Jadis pratiqué par une certaine élite, le surf se développe à un rythme effréné. Ce sport spectaculaire est pratiqué un peu partout au Sénégal, qui fait partie du top 10 des pays ayant des vagues de classe mondiale. Oumar Sèye, premier Africain professionnel de surf, a semé du rêve dans la tête des jeunes dans les années 90. Son travail a porté ses fruits. Ils sont de plus en plus nombreux ces jeunes, aux talents incroyables, à défier les vagues dans l’espoir de porter haut les couleurs du surf sénégalais et d’intégrer, plus tard, l’élite mondiale. Cet engouement s’explique par le fait que le Sénégal est l’un des rares pays à avoir des vagues toute l’année. Sans compter la floraison des « surfs camps » et la multiplication des évènements, compétitions, challenges ou trophées qui attirent de plus en plus de pratiquants à la quête de la meilleure vague.
« Le surf sénégalais connaît une croissance fulgurante depuis 2017, avec la mise en place de la Fss (Fédération sénégalaise de surf). Cette même année, le Sénégal a participé, pour la première fois, aux championnats du monde à Biarritz, en France. Depuis, nous nous efforçons de participer chaque année à la grand-messe mondiale qui regroupe toutes les nations de la discipline. Nous avons été au Japon à deux reprises, au Salvador et dernièrement aux États-Unis, compétition à laquelle le Sénégal a brillé, en atteste la 16e place de Chérif Fall sur 31 athlètes », a soutenu Soulèye Mbengue, secrétaire général de la Fédération. Loin d’avoir un grand pedigree en sport de glisse, le Sénégal a réussi à s’incruster sur la carte des destinations surf. Avec ses spots de classe mondiale, dont les plus connus sont le Vivier, le Secret, sur la corniche des Almadies, le Club Med et aussi la Droite de Ngor, Dakar est devenue, en l’espace de quelques années, un point incontournable pour les amateurs. Les écoles de surf sont passées de 5 à 12 et le nombre de licenciés de 200 à presque 600, dont de nombreux expatriés. Une belle progression.
De la bonne graine
Cependant, le Sénégal est loin d’être « La Mecque » du surf. Mais l’objectif des fédéraux est de hisser le pays au rang des nations majeures de cette discipline. Comme l’Australie, les États-Unis, le Brésil ou l’Afrique du Sud. Très convoité par les amateurs de glisse, le Sénégal fait de bons résultats. Il s’est classé 27e sur 51 nations lors des derniers Isa World Surfing Games 2022, qui se sont tenus, en septembre dernier, à Huntington Beach, en Californie. Il est également deuxième au niveau continental à l’issue de la première édition des African Surfing Games, qui s’est déroulée à Agadir (Maroc), du 1er au 5 mars 2023. Cet évènement, organisé sous l’égide de la Confédération africaine de surf, a réuni des compétiteurs venus du Maroc, du Sénégal, du Cap-Vert, de la Côte d’Ivoire, de Madagascar, de Maurice, du Burkina Faso et du Congo. Les riders ont concouru dans les catégories surf open, surf femmes et juniors (garçons et filles). Fer de lance du Sénégal, Chérif Fall, classé 16e lors des Isa Wsg 2022, a remporté la médaille d’argent chez les hommes. Dans la catégorie masculine (-18 ans), Serigne Fallou Bousso a aussi décroché l’argent, tout comme Déguène Thioune dans la catégorie féminine (-18 ans).
Si Oumar Sèye a ouvert la voie à une nouvelle vague de surfeurs, Chérif Fall, Sidy Camara, Ismaïla Samb, Assane Mbengue, Birame Guèye, Ibra Samb, Mbabou Guèye Fallou Bousso, Demba Guèye et Swan Gomis restent des valeurs sûres, qui peuvent valoir au Sénégal beaucoup de satisfaction. La relève, estime Soulèye Mbengue, est bien assurée. Ce qui, selon lui, augure de lendemains meilleurs pour le surf sénégalais. La fédération, de l’avis de son secrétaire général, est dans une logique de développement de la discipline.
Promotion du surf
Le Sénégal veut devenir une référence en surf. Et pour y arriver, la Fss a mis en place une stratégie de formation pour accompagner au mieux ces graines de champions et les inscrire dans une dynamique de sportifs de haut niveau. « Nous participons régulièrement à des séances de formation organisées par le Comité national olympique ou encore le ministère des Sports. En plus de cela, notre fédération a signé une convention avec nos homologues français. Une séance de formation a été déjà organisée pour trois formateurs qui se chargeront des futures formations », a informé Soulèye Mbengue.
La Fss s’intéresse également au maintien des athlètes dans le circuit scolaire. « Nous les accompagnons à travers un suivi de leurs études ». Par ailleurs, a fait savoir M. Mbengue, la Fss, au-delà des championnats du Sénégal, a initié une journée appelée « Surfing Day » dédiée spécialement à l’initiation gratuite au surf. Cette journée est organisée chaque année, en juin, pour promouvoir davantage la discipline. « Nous déroulons aussi des programmes de vulgarisation en dehors de Dakar (Somone, Cap Skirring, en Casamance, Kayar, etc.) et aidons les personnes intéressées à ouvrir des écoles de surf dans les régions citées plus haut », a-t-il expliqué.
L’un des défis majeurs de la Fss, selon son secrétaire général, c’est la protection du littoral. Le site retenu est « Vivier Gauche » sur les Almadies. « Le littoral est constamment agressé, d’où notre appel à l’endroit des autorités étatiques pour sa protection », a ajouté Soulèye Mbengue.
Les perspectives tournent, selon lui, autour de la mise en place d’un brevet fédéral en collaboration avec le ministère des Sports, de l’obtention du diplôme de second degré pour les coaches nationaux et l’installation de clubs de surf sur toutes les plages. À cela s’ajoutent la mise sur pied du projet « Senegal Surf Academy » pour le maintien des jeunes à l’école et la finalisation du projet « Surf City » qui est en gestation avec l’Aspt.
Ismaïla Samb, l’étoile montante du surf
À 20 ans, Ismaïla Samb s’est forgé un parcours de champion. Il découvre le surf à l’âge de huit ans grâce à son grand frère. « Je voyais mon grand frère et je l’attendais sur les rochers de Ngor lorsqu’il était dans l’eau. Un jour, je lui ai demandé d’essayer et il a enfin accepté. Depuis lors, je lui demandais chaque jour sa planche ». Depuis, Ismaïla a fait du chemin, jusqu’à devenir une des valeurs sûres du surf sénégalais. Un secret, il n’en a pas. Il s’entraîne beaucoup hors et dans l’eau. « J’essaye de comprendre comment rendre une manœuvre plus radicale ou comment améliorer les lignes que je fais sur une vague. J’essaye de bien manger et d’avoir un style de vie sain. J’habite et je travaille dans un surf camp, le Malika Surf Camp, où j’ai la possibilité de me focaliser sur mon surf », indique Ismaïla Samb qui a découvert le plus haut niveau mondial. Le surfer a participé aux World Surfing Games à Huntington Beach du 16 au 24 septembre dernier. Récemment, en début mars, il a pris part aux Qualifying series (compétition du circuit pro Wsl), au Maroc, et à la Coupe d’Afrique avec l’équipe nationale. « Je suis arrivé jusqu’en demi-finale. C’était une expérience incroyable. On a eu de bonnes vagues et le niveau des compétiteurs était excellent ». Le surfeur de 20 ans rêve de la Wsl et des Jeux olympiques. « Là, on envisage la participation aux Isg Wsg à El Salvador pour gagner un ticket pour « Paris 2024 », a soutenu le surfeur.
Pour les motiver davantage à participer aux compétitions internationales, la Fédération sénégalaise de surf a mis à leur disposition une salle de sport avec un coach. « Ce n’est pas toujours facile, car le budget nécessaire pour participer à ce genre de compétitions est colossal », a-t-il fait savoir. L’objectif d’Ismaïla Samb, c’est de devenir professionnel en intégrant le World Tour ; ce qui lui permettrait de gagner sa vie grâce au surf, de représenter le Sénégal partout dans le monde et devenir un modèle pour les futures générations de surfeurs. « Pour le moment, je suis à la recherche d’un sponsor qui puisse m’accompagner dans ma carrière de sportif de haut niveau et avec qui partager les valeurs du sport et du surf en particulier », a-t-il indiqué. Il s’est félicité des progrès du surf sénégalais. « La discipline est en train de se développer ces dernières années. De plus en plus de locaux s’y activent pour exercer comme moniteurs, réparateurs ou pro-surfeurs. Le problème reste l’accessibilité au matériel et la difficulté à sortir du pays pour participer à des compétitions d’envergure internationale », a-t-il déploré.
La féminisation en marche
La pratique du surf continue de progresser et de se démocratiser. Depuis quelques années, la féminisation se fait au petit trot. De plus en plus de femmes intègrent la sphère du surf, conscientes qu’elles y ont leur place. Soulèye Mbengue, secrétaire général de la Fédération sénégalaise de surf (Fss), note une évolution positive du surf féminin au Sénégal. « D’année en année, nous avons plus de jeunes filles qui intègrent les clubs de surf et qui prennent des licences pour compétir », précise-t-il. Ainsi, l’année dernière, la Fss comptait pas moins de 70 licenciées, parmi lesquelles des expatriées. « C’est encore peu mais elles s’intéressent de plus en plus à ce sport », admet Soulèye Mbengue. Déguène Thioune fait partie de ces femmes qui ont brisé les barrières. Elle est née au bord de l’eau et a appris, comme beaucoup de natifs de Yoff, à dompter les vagues dès son jeune âge. Du haut de ses 17 ans, elle est déjà une sportive aguerrie. Déguène Thioune avait commencé par le rugby qu’elle a pratiqué de nombreuses années avant de changer de cap. « J’ai commencé à Yoff, parce que je voyais des jeunes dans l’eau. C’est comme s’ils dansaient sur les vagues. J’ai progressé vite dans le surf ». Depuis, Déguène a participé à des compétitions nationales, mais les résultats n’ont pas suivi. La persévérance et la motivation en bandoulière, la surfeuse s’est entraînée régulièrement, en salle et dans l’eau, avec les jeunes surfeurs de son club. Elle a continué de progresser et a trusté les podiums de diverses compétitions. Cette année, elle a remporté le championnat du Sénégal. Début mars, elle a participé à l’African Surfing Games, au Maroc, et s’est illustrée de fort belle manière en remportant la médaille d’argent dans la catégorie junior. En catégorie open, son parcours s’est arrêté en quarts de finale. « C’était une grande expérience car, pour moi, c’était la première fois que je voyageais et les vagues étaient très grosses. Heureusement, avec mon coach qui était sur place, j’ai eu confiance en moi et je me suis dit que je pouvais le faire », confie Déguène Thioune.
Malgré la place que prend le surf dans sa vie, elle n’en oublie pas moins sa scolarité. Déguène Thioune, élève en classe de quatrième, caresse l’espoir de devenir une athlète de haut niveau et de porter haut les couleurs du Sénégal. « Mon rêve, c’est de représenter le Sénégal lors des grands rendez-vous du surf mondial et devenir un jour championne d’Afrique », indique Déguène Thioune qui rêve de multiplier les compétitions aux quatre coins du monde pour performer.
Intégrer les instances internationales
L’heure est venue pour le Sénégal d’occuper des postes de responsabilités au sein des instances internationales du surf. C’est la conviction du président de la Fédération sénégalaise de surf qui a porté la candidature d’Oumar Sèye pour la prochaine Assemblée générale constitutive de la Confédération africaine de surf prévue le 23 avril, à Dakar. Alexandre Alcantara a rappelé l’importance pour le Sénégal de présider aux destinées de cette instance. « Nous avons le pari du Sénégal de nous positionner dans les instances, de siéger à l’International Surfing Association (Isa) qui régit tout le monde du surf jusqu’aux Jeux olympiques en passant par les Jo de « Paris 2024 », puis les Jeux olympiques de la jeunesse (Joj) « Dakar 2026 ». La logique voudrait que nous puissions nous organiser autour des pays africains pour que lorsqu’il y a ce type d’évènements, ils puissent rayonner et être bien représentés », a expliqué le président de la Fss. Selon M. Alcantara, le Sénégal visera d’autres instances. « Au-delà de l’Isa, il y a l’association francophone de surf que nous allons présider les prochaines années avec toujours comme objectif les Joj 2026. Après ces Jeux, le Sénégal sera amené à aller dans bon nombre d’endroits pour rayonner dans la discipline », a-t-il indiqué.
Premier Sénégalais passé surfeur professionnel dans les années 90, Oumar Sèye tentera de succéder au Marocain Mohamed Kadmiri. Son défi, innover le surf africain et montrer au monde entier que l’Afrique, continent oublié, représente le futur. « L’une de mes ambitions, c’est de mettre en place le circuit professionnel africain parce que les surfeurs africains ont du mal à se déplacer du fait des problèmes de visas, du manque de moyens. Si ça continue, il sera difficile de voir un Africain dans le World tour », a-t-il fait savoir. Le fait de proposer le circuit professionnel africain permettra, selon le candidat, d’avoir un Ranking africain. Ce qui, à son avis, permettra à la fédération internationale de prendre en compte le classement africain pour les qualifications aux championnats du monde, aux Jeux olympiques et aux Joj. Un programme de formation sera déroulé au profit des techniciens sénégalais et africains qui s’activent autour de la discipline sans avoir de diplômes. « Nous avons l’objectif de signer une convention avec la fédération internationale pour former nos encadreurs pour qu’ils puissent avoir leurs diplômes Level 1 et 2 ; ce qui leur permettra de coacher au Sénégal, en Afrique et au niveau international », a fait savoir Oumar Sèye. Soutenir et fournir l’aide nécessaire à plus de 30 pays africains non encore dotés de fédérations à développer et promouvoir le surf dans le continent fait aussi partie de ses ambitions. Il s’agira également, pour lui, de soutenir davantage les pays qui n’ont pas de moyens suffisants pour former des talents à même de mieux représenter le continent aux évènements internationaux.
La présidence de la confédération sera, pour Oumar Sèye, un aboutissement. « Je fais partie des membres fondateurs de la Confédération africaine de surf dont je suis le vice-président. J’ai été le premier surfeur africain à signer un contrat professionnel, à avoir 25 ans de contrats avec les grandes marques, à faire le tour du monde à sept reprises ; ce que j’ai vu et appris, je l’ai gardé à l’intérieur de moi. Et cette expérience, je veux la partager avec les surfeurs sénégalais et africains pour contribuer au développement du surf africain », a-t-il affirmé.
« La candidature d’Oumar Sèye à la présidence de la Confédération africaine de surf nous aidera à asseoir notre politique. Nous appelons tous les Sénégalais à s’unir derrière cette candidature », a plaidé Soulèye Mbengue.
« Paris 2024 » en ligne de mire
Le surf est entré dans le giron des disciplines olympiques lors des Jo 2020 à Tokyo. Il fera encore son apparition aux Jeux de « Paris 2024 ». Les épreuves se tiendront en Polynésie française, à Tahiti. Pour espérer faire partie des 48 surfeurs (24 femmes et 24 hommes) qui s’affronteront du 27 au 30 juillet 2024, sur la mythique vague de Teahupoo, les riders sénégalais devront passer la lourde étape des qualifications. Les critères de sélection sont basés sur le World Surf Championship Tour et les World Surfing Games, le plus haut niveau en surf. Chérif Fall et ses coéquipiers tenteront de décrocher leurs tickets lors des Championnats du monde Isa, prévus prochainement au Salvador. Pour le secrétaire général de la Fédération, la qualification aux prochains Jo de Paris est l’un des enjeux majeurs lors des Isa Wsg 2023. Et tous les efforts de l’équipe fédérale sont concentrés pour l’atteinte de cet objectif. « Les Jeux olympiques sont un évènement incontournable dans le monde de la glisse et l’étape du Salvador est cruciale, car le mieux classé de chaque continent décrochera une place pour « Paris 2024 ». Nous avons l’ambition d’amener nos surfeurs très tôt au Salvador afin qu’ils puissent avoir une excellente préparation sur les lieux de la compétition », a fait savoir Soulèye Mbengue qui invite le ministère de Sports et les sponsors à accompagner les riders sénégalais pour une très bonne préparation.
La Fédération, selon son vice-président, est déterminée à accrocher le wagon de « Paris 2024 ». « Depuis notre retour des Isa World Surfing Games aux Etats-Unis, le Sénégal est la première nation africaine au classement mondial. Si on conserve cette première place à Salvador, on sera bien présent à Paris », a assuré Oumar Sèye.
Le défi de « Dakar 2026 »
Dans trois ans, le Sénégal abritera la 4e édition des Jeux olympiques de la jeunesse (Joj). Une première pour le continent africain. Cet évènement olympique donne une impulsion supplémentaire à la Fédération sénégalaise de surf qui veut faire sensation. L’instance fédérale a déjà effectué une large revue d’effectif des jeunes surfeurs et a sélectionné un groupe de 10 athlètes nés après 2008 en vue de ce grand rendez-vous. Ils sont soumis à un programme d’entraînement régulièrement afin qu’ils soient prêts le moment venu. Le président de la Fédération sénégalaise de surf a insisté sur l’importance de la préparation pour pouvoir offrir à la nation de jeunes surfeurs qui pourront rayonner lors de ces jeux. Pour Alexandre Alcantara, la Fss et l’ensemble des acteurs ont le devoir de s’engager autour de ce sport. « Nous devons prendre en compte toute l’envergure de l’importance que ces Jeux olympiques de la jeunesse représentent pour bien préparer nos athlètes qui sont essentiellement des jeunes et faire de bons résultats », a-t-il fait savoir.
Pays hôte de cette messe olympique, le Sénégal peut bénéficier de ce statut, selon Oumar Sèye. Cependant, informe-t-il, le fait d’avoir un circuit professionnel africain pourrait accroître les chances du Sénégal s’il est bien classé. « Pour aller plus loin, il faut que le Sénégal organise, et le fait d’avoir à la tête de la confédération un Sénégalais nous confèrera beaucoup d’avantages parce que le problème qu’on a des fois, c’est de ne pas être présents dans les instances de décision », a indiqué le vice-président de la Fédération sénégalaise de surf.