Moyen-Orient, Asie centrale, géopolitique, dette africaine : la Chine est sortie du Covid-19 avec un engagement diplomatique déterminé. L’empire du Milieu reçoit des dirigeants de plusieurs pays et de grands groupes mondiaux. Une activité que les responsables africains ont tout intérêt à observer attentivement.
Après trois ans de confinement en raison de la Covid-19, la Chine a récemment intensifié son activité diplomatique. Sous la direction de Xi Jinping, le pays cherche à influencer le monde en accord avec ses objectifs.
Médiation clé entre l’Arabie Saoudite et l’Iran
La Chine joue actuellement un rôle de médiateur entre l’Arabie Saoudite et l’Iran, deux nations en conflit depuis 2016. Les deux pays ont accepté, sous l’égide de la Chine, d’établir une feuille de route qui pourrait aboutir à une désescalade au Yémen, où ces deux rivaux sont accusés d’implications indirectes. Cette initiative pourrait avoir des implications importantes pour les relations régionales et internationales, notamment en ce qui concerne la sécurité et la stabilité au Moyen-Orient. Cela profiterait à Pékin, qui souhaite élargir son espace commercial et l’influence de sa monnaie.
Alors que les Etats-Unis focalisent la question du nucléaire, la Chine a su saisir l’opportunité de dialoguer avec une république iranienne qui souffre de l’embargo américain, qui fait face à de vives contestations en interne et qui peut de moins en moins assumer un rôle actif dans des conflits interposés. Quant à l’Arabie Saoudite elle semble prête à envisager diverses options de diversification de ses partenaires. Rien n’est encore gagné, le processus n’est qu’à ses débuts, mais la Chine n’avait pas mené de telles approches depuis près d’une décennie.
Conflit en Ukraine
La Chine s’est également positionnée comme interlocuteur clé dans le conflit en Ukraine, en cherchant à attirer l’attention des dirigeants russes. Les propositions chinoises, qui incluent le rejet des « logiques de guerre froide » et l’implication de l’ONU dans la résolution du conflit, ont été bien accueillies par Moscou, mais elles suscitent des réticences en Occident. L’engagement de la Chine dans ce conflit n’est pas fortuit. Depuis que la Russie a été sanctionnée par l’Occident à la suite de l’invasion de l’Ukraine, son économie est fragilisée et le pays a du s’appuyer sur la Chine et sur sa monnaie le Yuan Renminbi, pour assurer une part non-négligeable de ses exportations.
Mais le pays de Xi-Jinping voit plus grand encore, notamment la possibilité de rallier, en plus du Moyen-Orient, l’ensemble des synergies politiques autour de l’Asie Centrale, une zone géographique qui récemment encore fonctionnait sous le leadership de Moscou.
Relations avec la France et l’Europe
La visite du président français Emmanuel Macron en Chine a été largement médiatisée, mais surtout critiquée. Les médias chinois eux ont plutôt retenu les succès de la diplomatie chinoise, notamment en matière de relations commerciales : commandes à Airbus de plusieurs appareils et, en retour, commande de porte-conteneurs de fabrication chinoise pour une entreprise française, par exemple. Le ministère chinois des Affaires étrangères a également insisté sur la volonté de coopérer avec la France. Pour les médias chinois, cette visite met en lumière l’importance croissante des relations bilatérales entre la Chine et les pays européens, en dépit des critiques d’une partie de la classe politique européenne concernant la position modérée du chef de l’Etat français sur la crise avec Taïwan.
Engagement pour la dette extérieur africaine
En ce qui concerne l’Afrique, on se souvient que la Chine avait rapidement offert son aide durant la pandémie, en fournissant des masques et des vaccins. Aujourd’hui, Pékin se positionne en champion de l’allègement de la dette africaine. Plusieurs rapports sur la plateforme Ecofin Pro évoquent les discussions menées par la Chine en faveur d’un assouplissement des conditions d’endettement des pays africains auprès des institutions financières internationales telles que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international.
L’engagement de la Chine en Afrique reflète sa volonté d’étendre son influence sur le continent et d’y renforcer ses partenariats économiques et politiques. On ignore, à ce jour, ce que les leaders français et chinois ont échangé à propos de l’Afrique. Selon certaines analyses, il aurait été question d’alliance pour une approche plus efficace des marchés, notamment en Afrique de l’Ouest. Mais aucune source officielle ne confirme cela.
Un processus à surveiller de très près
L’accélération du rythme diplomatique de la Chine, marquée par des initiatives audacieuses et une volonté d’étendre son influence, souligne l’importance grandissante du pays sur la scène internationale. Il est clair que la Chine joue un rôle croissant dans la résolution des conflits et dans le développement de « partenariats » à travers le monde. L’Empire de Milieu, malgré de longues relations commerciales avec l’Occident, conserve son point de vue sur le monde, qui n’est pas toujours compris par ses partenaires occidentaux. Les Africains, eux, ne se prononcent pas souvent en public sur cette question. Mais récemment, alors qu’il était l’invité d’Atlantic Council, un think-tank américain spécialisé dans les relations internationales, Alamine Ousmane Mey, ministre camerounais de l’économie et de la planification, a indiqué qu’il « fallait qu’on arrête de voir l’Afrique comme un terrain d’influence de superpuissances, mais davantage comme un partenaire ». Un changement de narratif, qui peut-être se propage progressivement au sein de l’élite dirigeante africaine.
Idriss Linge