A court terme, le ralliement des républicains semble l’avantager pour la primaire, mais des poursuites pénales pourraient faire fuir les indépendants et les conservateurs modérés lors du scrutin présidentiel
« Les démocrates viennent d’offrir la nomination à Donald Trump. » Cette analyse à chaud d’un éditorialiste du site conservateur RedState, jeudi, après l’inculpation de Donald Trump à New York, est reprise un peu partout dans les sphères républicaines. Certains, comme un présentateur de la chaîne Newsmax, vont même plus loin, assurant que le procureur de Manhattan Alvin Bragg, élu sous étiquette démocrate en 2021, « tourne en ridicule notre république mais pourrait avoir assuré la victoire de Trump » à la présidentielle. Pas si vite, avertit Barrett Marson, un stratégiste républicain de l’Arizona. « Il y a encore environ neuf mois avant le premier vote dans la primaire républicaine, c’est une éternité en politique. »
Cette inculpation aide-t-elle Trump pour la primaire ?
Parmi ses potentiels adversaires, aucun n’a osé attaquer Donald Trump jeudi, préférant tirer sur le procureur. L’ancienne gouverneure de Caroline du Sud, Nikki Haley – l’une des rares à s’être déclarée – a critiqué « des poursuites politiques ». Mike Pence s’est dit « indigné » et Mike Pompeo a jugé qu’Alvin Bragg, en inculpant pour la première fois de l’histoire un ex-président, « sapait la confiance de l’Amérique dans notre système judiciaire ». Même Ron DeSantis, qui ne s’est pas encore lancé mais est vu comme le rival le plus dangereux de Donald Trump, a serré les rangs, s’insurgeant contre une décision « anti-américaine » par un « procureur soutenu par George Soros ». Le milliardaire, Némésis des conservateurs, est l’un des principaux soutiens financiers du groupe politique Color of Change, qui avait investi 500.000 dollars dans la campagne de Bragg, selon CNN.
« On a un un candidat qui a payé 130.000 dollars pour acheter le silence d’une actrice de films X pour cacher qu’il avait eu une relation sexuelle (présumée) avec elle. Est-ce que ce sont les valeurs du parti républicain ? Ils (les rivaux) de Trump refusent de l’attaquer sur les détails sordides de l’affaire, et c’est un peu déconcertant », juge Barrett Marson. « Comment espèrent-ils le faire vaciller ? »https://3421df2537fdf8b6296d3d7173c6d358.safeframe.googlesyndication.com/safeframe/1-0-40/html/container.html?n=0
Leur calcul, c’est qu’attaquer Donald Trump est pour l’instant trop risqué. Après son trou d’air lors des midterms, avec une vague rouge qui a fait pschitt, il est revenu sur ses plus hauts, avec 8 républicains sur 10 qui ont une opinion favorable de lui, et autant qui jugent que les enquêtes judiciaires sont une « chasse aux sorcières », selon un sondage pour PBS réalisé la semaine dernière. Dans la bataille des primaires, Trump est loin devant, avec 50 % des intentions de vote contre seulement 24 % à Ron DeSantis, selon la dernière étude d’Harris.
Dans l’immédiat, son inculpation « aide Trump et pénalise ses rivaux qui ont décidé de le soutenir », juge Barrett Marson. Qui rappelle toutefois que la donne pourrait changer une fois la nature des charges dévoilées mardi prochain, ou en cas d’autres inculpations dans les enquêtes en cours sur l’assaut du Capitole, l’élection de 2020 et sa gestion des documents classifiés.
Des poursuites peuvent-elles booster Trump pour la présidentielle ?
Depuis deux semaines, Donald Trump a envoyé des dizaines de mails à ses supporteurs pour lever des fonds, à coup de « ils veulent vous réduire au silence, vous devez contre-attaquer ». En 24 heures, il a récolté 4 millions de dollars, et ne manquera pas de vendre des t-shirts avec la photo qui sera prise dans le bureau du procureur ce mardi.
Son espoir pour la présidentielle, c’est qu’une majorité d’Américains finissent par trouver que les multiples enquêtes le visant relèvent de l’acharnement judiciaire. C’est loin d’être le cas pour l’instant. Selon un sondage de l’université Quinnipiac publié mercredi, 57 % des Américains estiment que des charges pénales devraient le disqualifier. Dans le détail, c’est la position de 88 % des électeurs démocrates, ce qui n’est pas une surprise, mais surtout de 55 % des indépendants et même de 23 % des républicains.
« Pour la présidentielle, cela l’handicape », estime Barrett Marson. « Payer une actrice porno pour cacher une liaison ne va pas rendre Trump davantage populaire chez les indépendants et les républicains modérés ». Sans cet électorat crucial, s’imposer dans la demi-douzaine de swing states où l’élection se joue sera très compliqué.
« 20 Minutes ».