Alors que les aléas climatiques augmentent et deviennent plus graves sur le continent, la demande de couverture de ces risques est encore faible, en raison de tarifs élevés, du manque de connaissance des solutions existantes ou encore de l’incapacité des assureurs à proposer des produits attrayants.
92,3% des dirigeants des compagnies opérant dans le secteur des assurances en Afrique ont observé une hausse de la fréquence des risques climatiques ces dernières années, selon un rapport réalisé par le cabinet Faber Consulting pour le compte de l’Organisation des Assurances Africaines (OAA).
Ce rapport intitulé « Pouls de l’Assurance en Afrique 2022 : le changement climatique et son impact sur le secteur de l’Assurance en Afrique » se base sur une enquête réalisée auprès de 26 dirigeants de compagnies d’assurances, de sociétés de réassurance et de courtiers opérant sur le continent, dont Aon Reinsurance Solutions (Afrique du Sud), Atlantique Assurance (Côte d’Ivoire) Custodian Insurance (Nigeria), African Trade Insurance Agency (Kenya), la Société Centrale de Réassurance (Maroc) et Ethiopian Reinsurance Company (Éthiopie).
Quatre risques ont été cités plus souvent que les autres par les dirigeants interrogés : les cyclones (notamment en République de Maurice, à Madagascar et au Mozambique), les inondations (Afrique de l’Ouest et Afrique de l’Est notamment), les feux de forêt (Afrique du Nord) et les tempêtes de grêle (Afrique australe).
En parallèle, 84,6% des sondés ont observé une augmentation de la gravité de ces phénomènes extrêmes, notamment des tempêtes tropicales et des inondations. Dans le cas des inondations, l’urbanisation croissante réduit la capacité des sols à absorber les précipitations, car des surfaces imperméables comme des routes et trottoirs sont construits et des bâtiments érigés. En outre, les grandes villes africaines sont souvent bâties au bord de fleuves, de rivières ou près du littoral, exacerbant le problème.
Interrogés sur les aléas météorologiques auxquels leurs marchés sont exposés, les dirigeants sondés ont cité les inondations (100%), les sécheresses (84,6%), les fortes pluies (73%) et les cyclones tropicaux (57%).
En ce qui concerne la demande en assurance des catastrophes naturelles, aucun des acteurs du secteur des assurances sondés n’a répondu que la demande de solutions d’assurance liées au changement climatique était « très élevée ». Actuellement, la demande de protection contre les conditions météorologiques extrêmes est relativement élevée (40 % des réponses) pour les grandes entreprises commerciales et industrielles, ainsi que sur les marchés où l’assurance contre le risque climatique est obligatoire.
La demande est plus faible pour les branches individuelles (36 % des réponses) et les PME (24 % des réponses), raison d’une combinaison de facteurs, à savoir l’abordabilité, la sensibilisation et l’accessibilité.
L’abordabilité est le facteur limitant le plus souvent cité, mais ce n’est pas la seule raison entravant la hausse de la demande. Souvent, les personnes ignorent les solutions existantes, n’y ont pas accès ou sont dépassées par la complexité de certains produits.
Autre raison : le fait que le secteur de l’assurance ne réussit pas toujours à développer des produits attrayants et pertinents.
Augmentation des tarifs de couverture des risques climatiques
Le rapport révèle dans ce cadre que le consommateur africain moyen est très sensible au prix et affiche, de ce fait, une volonté limitée de payer pour une protection contre les risques climatiques. 11,5 % seulement des dirigeants des sociétés opérant dans le secteur des assurances en Afrique déclarent que les clients des branches individuelles sont capables et désireux de payer pour se couvrir contre des risques liés au changement climatique.
Les dirigeants sondés indiquent aussi que 57% des clients des branches commerciales (entreprises) sont capables et désireux de payer pour une protection contre les risques climatiques, notant cependant que leur sensibilité au prix varie fortement selon qu’elles sont des multinationales ou des PME.
Pour ce qui est du coût de couverture contre les risques climatiques, 60,8% des sondés déclarent que les tarifs ont augmenté au cours des trois dernières années, 30,4% affirment qu’ils sont restés stables et 8,7 % indiquent qu’ils ont baissé.
De manière générale, les dirigeants interrogés ont observé des hausses de tarifs inférieures à 10 %, à l’exception du Kenya et de l’Afrique du Sud qui ont enregistré des augmentations de 20 % ou plus.
Le rapport souligne par ailleurs que l’Afrique est l’une des régions du monde les plus touchées par les catastrophes naturelles et les plus exposées aux effets du changement climatique, alors que le continent en est le plus faible contributeur. Cinq pays africains figurent parmi les dix les plus touchés dans le monde par des phénomènes météorologiques extrêmes en 2019 : il s’agit du Mozambique (1er), du Zimbabwe (2e), du Malawi (5e), du Soudan du Sud (8e) et du Niger (9e).
D’après l’Organisation Météorologique Mondiale, entre 1970 et 2019, 1695 catastrophes naturelles en Afrique ont causé la perte de 731 747 vies humaines et des pertes économiques estimées à 38,5 milliards de dollars.
Mais pour les assureurs, le changement climatique constitue à la fois une menace et une opportunité pour le secteur. 100% des dirigeants sondés affirment en effet qu’ils voient de nouvelles opportunités commerciales en lien avec les risques météorologiques sur leur marché. Ces opportunités favorisées par la nouvelle donne climatique concernent notamment la couverture des nombreux projets d’investissement dans les énergies renouvelables soutenus par les bailleurs de fonds internationaux et les institutions financières africaines, et l’important déficit de protection contre les aléas climatiques en Afrique dont les assureurs peuvent bénéficier en proposant une couverture mieux adaptée au risque (assurance récolte, assurance bétail) et aux capacités financières des consommateurs (assurance paramétrique, micro-assurance).