L’année 2022 a été marquée par une série de drames dans des structures hospitalières. Le 1er avril, c’est la mort de Mme Astou Sokhna à l’hôpital de Louga qui a suscité l’émotion partout dans le pays. Cette dame d’une trentaine d’années, enceinte de 9 mois, est décédée après avoir demandé en vain une césarienne. Sur les circonstances du décès, les autorités, notamment le ministre de la Santé de l’époque, Abdoulaye Diouf Sarr, avait reconnu que c’était un décès maternel évitable. Avant la sortie du ministre, le directeur de l’hôpital a été limogé. Face au tollé, les autorités ont décidé de faire la lumière et 4 sages-femmes, parmi les 6 citées dans cette affaire, ont été arrêtées et placées sous mandat de dépôt pour non-assistance à personne en danger. Une arrestation dénoncée par leurs collègues, qui avaient décrété le 21 avril, une journée sans soins et organisé des manifestations. Au début du mois de mai, le procès est tenu au Tribunal de grande instance de Louga. Le 11 mai, le Tribunal condamne trois des six sages-femmes arrêtées à six mois de prison avec sursis et les trois autres bénéficient d’une relaxe.
Le 25 mai, un autre drame dans une structure sanitaire va plonger à nouveau le pays dans la tourmente. A Tivaouane, 11 bébés sont morts dans un incendie qui a ravagé le service néonatalogie de l’hôpital Mame Abdou Aziz Sy. Après ce drame, le chef de l’Etat avait décrété un deuil national de trois jours et nommé Marie Khémesse Ngom Ndiaye, Directrice générale de la santé publique à cette période, ministre de la Santé et de l’action sociale, en remplacement de Abdoulaye Diouf Sarr, limogé. Le président de la République, Macky Sall, avait ordonné par la même occasion, une mission d’enquête de l’Inspection générale d’Etat (Ige) pour regarder la qualité de l’infrastructure. La machine judiciaire a été aussi enclenchée. Trois travailleurs ont été placés sous mandat de dépôt. Il s’agit de la sage-femme, Awa Diop, de l’aide infirmière, Coumba Mbodji, et Fodé Dione, chef de la division de la maintenance de cet hôpital. Comme ce fut le cas dans l’affaire Astou Sokhna, les blouses blanches se sont mobilisées pour dénoncer ces arrestations. En maintenant la pression par des grèves et manifestations, les syndicats ont réussi à obtenir une liberté provisoire pour leurs collègues.
Dans la nuit du 30 au 31 août, un autre drame va encore secouer le pays. Mamy Doura Diallo et l’enfant qu’elle portait sont décédés au Centre de santé de Kédougou, après une césarienne ratée. Suite à ce drame, 3 personnes ont été arrêtées et placées en garde à vue à la gendarmerie de Kédougou pour «négligence» et «homicide involontaire». Il s’agit du gynécologue, de l’anesthésiste et de l’infirmier. Comme dans les deux précédentes affaires, les agents de santé ont dénoncé la tentative de faire d’eux des boucs émissaires. Ils ont ainsi paralysé pendant des jours, le système sanitaire au niveau régional et même national. Au final, pour jouer la carte de l’apaisement, le juge d’instruction près le Tgi de Kédougou a placé sous contrôle judiciaire les professionnels cités dans cette affaire. Avant, le ministère de la Santé et de l’action sociale, dans son audit, avait disculpé les trois agents. En effet, les services du département dirigé par Marie Khémesse Ngom Ndiaye avaient souligné que «l’exploitation des différents documents» a permis de déceler «la présentation chez la femme, de près de six facteurs de risque susceptibles de compromettre la grossesse et l’accouchement». Une version très différente de celle du procureur, qui avait déclaré qu’une «forte négligence médicale, une incompétence notoire, ainsi qu’un manquement manifeste aux règles élémentaires de la médecine ont été relevés».
Dans toutes ces affaires, on a assisté à l’indignation des organisations de la Société civile et des populations, qui dénoncent la négligence dans les structures de santé. Pendant ce temps, les agents de santé mis au banc des accusés refusent d’être voués aux gémonies alors qu’ils font des sacrifices pour faire leur travail correctement dans des zones reculées et dans des conditions très difficiles.