Au début des années 90, le régime socialiste rêvait de Ntic pour opérer le basculement vers les années 2000. Tout le monde redoutait ce fameux «bug», qui n’a jamais eu lieu. Face à une telle préoccupation, qui annonce la révolution numérique avec la naissance d’internet, le régime socialiste de Abdou Diouf lance un projet de création d’un pôle technologique dénommé «Technopôle».
L’objectif était clair et ambitieux : doter le Sénégal d’un temple de la créativité et des nouvelles technologiques. Genre «Silicon Valley à la Sénégalaise». Le site, situé alors dans le département de Pikine, devait ainsi accueillir les sièges et bureaux de grandes institutions technologiques, des Htech, et même des universités dont la vocation est de porter et vulgariser l’avancée scientifique et technologique du Sénégal par la recherche et l’innovation.
Le décret présidentiel qui élève le site en réserve naturelle
L’échec du projet socialiste que même le régime d’alors avait du mal à impulser, pourrait être expliqué par l’alternance survenue moins de dix ans après l’annonce de ce mégaprojet. En 2000, le bug informatique, mais un tsunami électoral : le Sénégal connait sa première alternance politique, mettant fin à quarante années de règne socialiste. Le régime libéral, dirigé par Abdoulaye Wade, avait manifestement d’autres priorités comme la construction des autoroutes et échangeurs. Le projet tomba alors à l’eau, même si quelques sociétés avaient commencé à y déménager.
Le site devient un dépotoir d’ordures. Parallèlement, le Technopôle devient la «chose» des promoteurs et agents immobiliers qui remblaient des espaces pour constituer des terrains, en complicité avec les autorités communales. Les constructions, tous azimuts, sur le site, dévient la voix naturelle des eaux de pluies qui se déversaient dans la cuvette que constitue la zone, et engendrent ainsi de sérieux phénomènes d’inondations. Il va falloir attendre jusqu’en mars 2019, sur un plaidoyer adressé au président de la République par les communautés riveraines, pour voir le site être classé en réserve naturelle placée sous la tutelle des Aires marines communautaires protégées du ministère de l’Environnement, du développement durable et de la transition écologique. Il prend ainsi le nom de Réserve naturelle des Niayes de Pikine et dépendances (avec l’inclusion des lacs de Bel Air), dépendant des huit communes qui la ceinturent. Objectifs : sauver ce qui reste de cette zone et restaurer les habitats, gérer de manière rationnelle les services écosystémiques, réduire la vulnérabilité des populations face aux inondations et augmenter leur résilience.
Evidemment, le projet initial est enterré. Il y a quelques entreprises qui y ont trouvé leur place. Par exemple, la Sonatel y a érigé une agence. Le siège de Sénégal numérique (ex-Agence de l’informatique de l’Etat (Adie)) se trouve au cœur du Technopôle.
« Le Quotidien »