Alors que plusieurs dirigeants africains défendent le droit du continent à exploiter ses réserves de gaz naturel durant une période transitoire, le temps de développer les énergies décarbonées, un think tank basé à Londres soutient que cette option n’est pas la plus rentable.
Le développement de l’énergie solaire en Afrique est désormais économiquement plus avantageux que les investissements dans le gaz naturel et les autres combustibles fossiles, a estimé le think tank indépendant Carbon Tracker dans un rapport publié le 14 novembre.
Intitulé « African Sun : Why Solar Not Gas Offers Continent the Best Economic Opportunity in the Transition », ce rapport indique que plusieurs pays africains cherchent à explorer et à exploiter des énergies fossiles, notamment le gaz naturel, pour bénéficier de recettes d’exportation élevées et répondre aux besoins énergétiques domestiques, tout en soulignant que cette stratégie est « très risquée ».
La crise énergétique déclenchée par le conflit russo-ukrainien a contraint les pays européens à se tourner vers l’Afrique pour assurer son approvisionnement en gaz naturel. Mais cet intérêt européen sera de courte durée puisque la guerre en Ukraine a également donné un coup de fouet aux efforts déployés par les pays développés pour se sevrer des énergies fossiles. L’Union européenne a en effet plus que doublé ses objectifs relatifs à la part des énergies renouvelables dans son mix énergétique à l’horizon 2030, les faisant passer de 22 % à 45%. Dans ce cadre, la demande des combustibles fossiles devrait fortement diminuer à moyen terme, faisant de la « dépendance à l’égard des exportations de gaz pour alimenter la croissance économique une stratégie à court terme et à haut risque ».
La baisse de la demande des énergies fossiles entraînera une chute des prix de ces combustibles polluants au niveau mondial et une diminution des investissements engagés par les grandes compagnies internationales d’exploitation des hydrocarbures. Ainsi, les recettes d’exportation de gaz devraient chuter de plus de 50 % d’ici 2040 par rapport au niveau actuel, prédit le think tank.
Enorme potentiel solaire
Dans le même temps, la sécurité énergétique des pays africains producteurs des hydrocarbures pourrait être compromise au regard du lien intrinsèque entre les investissements dans le développement des gisements et la disponibilité du gaz à usage domestique.
Cette baisse des recettes d’exportation et des investissements dans l’exploitation des énergies fossiles présente par ailleurs un risque pour la stabilité fiscale, en raison de la réduction des licences et des recettes fiscales qui en découlent.
Compte tenu de ces risques qui augmenteront à mesure que les pays développés et émergents s’engageront dans une transition énergétique « inévitable et irréversible », les auteurs du rapport estiment que l’Afrique doit plus que jamais miser sur l’énergie solaire pour réduire sa dépendance vis-à-vis des énergies fossiles et se doter d’une source d’énergie domestique sûre et abordable.
Cela est d’autant plus possible que le continent dispose d’un énorme potentiel solaire bien qu’il ne représente actuellement que 2% de la capacité solaire installée à l’échelle mondiale.
L’Afrique bénéficie d’un ensoleillement abondant (plus de 8 heures d’ensoleillement quotidien en moyenne par an).
Le continent dispose également une irradiation solaire annuelle moyenne atteignant 2112 kilowatt-heures /m2/an, soit un niveau supérieur de 60% à la moyenne mondiale et d’un facteur de charge solaire moyen de 17% (+25% par rapport à la moyenne mondiale).
De plus, Carbon Tracker s’attend à ce que le coût de l’énergie solaire tombe en dessous de 40 dollars/ mégawatt-heure (MWh) d’ici 2030, un niveau qui sera alors moins cher que le coût d’exploitation des centrales à charbon et à gaz sur le continent.
En Afrique du Sud, l’électricité issue des centrales solaires de dernière génération est d’ores et déjà moins chère que celle produite par les centrales à charbon (41 dollars/MWh contre 46 dollars /MWh.).
Sur un autre plan, le rapport révèle que la disponibilité des terres nécessaires à l’installation des panneaux photovoltaïques ne constitue pas un obstacle au développement de l’énergie solaire en Afrique. Environ 309 951 km2 de terres, soit environ 0,3 % de la superficie totale du désert du Sahara, suffiraient pour répondre aux besoins énergétiques actuels de l’ensemble du continent grâce à l’énergie solaire (874 mégatonnes équivalent pétrole/Mtep). Ainsi, conclut le rapport, les fermes solaires ne risquent pas d’entrer en concurrence avec les terres agricoles et d’avoir un impact négatif sur la sécurité alimentaire.