Maire de Tattaguine, Ibou Ndiaye est d’avis que les juges diront le Droit dans l’affaire Adji Sarr-Sonko. Il estime que le Président Macky Sall a droit à un deuxième quinquennat qui est différent, à ses yeux, d’un troisième mandat. L’édile de cette commune rurale du département de Fatick fait l’état et évoque les premières réalisations de son équipe municipale.
Ousmane Sonko, leader du Pastef, a été entendu sur le fond du dossier par le Doyen des juges d’instruction. Quel commentaire, cette audition vous inspire-t-elle ?
De toute façon, par rapport à ça, je dis qu’il y a beaucoup de commentaires, des interprétations des uns et des autres. On a l’impression au Sénégal que chacun a un ciseau et taille la loi selon sa convenance. Parce qu’un dossier qu’on a commencé à instruire, et les gens commencent à dire que voilà le résultat. Ce n’est pas le juge qui le dit, ce sont les gens qui le disent. Pour moi, je pense bien qu’on va attendre les juges. Ils savent quoi faire, les questions à poser. Lui aussi comme il l’a dit, il a refusé de faire un test Adn. Mais de toute façon, les juges quand même savent comment agir pour faire éclater la vérité. Ce que nous attendons c’est que la vérité puisse éclater. S’il est coupable, que tout le monde sache qu’il est coupable, qu’il sera condamné ; s’il n’est pas coupable, il va vaquer à ses occupations. Les auditions ont commencé, tôt ou tard, les Sénégalais seront édifiés sur la vérité.
Il parle toujours de complot dont il se dit victime dans le dossier. Est-ce que vous partagez sa position ?
S’il y a complot, les juges vont le déceler. Mais de toute façon, au Tribunal, il n’y a pas de complot. Au Tribunal, il y a des juges qui sont très bien formés. Tout ce qui bouge, c’est de la politique, on ne peut passer toute notre vie à prendre tous les dossiers comme des dossiers politiques. Il y a des faits. Au début, c’est lui qui avait dit : «Je n’ai jamais mis les pieds là-bas.» Après, il a fait une conférence de presse pour dire : «Oui, j’étais malade, depuis que je suis gosse. C’est pourquoi, ainsi de suite…» Depuis lors, jusqu’à présent, on a vu les activités de M. Sonko. Il a oublié qu’il était malade. Entre temps, peut-être qu’il a guéri de sa maladie. Bon, il y a des faits et ils sont là. Il était là-bas de son propre gré. Maintenant qu’est-ce qui s’est passé là-bas ? Lui seul le sait et celle qui l’a accusé.
Pour moi, il n’y a pas de complot. Je ne pense même pas à cette thèse du complot, parce qu’on ne peut comploter contre quelqu’un qui n’a jamais mis les pieds dans un salon de massage. S’il n’était pas parti nuitamment là-bas, braver par exemple les interdictions, parce qu’on était en plein couvre-feu, le complot aurait été plus clair. Lui-même est parti là-bas de son propre gré. Est-ce qu’on l’a fait comploter pour aller là-bas se faire masser ? Mais non, je ne pense pas. Il y a des faits. Tout Sénégalais veut savoir où se trouve la vérité.
L’éventuel troisième mandat du chef de l’Etat défraie la chronique. Il y a la Société civile, avec les activistes et d’autres partis, qui a lancé «Jamm mo gën troisième mandat». Du côté du pouvoir, on parle d’un éventuel deuxième quinquennat pour Macky en se basant sur une interprétation de la Constitution.
Quel est votre avis sur ce troisième mandat ?
Bien, je commencerai d’abord par répondre à la Société civile et aux activistes. «Jamm mo gën troisième mandat» (La paix vaut mieux que le troisième mandat), mais qu’ils sachent que dans «Troisième mandat Jamma ngui thi biir» (Il y a aussi la paix dans le troisième mandat). «Thi biir troisième mandat dama guissoul laan mothi nekk aye» (Je ne vois pas de danger dans le troisième mandat). C’est comme si dans le troisième mandat, il n’y a pas de «jamm».
Ce qui est clair est que dans ce dossier, le seul habilité à dire oui ou non, c’est le Conseil constitutionnel. Maintenant, chacun a intérêt dans ce dossier en disant que le chef de l’Etat a droit à un troisième mandat ou qu’il n’y a pas droit. D’autres parlent de quinquennat. La Constitution est assez claire, parce que les gens, en prenant les ciseaux, ils taillent la Constitution comme ils veulent, en disant que nul ne peut faire plus de deux mandats. Mais c’est cinq ans. Nul ne peut faire plus de deux mandats de cinq ans. Pourquoi ils se limitent à «nul ne peut faire plus de deux mandats» ? Mais Il faut terminer la phase. «Nul ne peut faire plus de deux mandats de cinq ans.» Mais c’est un quinquennat, la loi dit que c’est un quinquennat, on n’a pas parlé de septennat. La loi ne parle pas de septennat.
La loi parle de mandat à travers l’article 27 de la Constitution. Le mandat, que ce soit de 7 ans ou de 5 ans, le mandat reste le mandat…
La Constitution dit que la durée du mandat du président de la République est de 5 ans. C’est clair. Elle n’a pas dit de sept ans. C’est cinq ans maintenant depuis la modification apportée à l’article 27 lors du référendum de 2016. On est d’accord que le mandat est de 5 ans et que dans l’avis que le Conseil constitutionnel a donné quand le Président a introduit une demande pour diminuer son mandat de 7 à 5 ans, le Conseil lui a dit : «Vous ne pouvez pas diminuer votre mandat de 7 ans» ; et que pour les deux mandats de 5 ans, le septennat n’en fait pas partie.
Pour moi, le Conseil constitutionnel avait donné son avis depuis longtemps. Pourquoi les gens continuent de parler ? Maintenant le Président n’a pas dit qu’il fera un troisième mandat, il sera candidat ou pas. Quand il décidera d’être candidat, on va le soutenir. On sera derrière lui. Quand il décidera de demander un autre mandat qu’on considère comme le deuxième mandat de 5 ans, on va l’accompagner, on va le soutenir comme on l’a toujours fait.
Vous êtes maire de Tattaguine depuis huit mois, est-ce que vous pouvez nous faire l’état des lieux de la commune ?
On est arrivé à des moments un peu difficiles. Jusqu’à présent, on continue même à faire l’état des lieux. Parce que parfois tu penses que tu as terminé, que surgisse encore un autre problème. Mais nous avons trouvé quand même une commune où pratiquement je ne dis pas que tout est à refaire, mais d’abord rien n’a été fait. Absolument, rien ! Une commune où il y a énormément de problèmes d’électricité, d’eau comme on l’avait annoncé lors de notre programme de campagne, surtout dans le domaine du foncier. On a réglé énormément de problèmes dans le domaine du foncier. En 9 mois à la tête de la mairie, on a reçu au moins plus de 200 plaintes. On peut dire que 99% de ces plaintes ont été réglés à l’amiable. Donc jusque-là, aucun dossier n’a fait l’objet d’une décision du maire ou de l’équipe municipale. Mais on est parvenu, avec quand même une bonne commission domaniale, à essayer de régler ces problèmes-là à l’amiable. Dans le domaine de l’eau, j’avoue qu’on n’a pas fait beaucoup de choses pour le moment. Mais c’est un problème assez crucial. L’hivernage a un peu bloqué les activités.
Dans le domaine de l’électricité également, il y a énormément de problèmes. Tout le monde réclame de l’électricité. Ce n’est pas facile, mais on est en train de travailler à régler, petit à petit, les problèmes des populations.
Vu qu’il y a un état de grâce pour un maire, comment les populations réagissent-elles après 9 mois de gestion ?
Alhamdoulilah par rapport à cet état de grâce. Mais nous leur avons facilité également cet état de grâce. Dès que nous avons été installés, nous nous sommes attelés à la tâche. Parce qu’il y avait des doléances cruciales qu’il fallait régler coûte que coûte. Il fallait commencer d’abord par le problème de l’administration de la mairie. Parce qu’il est arrivé un moment où les Tattaguinois, pour avoir un extrait de naissance ou un papier qui vient de la mairie, c’était la croix et la bannière. On est parvenu à rendre ça beaucoup plus fluide. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, personne ne peut dire que je suis allé à la mairie, j’ai besoin d’un tel papier et je suis resté là-bas pendant 15 à 20 minutes. Ce n’est pas possible ! A la minute même, on fait ton papier, tu pars. On a réduit aussi le coût de l’extrait de naissance, qui est passé de 400 francs Cfa à 300 francs Cfa. Donc, le problème de l’administration des usagers, on l’a quand même réglé. Et ça, c’était une urgence.
On s’est attelé aussi à faire un grand nettoiement, surtout du chef-lieu de la commune où on a fait une opération de grande envergure pour enlever tout ce qui est ordure. On a été aidé par une association de jeunes qu’on appelle «Leru commune bi», mais également par l’Unité de gestion des déchets (Ucg) à travers la Coordination régionale, mais également avec la mobilisation de tout le monde.
Du point de vue également urgence, il y avait l’éclairage public. On l’a réglé. Tattaguine est une commune très éclairée actuellement. On a ajouté aussi le village de Thiamène où on a réglé carrément le problème de l’éclairage public. En plus, avec l’appui de l’Aner, on a installé des lampadaires solaires sur les axes stratégiques de la commune pour renforcer la sécurité. Il y a également le hameau de Poultock qui commence à être électrifié. C’est largement insuffisant, mais on va continuer à avancer petit à petit.
On a lancé aussi le Programme de développement communal (Pdc), qui a fait l’objet de larges discussions au niveau des populations. Toutes les parties prenantes ont participé à ces ateliers. Tout ce qui reste, c’est la finalisation, la signature du document. Toutes les étapes qui devaient précéder la signature de ce document ont été franchies. Nous attendons notre partenaire qui est l’Ard, qui nous a facilité ces travaux-là.
Dans le domaine de l’emploi des jeunes, nous avons signé une convention avec le Fera qui nous a permis d’employer 30 jeunes pour faire l’entretien des routes et pistes. De même, dans le Projet de la grande muraille, nous avons inséré 5 jeunes qui travaillent directement avec l’agent des Eaux et forêts. Ce qui a permis de faire un travail remarquable de reboisement dans tous les établissements scolaires à travers une pépinière communale que nous avons mise en place.
En tant que commune, sur quoi Tattaguine compte-t-elle s’appuyer en termes de potentiel pour avoir des rentrées financières conséquentes ?
Il y a ce qu’on a trouvé et qu’on essaie d’améliorer avec les taxes rurales, les taxes qui proviennent des marchés. Tattaguine a 3 marchés hebdomadaires. Mais quand-même ces marchés ne génèrent pas grand-chose, il y a beaucoup de choses qui nous échappent.
Récemment, le Conseil municipal a fait une délibération sur les taxes sur le stationnement des véhicules au niveau des gares routières, d’un commun accord avec les transporteurs pour qu’ils payent le stationnement. On a fait une délibération sur les autorisations de construire. C’est dans le but d’améliorer la perception. On veut développer la commune, mais ce ne sont pas les taxes qui vont nous y amener.
On est en train de développer des projets. D’ici 3 mois, 3 projets seront bouclés dans l’éducation, l’agriculture et les infrastructures. Ça permettra de capter des financements à travers les bailleurs et partenaires.
Nous étudions aussi les partenariats public-privé. On ne peut pas se baser uniquement sur les taxes ou sur l’Etat. Cette année, beaucoup de mairies n’ont rien pu faire à cause du blocage des fonds qui proviennent de l’Etat. On a essayé de contourner en faisant des activités génératrices de revenus, qui ne demandent pas un financement conséquent. Nous avons eu des résultats après 9 mois.