La naissance d’acteurs africains compétitifs et solides dans le secteur de la mobilité électrique pourrait permettre au continent de ne plus dépendre des importations, de créer des milliers d’emplois, de réduire ses émissions de gaz à effets de serre et d’abaisser significativement les prix des véhicules.
Le développement d’une industrie locale de véhicules électriques en Afrique recèle d’énormes opportunités économiques, environnementales et sociales pour le continent, a estimé la plateforme Energy for Growth Hub dans un rapport publié en octobre dernier.
Intitulé « Tout ce que vous devez savoir sur la fabrication des véhicules électriques en Afrique », le rapport précise que l’Afrique est à la traîne en matière d’adoption des véhicules électriques par rapport aux autres régions du monde. L’Afrique du Sud est actuellement le champion de la mobilité sobre en carbone sur le continent. En 2020, ce pays ne comptait cependant que 6000 véhicules électriques, y compris les modèles hybrides. Au Kenya, on ne dénombre que 350 véhicules électriques sur un parc automobile de 2,2 millions d’unités.
Le secteur du transport représente pourtant 31 % des émissions de gaz à effet de serre en Afrique. Ces émissions ne sont pas seulement liées au nombre de véhicules qui circulent sur les routes, mais aussi à l’âge de ces voitures. Dans les pays africains, les véhicules sont souvent plus vieux que dans d’autres régions du monde. L’âge moyen du parc automobile au Nigeria est d’environ 16 ans. Cet âge avancé des véhicules thermiques engendre des coûts économiques élevés liés à une utilisation moins efficace du carburant et aux subventions des produits énergétiques ainsi des effets néfastes sur la santé.
Energy for Growth, une plateforme qui œuvre pour l’adoption des énergies renouvelables et la stimulation de la croissance économique durable à travers le monde, a également fait savoir que le continent ne compte que très peu de fabricants de véhicules électriques à ce jour. Certains géants internationaux de l’automobile comme le japonais Toyota et l’allemand Volkswagen ont commencé à fabriquer des véhicules électriques en Afrique du Sud alors que Stellantis et Tesla ont installé une partie de leurs chaînes d’approvisionnement au Maroc. Il est cependant peu probable que les constructeurs automobiles internationaux investissent massivement dans des modèles de véhicules spécifiques à l’Afrique alors que la taille du marché demeure très limitée.
Des acteurs locaux comme les start-up Ampersand au Rwanda et Roam au Kenya ont commencé à œuvrer dans des niches spécifiques (les motos et les bus). D’autres acteurs dont Kiira Motors en Ouganda, Kantanka au Ghana, Innoson Motors au Nigeria et Mobius Motors au Kenya se heurtent à des problèmes liés à l’accès aux financements et aux mauvaises infrastructures énergétiques.
Produire des véhicules à deux et trois roues dans une première étape
La naissance d’acteurs africains compétitifs et solides dans le secteur de la mobilité électrique pourrait permettre au continent de ne plus dépendre des importations, de créer des milliers d’emplois, de réduire ses émissions de gaz à effets de serre et d’abaisser significativement les prix des véhicules. Les taxes et droits de douane sur l’importation de véhicules sont en effet extrêmement élevés dans la plupart des pays africains. En Afrique du Sud par exemple, ces droits atteignent 34 % du prix du véhicule.
Le rapport souligne cependant que certaines conditions doivent être réunies pour favoriser l’émergence d’une industrie locale de véhicules électriques en Afrique. Il s’agit en premier lieu du soutien des gouvernements africains à cette industrie à travers des incitations fiscales, un traitement tarifaire préférentiel pour les composants importés, un accès garanti à une alimentation électrique fiable dans les parcs industriels et la contribution à la formation de la main d’œuvre.
Vu que le soutien financier direct des gouvernements africains aux acteurs de l’industrie sera dans le meilleur des cas limité, les fabricants africains de véhicules électriques devraient chercher un modèle de financement mixte combinant fonds propres et dettes auprès de plusieurs sources telles que les banques de développement multilatérales, les banques locales, les investisseurs étrangers et les fonds de capital-risque. La start-up rwandaise Ampersand, qui fabrique des motos électriques, a par exemple obtenu des financements auprès du fonds de capital-risque Ecosystem Integrity Fund, de Total Energies et de la U.S International Development Finance Corporation (DFC), une institution américaine de financement du développement.
Energy for Growth Hub recommande d’autre part aux fabricants de véhicules électriques de commencer par de petites usines d’une capacité de 10 000 à 20 000 unités par an et de produire des véhicules à deux et trois roues dans une première étape avant de passer aux quatre roues.
Ces fabricants pourraient aussi renoncer à l’orientation esthétique adoptée par les constructeurs traditionnels en supprimant entièrement l’atelier de peinture, qui représente généralement 50 % du coût total de l’usine, et concevoir des véhicules en fonction des besoins africains pour réduire les coûts des éléments auxiliaires.