Depuis le début de la guerre en Ukraine, l’Europe s’est tournée vers l’Afrique pour tenter de réduire sa dépendance au gaz russe d’ici 2027. A long terme, le Vieux continent compte sur la décarbonisation de son économie pour se sevrer du gaz, quelle qu’en soit l’origine.
Le nouvel engouement de l’Europe pour le gaz naturel africain s’inscrit dans une logique de court et moyen termes, et ne s’accompagne ni de financements conséquents dans le développement de nouveaux gisements, ni de contrats d’achat à long terme, a estimé Oxford Institute for Energy Study dans un rapport publié en juillet dernier.
Intitulé « Approvisionnement de l’Europe en gaz africain : entre espoirs et dures réalités », ce rapport rappelle que la Commission européenne avait présenté, douze jours à peine après le déclenchement de la guerre en Ukraine, un plan baptisé « REPowerEU » pour se passer des deux tiers de ses importations de gaz russe d’ici fin 2022, et de les cesser complètement d’ici 2027.
Pour tenter d’atteindre ces objectifs, l’Europe s’est ostensiblement tournée vers les exportateurs africains dès les premières salves tirées sur l’Ukraine. L’Afrique, qui assurait jusque-là moins de 20% de la consommation gazière du Vieux continent, est devenue une destination privilégiée pour des délégations officielles européennes accompagnées de dirigeants de majors pétro-gazières.
Mais alors que les décideurs politiques africains espéraient voir cet intérêt inattendu de l’Europe pour leur gaz déboucher sur des investissements conséquents et des contrats d’achat à long terme, il s’est avéré que les pays européens les plus dépendants du gaz russe ne cherchent que des approvisionnements à court et moyen termes.
Le rapport précise par ailleurs que les pays européens et les compagnies gazières internationales rechignent à investir lourdement dans le développement de projets gaziers et à signer des contrats d’achat à long terme avec les pays africains, en raison de leurs engagements à long terme en matière de décarbonisation.
Satisfaire la demande intérieure
Le gaz naturel, combustible fossile le moyen polluant, n’est pas en effet considéré comme une énergie de transition. Le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), Fatih Birol, avait pourtant fait savoir, lors de la présentation du rapport « Africa Energy Outlook 2022 » en juin dernier, que l’arrêt de l’exploitation du gaz naturel en Afrique ne fait pas partie des actions à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs climatiques. « Si nous dressons une liste des 500 principales choses à faire pour être en phase avec nos objectifs climatiques, ce que l’Afrique fait avec son gaz ne figure pas sur cette liste », avait-il déclaré.
Oxford Institute for Energy Study rappelle, d’autre part, que les eurodéputés avaient approuvé, en juillet dernier, le label « vert » accordé par la Commission européenne au gaz et au nucléaire, deux sources d’énergie ainsi reconnues comme « nécessaires pour lutter contre le changement climatique ».
L’Institut de recherche sur les questions énergétiques basé au Royaume-Uni a, cependant, indiqué que l’Afrique ne doit pas se bercer d’illusions sur les intentions à plus long terme de l’Union européenne. « Il est peu probable que les décideurs européens remplacent le risque russe par de nouveaux risques pour répondre à leurs besoins énergétiques. À long terme, l’Europe restera fermement concentrée sur son programme de décarbonisation », a-t-il noté.
Le rapport précise dans ce cadre que l’Afrique peut saisir les opportunités d’exportation de gaz vers les pays européens sur le court et le moyen termes, sans pour autant commettre l’erreur de négliger sa demande intérieure croissante. « La satisfaction des besoins des marchés énergétiques nationaux est d’une importance capitale pour le développement des économies africaines », souligne-t-il, notant que la demande intérieure est en hausse constante dans la plupart des pays africains producteurs de gaz, et plus particulièrement en Algérie, en Egypte et au Nigeria.