La proximité, la flexibilité, les heures d’ouverture pratiques et la vente en petites quantités et à crédit expliquent la remarquable résilience des petits détaillants africains face à l’offensive des enseignes de grande distribution.
Les petits détaillants traditionnels continueront à dominer le secteur du commerce de détail en Afrique, durant les prochaines années, et représenteront 65 % à 75 % des ventes, au moins jusqu’en 2030, selon une récente étude du cabinet de conseil Boston Consulting Group (BCG).
Intitulée « L’avenir du commerce de détail traditionnel en Afrique » (The Future of traditional retail in Africa), l’étude précise que les consommateurs africains continuent en moyenne d’acheter plus de 70 % de leur nourriture, boissons et produits de soins personnels dans plus de 2,5 millions de petits commerces indépendants, en dépit de la progression de l’implantation des supermarchés, des magasins de proximité et d’autres formats modernes de distribution sur le continent.
L’étude qui se base notamment sur une enquête réalisée auprès de 4500 petits détaillants opérant dans cinq grands marchés africains (Egypte, Kenya, Maroc, Nigeria et Afrique du Sud) précise que plusieurs facteurs rendent les détaillants traditionnels remarquablement résilients face à l’offensive des enseignes de grande distribution. « Les petits magasins offrent la proximité, la flexibilité et les heures d’ouverture pratiques nécessaires pour servir leurs communautés. Ils permettent aussi souvent aux clients aux revenus limités d’acheter de petites quantités à crédit », explique le cabinet BCG.
De nombreux détaillants modernes n’ont quant à eux pas réussi à concevoir un modèle gagnant qui puisse être étendu pour répondre aux besoins de la plupart des clients. Leurs emplacements et leurs propositions de valeur s’adressent principalement aux consommateurs appartenant aux classes sociales supérieures.
D’autre part, les détaillants modernes opérant en Afrique ont commencé à adopter le commerce électronique, notamment depuis le début de la covid-19, mais ne le font pas aussi rapidement qu’en Asie du Sud-Est et en Amérique latine.
Adoption des technologies numériques
A l’inverse, les détaillants traditionnels qui sont généralement plus instruits et plus au fait des technologies numériques que la population générale ont majoritairement modernisé leurs activités pour faire face à un paysage difficile et changeant. Au Kenya, par exemple, 97 % des petits détaillants interrogés dans le cadre de l’enquête ont déclaré accepter le paiement mobile et 85% disposent de comptes bancaires. En Egypte, les détaillants traditionnels utilisent massivement les services de la société de paiement mobile Fawry pour vendre leurs marchandises en ligne. En Afrique du Sud, la start-up Flash fournit un service similaire. Ce qui en fait le plus grand réseau de détaillants du pays.
Les propriétaires des petits commerces de détail en Afrique sont généralement jeunes et instruits. Leur âge moyen va de 31 ans en Egypte à 39 ans au Maroc. Dans les cinq pays où BCG a mené son enquête, plus de 70 % d’entre eux avaient en moyenne un niveau d’études secondaire ou universitaire, soit un niveau d’instruction supérieur à celui de la population générale.
L’étude note cependant que le paysage du commerce de détail en Afrique est loin d’être monolithique, comme l’illustrent les différentes vitesses d’évolutions constatées sur les cinq marchés étudiés.
Au Nigeria, les plus de 600 000 petits détaillants représentent 97 % des ventes globales du secteur du commerce de détail. Dans le pays le plus peuplé du continent, le commerce de détail moderne reste très fragmenté et dominé par des enseignes internationales comme Shoprite et Spar, et quelques petites chaînes locales, dont Hubmart, Justrite et Foodco.
Au Maroc, les petits détaillants traditionnels représentent encore 82% des ventes. Ils jouent également un rôle économique important puisque 90% d’entre eux proposent des crédits, un facteur qui explique en partie leur résilience malgré l’expansion des détaillants modernes tels que Marjane, Carrefour et BIM.
En Egypte, plus de 120 000 petites épiceries et échoppes représentent 75 % des ventes au détail. Mais les détaillants modernes, en particulier les enseignes locales, émergent rapidement dans tous les formats. Les formats modernes ont affiché une croissance annuelle moyenne de 21 % entre 2015 et 2020. Sur cette période, leur part de marché est passée de 15 % à 25 %, soit l’un des taux de croissance les plus élevés du continent.
Au Kenya, les consommateurs achètent 77% de leurs marchandises dans plus de 250 000 petites échoppes, bien que ce pays d’Afrique de l’Est compte plusieurs chaînes d’hypermarchés bien établies.
L’Afrique du Sud représente, quant à elle, une exception sur le continent. Le secteur du commerce de détail moderne y est assez mature. Les chaînes de supermarchés telles que Shoprite, Pick ‘n’Pay et Spar représentent plus de 70% des ventes au détail, bien que les magasins traditionnels restent très présents dans les townships.