L’Affaire Adji Sarr ne devrait pas devenir un obstacle aux ambitions présidentielles du président de Pastef. Ousmane Sonko l’a clairement fait comprendre à ses partisans au Sénégal et dans le monde, en leur demandant d’être vigilants et de se tenir prêts… A toute éventualité ?
Qu’est-ce qui pourrait aujourd’hui entraver la marche de Ousmane Sonko vers le palais de la République ? Le président de Pastef l’a lui-même laissé entendre avant-hier. Il n’appréhende pas de se retrouver en prison à moyen terme. Parlant de ses adversaires et ses ennemis, il a affirmé : «Leur objectif n’est pas d’emprisonner Ousmane Sonko, parce qu’ils savent qu’à l’intérieur d’une geôle Ousmane Sonko est beaucoup plus difficile à gérer que dehors.» Ce n’est pas une déclaration en l’air. Ousmane Sonko a pu, depuis son arrestation au mois de mars 2021, tester plusieurs fois la passivité des Forces de l’ordre et même de la Justice à son endroit. Il n’a manqué aucune occasion de provoquer, et même de tourner en dérision la Justice et ses représentants, sans encourir aucune sorte de rappel à l’ordre. Il en est donc venu à se considérer comme intouchable.
A l’égard du président de la République, Macky Sall, Ousmane Sonko n’a jamais fait preuve d’aucune considération, et ne manque pas là non plus, aucune occasion de tourner en dérision ou de faire preuve de défiance vis-à-vis de tout acte posé par l’Exécutif. Pour des actes beaucoup moins répréhensibles, d’autres que lui ont eu à répondre devant la Justice. Lui, il ne rencontre en face que le silence. Mais Ousmane Sonko n’est ni fou ni naïf, et surtout, il ne se laisse pas endormir par un quelconque sentiment de sécurité. Car il sait que certains de ses actes pourraient lui faire perdre plus que sa liberté.
Ce n’est donc pas pour rien qu’il a, lors de sa déclaration de candidature avant-hier, invité expressément ses partisans et militants à la vigilance. Il leur a dit que ceux qui lui veulent du mal «ont fomenté un ensemble de dossiers» contre lui. Il est convaincu que «leur objectif est de trouver un motif de condamnation, ne serait-ce qu’au sursis, dans les 18 mois à venir, pour empêcher la candidature de Ousmane Sonko à l’élection présidentielle de 2024». Or, en l’état actuel des choses, y a-t-il dossier plus chaud que celui qui l’oppose à la dame Adji Sarr, qui l’accuse de «viols répétitifs et de menaces de mort» ? On sait que cette affaire, qui avait conduit à la mort de 14 personnes lorsqu’elle a éclaté, hante le sommeil du leader de Pastef.
Le Quotidien avait indiqué dans son no5814 du mercredi 13 juillet 2022, que le chef de Pastef n’avait pas hésité, au cours de sa rencontre avec le Président Bissau-guinéen, Umaro Cissoko Embaló, de demander à ce dernier d’intervenir auprès de son homologue, Macky Sall, pour un règlement sans procès de cette affaire. Car il sait à quel point elle pourrait être infamante pour son image, surtout si elle venait à être jugée avant la Présidentielle de 2024. Sans préjuger du verdict qui pourrait en découler, les dessous scabreux de ce scandale pourraient fortement entacher la réputation d’un politicien qui s’est fait un nom sur des révélations de scandales touchant ses adversaires.
Comme l’éléphant de la fable, le mastodonte Sonko est paniqué par ce que pourrait sortir la petite souris Adji Sarr ! Dès lors, comme au mois de mars 2021, comme encore lorsqu’il a voulu défier le Conseil constitutionnel en pensant pouvoir repêcher la liste nationale de sa coalition, Sonko en appelle à son rempart. Il le dit de manière nette : «Est-ce que le Peuple l’acceptera, est-ce que vous militants et militantes l’accepterez ? Est-ce que vous frères africains l’accepterez ? Je ne pense pas. C’est pourquoi je vous demande de vous tenir prêts à faire face à ce projet de forfaiture.» C’est l’avantage de Ousmane Sonko, il n’avance pas masqué. Il sait où il va et montre à chacun le chemin qu’il va emprunter.
Il dit de manière on ne peut plus claire qu’il entend être candidat à la Présidentielle de 2024, et ne veut pas qu’un obstacle vienne lui barrer le chemin. Et il demande à la masse de ses fidèles de lui servir de chair à canon pour empêcher Adji Sarr de l’atteindre. S’il faut que des gens meurent à nouveau pour lui permettre d’atteindre son but, la faute en sera, bien sûr, aux donneurs d’ordre de la police et de la gendarmerie, pas à celui qui aura poussé les jeunes à manifester violemment leur colère dans les rues ! Sitor Ndour, qui est en prison en attendant son procès pour des motifs similaires de viol présumé d’une mineure, n’avait pas cette protection, tant pis pour lui !
Au moins, Ousmane Sonko met l’Etat devant ses responsabilités. Si la Justice a un jour l’intention de vider ce dossier, on peut dire qu’il est plus que temps, pour que le pays tourne cette page. Si Adji Sarr a raison, elle mérite que l’on fasse enfin droit à ses prétentions et lui permette de reprendre une vie normale. Et si elle a affabulé, il est plus que temps que l’on écarte de la tête de Sonko, cette épée de Damoclès.