Pour que le grain ne meure !
La graine des Indépendances, semée le 4 avril 1960, a pris près de soixante-deux ans pour germer et faire sortir de la terre bénie d’Afrique l’arbuste, encore fragile, du Sénégal démocratique de nos ambitions. La graine de la démocratie, mère de la République, est encore fragile…
Que ceux qui en doutaient encore, remarquent à quel point le buzz de notre actualité nous divertit, depuis près de deux ans, de ce que doit être une Nation entièrement mobilisée à relever les défis du mieux-être, de populations en quête de l’essentiel du Développement. On nous parle, à longueur de journée et de médias, de petite politique, de viol,de manifestations et maintenant de concerts de casseroles plus ou moins à succès. Les sujets « à enjeu » tels que l’École de la République, la non prise en compte de l’Agriculture comme levier naturel de création d’emplois pour les jeunes, la souveraineté alimentaire, pharmaceutique et sanitaire faisant rarement la Une de nos médias en paraissant si loin des préoccupations de nos élites…
Avec cette fâcheuse impression que nous laissons de côté l’Essentiel pour ne nous attacher qu’à l’Accessoire… Il est vital que nous ne nous laissions entrainer hors du « cycle vertueux » d’une démocratie en construction pour nous enfermer dans le cercle vicieux d’un populisme mortifère pour notre juvénile République. Si nous ne voulons que le grain ne meure !Une citoyenneté retrouvée à travers l’École de la République, La Citoyenneté.
Fondations et murs porteurs de l’Édifice de la République. Ce sentiment, générateur de la « commune volonté de vivre et de nous épanouir ensemble…» qui doit animer chacun de nos compatriotes partie prenante du Sénégal de nos Ambitions.
Parce que l’école est le moule du projet républicain, il nous faut, assurément la recentrer sur les trois composantes d’un projet d’éducation civique : connaître, réfléchir et appliquer. D’abord donner à chaque enfant de la République, ces bases libératrices qui lui permettront d’appréhender ce liant à travers lequel nous « faisons société ».
Ensuite, outiller chacun pour être partie prenante du débat d’idées, savoir se forger une opinion, savoir la défendre pacifiquement, accepter la contradiction , savoir débattre sans se battre . Enfin, l’application de ces concepts d’éducation civique doit conduire chacun des enfants de la République à aborder son milieu immédiat à cette aune de l’apport positif au bien commun. Dans chacune des sphères de la société, de la classe au quartier, de l’ASC au GIE, de la rizière familiale à la PME industrielle, c’est une citoyenneté d’autonomie et de responsabilité qui doit s’exprimer plus qu’une simple citoyenneté d’appartenance. Des institutions sacralisées par la sanctuarisation de la République.
L’on vote au Sénégal depuis le milieu du 19ème siècle. La culture démocratique de notre peuple est profonde et ancienne. De génération en génération, elle a produit des citoyens conscients de leur pouvoir et de leur responsabilité.
Pourtant, à l’approche de chaque joute électorale, l’on constate, du côté des acteurs politiques, des pratiques qui semblent relever d’un double biais cognitif aux relents faisandés. D’abord, l’ensemble de l’architecture institutionnelle semble être résumée, sur ces séquences particulières, aux seules institutions impliquées dans le processus électoral.
Ensuite, toute l’expérience de notre administration rompue à l’organisation de ce processus est cycliquement remise en cause par ces mêmes acteurs qui semblent convaincus de la capacité des divers régimes à piper les dés du jeu républicain.
Cette vision est dangereuse et injuste. Dangereuse parce que l’on abîme le projet républicain chaque fois que l’on remet en cause ses fondements institutionnels. Lorsque l’on donne à penser que la justice est aux ordres l’on condamne le citoyen lambda à un profond désarroi, ne lui donnant comme unique alternative que le « retour à l’état de nature ».
Injuste, d’abord, parce que toute l’histoire démocratique de notre pays produit un démenti cinglant à tous les prêcheurs de l’apocalypse systémique ; élection après élection le système institutionnel tient et démontre son impartialité. Injuste, ensuite, parce les institutions républicaines dépassent largement le cadre des simples processus électoraux.
Proposer de jeter « le bébé avec l’eau du bain » pour d’hypothétiques manquements constatés tous les cinq ou sept ans relève d’une forme d’irresponsabilité. Les joutes électorales sont des temps forts de la démocratie. Elles opposent des formations certes concurrentes mais sûrement pas ennemies, car ayant le Sénégal en héritage commun.
Notre pays est à la fois un héritage et un futur legs ; notre responsabilité collective est d’en parfaire la construction, de génération en génération.Une République forte pour endiguer les dangers de la « Ceinture de Feu » sous régionalNotre position géographique nous place au cœur de ce qu’il convient désormais d’appeler la « ceinture de feu ».
En effet, la trajectoire de nos principaux voisins est chahutée par la menace terroriste, l’instabilité institutionnelle ou encore le non-respect de l’ordre constitutionnel. La République est le rempart contre les extrêmes et les germes du chaos institutionnel. Sans aucun doute, c’est à cela que nous devons notre statut « d’exception sous-régionale ».
C’est par une solidité sans faille sur les principes républicains qu’il nous est possible de faire bloc. Sur tous les théâtres d’intervention, le professionnalisme de nos forces de défense et de sécurité est loué. Jamais la grande muette n’a pu être prise en défaut quant au respect de l’articulation subtile qui la lie au pouvoir politique.
Le concept « armée – nation » est sans doute l’une des plus belles matérialisations de cette idée de mission sacerdotale au service de la constance et de la continuité. Une armée Républicaine au service d’une Nation Une et Indivisible ; c’est là l’un de nos acquis républicains les plus précieux. Une « souveraineté de l’autosuffisance » pour faire face au Monde Global en criseLa pandémie COVID 19 a eu la vertu de mettre en exergue les limites du néolibéralisme mondialisé.
La nécessité d’un protectionnisme stratégique s’est imposé aux yeux de tous avec la force de l’évidence. Nous avons vu le fameux « village planétaire » atteindre ses limites objectives devant une réalité simple ; lorsqu’une crise sanitaire majeure frappe, partout et en même temps, lorsque la mobilité internationale est entravée et que les stocks stratégiques sont rationnés, chaque peuple ne peut compter que sur lui-même. Même si la solidarité internationale a continué à s’exprimer de diverses manières, il n’en demeure pas moins que toutes les Nations du Monde ont vu un miroir grossissant posé sur leurs carences systémiques locales, corollaires naturels de l’interconnexion des marchés.
Cet électrochoc mondial a été, à de multiples égards, salutaire pour nos pays. En effet, nous avons été amenés à redéfinir le périmètre de la souveraineté et à mettre en place des plans d’urgence de rattrapage du retard sur certains segments stratégiques comme les consommables pharmaceutiques. Et comme si cela ne suffisait pas, la guerre s’est invitée au cœur du vieux continent… L’enchainement des crises est très certainement l’un des principaux marqueurs de cette époque tourmentée dans laquelle c’est la définition même de « la notion de normalité » qui se trouve chahutée.
Face aux pénuries annoncées et à la crise des hydrocarbures qui nous guette, l’on nous promet des émeutes de la faim. Alors, si nous voulons éviter que la graine ne meure, il nous faudra, assurément, convoquer à nouveau de puissants ressorts de résilience. Il nous faudra assumer une option stratégique de renforcement du secteur privé national autour des grands projets, des PPP et de la commande publique. La nouvelle loi sur les partenariats publics-privés pose des bases intéressantes d’un paradigme renouvelé sur ces questions.
Mais il faudra aussi de l’audace et une véritable culture de la synergie pour atteindre les tailles critiques nécessaires aux projets structurants comme ceux relatifs au secteur de l’énergie ou encore au secteur primaire.
La boussole principale devra être la quête des autosuffisances, celles-là même qui garantiront à chacune et à chacun, par nous-même et pour nous-même, la satisfaction de tous les niveaux critiques de la pyramide de Maslow.
A ce titre, l’actuelle Présidence Sénégalaise de l’Union Africaine est une opportunité inouïe de mise en cohérence des politiques à l’échelle continentale. Le Président Macky SALL incarne aujourd’hui ce leadership continental au nom de chacun d’entre nous. Lorsque l’Afrique parle d’une seule voix, comme à Sotchi le mois dernier, ce sont, tout à coup, de nouvelles lignes de force qui se dessinent. En temps de crise, la survie est à ce prix…
Ministre Thierno lo, Président du parti Alliance pour la Paix et le Développement ( APD)