Pour lutter contre le trafic sexuel dans la région de Kédougou et poursuivre les auteurs de ces crimes, l’Initiative africaine de programmation et de recherche pour mettre fin à l’esclavage (Apries), logée au Centre de recherche et de sensibilisation sur la traite des personnes (Cenhtro) de l’Université de Géorgie, en partenariat avec l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (Onudc), a lancé hier le projet visant à lutter contre le trafic sexuel des jeunes femmes âgées de 15 à 30 ans dans la région de Kédougou. Le montant total du financement de ce projet est estimé à 4 millions de dollars, pour une durée de 5 ans.
Par Ousmane SOW – A Kédougou, l’or attire les problèmes, notamment le trafic de personnes. Que faire ? Il faut sensibiliser le public national et international sur les efforts en cours pour lutter contre la traite des êtres humains au Sénégal, réduire de façon mesurable la prévalence initiale du trafic sexuel dans les communautés cibles et augmenter le nombre des victimes de trafic servies par les partenaires sous-récipiendaires chargés de la mise en œuvre.
C’est l’objectif du projet Cenhtro/Apries, qui a lancé hier son programme national visant à lutter contre le trafic sexuel à Kédougou. La région de Kédougou, cible du programme Cenhtro-Apries, est devenue «criminogène» à cause de sa richesse minière, admet Jonathan Fishcher, chargé d’Affaires à l’ambassade des Etats-Unis à Dakar. Pour combler les lacunes des politiques et services publics, le projet a mis en œuvre des stratégies comme «l’augmentation des taux de signalement, d’enquête et de poursuite, l’amélioration de l’accès aux services de protection et la sensibilisation des trafics sexuels pour renforcer la prévention», souligne Dr David Okech, directeur de Cenhtro-Apries.
Mamadou Saliou Sow, secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Justice, rappelle que la lutte contre la criminalité organisée, notamment la traite des êtres humains, constitue depuis plusieurs années l’une des plus grandes priorités de la politique pénale de l’Etat. Pour juguler le phénomène, les autorités et leurs partenaires s’engagent pleinement dans la mission. Il dit : «Nous avons accueilli avec beaucoup d’espoir le programme Cenhtro-Apries, dont les objectifs cadrent parfaitement avec la vision du chef de l’Etat tendant à éliminer toute forme de violence à l’égard des femmes et enfants, comme il l’a récemment démontré avec l’adoption de la loi criminalisant les actes de viol et de pédophilie.»
Kédougou est un enfer pour les femmes âgées de 15 à 30 ans, qui ne savent plus à quel saint se vouer. Attirées par l’or, elles se retrouvent prises au piège au niveau des services domestiques, les salons de massage, et sont transformées en jouets sexuels. D’après M. Sow, l’étendue des domaines couverts par ces différentes infractions a longtemps permis de réprimer la plupart des comportements qualifiés d’exploitation sexuelle. Pour lui, l’Etat du Sénégal n’a jamais cessé de réfléchir sur les «actions les plus pertinentes à mettre en œuvre afin de mieux lutter contre ce phénomène».
Il faut savoir que le trafic sexuel a été pénalisé au Sénégal par la loi de 2005. «Et ce processus de réforme de la loi qui sera très prochainement finalisé, permettra une meilleure prise en charge du phénomène et consécutivement, un traitement approprié des éventuelles victimes», note le secrétaire d’Etat.
Un trafic transnational
Avec la porosité des frontières, le manque de personnel et d’unités spécialisées dans la lutte contre la traite des personnes, le manque de formations, d’infrastructures, l’insuffisance des ressources disponibles et l’application inadéquate des lois existantes pour poursuivre et punir les auteurs de tels crimes, il y a encore du chemin à faire pour faire cesser ces pratiques dégradantes. «Les poursuites restent encore faibles, en raison surtout du caractère clandestin de cette forme de criminalité, ajouté au silence des victimes et l’absence de dénonciation», reconnait M. Sow.
Grâce au Bureau du département d’Etat américain chargé de surveiller et de combattre la traite des personnes (Tip Office) et à l’appui des Ong, il reste possible de sortir ces victimes de trafic sexuel de cet enfer à Kédougou. «On espère, avec la sensibilisation, rendre cette forme de traite inhospitalière et c’est important pour la population», soutient Dr Mody Ndiaye, secrétaire permanant de la Cellule nationale de lutte contre la traite des personnes (Cnltp). Il souligne qu’il y a 80% de femmes, originaires de la zone de Kédougou, qui sont touchés par ce phénomène. «Par contre, dit-il, au niveau national, il est difficile de comptabiliser, mais il y en a trop. La traite des personnes n’épargne aucune région du monde et la sous-région ne fait pas exception ; et le Sénégal faisant parti de la sous-région, fait face à diverses formes de traite.» En revanche, les zones les plus sensibles, selon le Directeur régional pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre de l’Onudc, se trouvent principalement dans les départements de Saraya et Kédougou, où se concentrent la majorité des mines d’or artisanales. «La majorité de ces sites sont clandestins et non réglementés», regrette-t-il.