C’est la nouvelle addiction des jeunes sénégalais. Tik-Tok comptabilise plus d’un milliard d’utilisateurs et est l’application la plus téléchargée sur Play store, l’une des plus influentes au monde. L’Obs vous plonge dans cet univers virtuel où les objectifs diffèrent d’un utilisateur à un autre et qui a fabriqué des influenceurs d’un autre genre…
En l’espace de quelques années d’existence, l’application chinoise Tik-Tok, a connu une ascension fulgurante. Elle a détrôné, à elle seule, Instagram, Twitter, Facebook, WhatsApp. Officiellement, il faut avoir au moins 13 ans pour pouvoir télécharger l’application. Seulement, il n’y a pas de filtres, encore moins de législation. Loin des contrôles parentaux, c’est une rencontre entre jeunes. Une fois qu’on l’ouvre, l’application dicte ses lois et on a du mal à décrocher. Avec un paramètre très rusé, Tik-Tok dispose d’un algorithme ultra sophistiqué et propose des vidéos suivant les goûts et préférences des utilisateurs. Un flux personnalisé et surtout disponible à l’infini.
Au quotidien, adolescents, jeunes, comme adultes y déposent des contenus à travers des vidéos courtes et rythmées. Les plus audacieux et créatifs sont devenus aujourd’hui des influenceurs.
Les Sénégalais n’ont pas échappé à cette règle. L’application est plébiscitée surtout par les jeunes. Ils participent aux challenges et usent de toutes leurs énergies pour faire les meilleures vidéos. Tik-Tok abrite une communauté d’audience différente, avec des intérêts différents.
Il y a des adeptes de l’humour. C’est une communauté à la recherche d’une ambiance bon enfant. Ce qu’elle affectionne particulièrement, ce sont des moments de récréations, loin des aléas et des tracasseries quotidiennes. Un monde virtuel et joyeux, là où d’autres sont à la quête de fun. Ils reprennent des chorégraphies à la mode sur les sons du moment, en se déhanchant sur des passages de leurs tubes ou reprennent parfois des parodies de certaines séries télévisées. Leur bonheur, à travers l’application Tik-Tok, se mesure à la réussite de leurs challengers, avec des montages spéciaux. Beaucoup sont devenus des stars, grâce à la magie des clics.
Les frimeurs ne sont pas non plus en reste. Ils sont obsédés par le voyeurisme, l’étalage. Ils cherchent, coûte que coûte, à plaire. Tous les moyens sont bons pour attirer l’attention sur eux. Les jeunes filles sont, la plupart du temps, dans cette catégorie. Souvent dans des tenues aguicheuses, elles montrent leurs attributs, leurs nouveaux habits et coiffures, et s’attendent, en contre partie, à recevoir des commentaires élogieux. Les plus futés étalent leurs «beautés» juste pour attirer l’intérêt des maisons de production.
Il y a également les chroniqueurs, spécialistes en tout. Ils suivent l’actualité et se convertissent en spécialistes pour donner leurs avis sur des faits politiques, économiques, sociétales ou même culturels. Ceux qui parviennent, dans cette couche, à tirer leurs épingles du jeu, restent de loin ceux qui traitent des sujets de faits divers. Ils créent leurs communautés sur le dos des célébrités (stars et membres du gouvernement). Leurs abonnés sont intéressés, pour la plupart, par le sensationnel.
La classe la plus importante est celle des influenceurs. Ce sont les célébrités de Tik-Tok. Ils ont réussi à se faire connaître et à être appréciés par les internautes. Généralement, ils appartiennent à l’une des couches précitées, mais ont réussi, par la magie de l’algorithme, à se faire un nom. Ils interagissent avec leurs abonnées. Ces porteurs d’opinions partagent des bribes de leur quotidien, au plus grand bonheur de leurs fans. Ces derniers profitent de l’occasion pour scruter, à leur tour, ces personnes qui leur font rêver, à qui ils veulent ressembler. Même si, au Sénégal, les nombres d’abonnés et de vues ne sont pas rémunérés, leur notoriété leur fait décrocher de juteux contrats. Les marques et les entreprises s’intéressent de plus en plus aux profils des influenceurs. Les campagnes publicitaires sont orientées sur les réseaux sociaux. Non seulement ils dépensent moins, mais ils parviennent à toucher leurs cibles. Les influenceurs raflent les publicités au détriment des médias traditionnels. Le grand influenceur et animateur du Groupe Futur Médias, Ababacar Camara alias Aba no stress, ne dira pas le contraire. Même s’il n’est pas payé sur Tik-Tok, l’humoriste représente plusieurs marques et a signé des partenariats avec des entreprises de la place. Il lui a juste suffit de poster une vidéo sarcastique ou une séquence qui lève le voile sur un aspect de son quotidien. Il en profite de manière subtile pour faire passer ses pubs. Une méthode qui lui réussit, si l’on s’en tient à ses révélations. Même sa photo de profil sur Internet est un pion de business.
A l’instar de l’animateur, Fallou Thiam tire aussi son épingle du jeu sur Tik-Tok. Au début, le jeune humoriste était plus transporté par le fun. En moins d’une année, il s’est démarqué des nombreux autres humoristes et a gagné plus en notoriété et en abonnés. Aujourd’hui, plusieurs marques passent par lui pour faire passer leurs messages. «Il y a beaucoup de marques qui me contactent pour des publicités. Je ne peux pas révéler le montant de mes prestations, mais pour dire vrai, je ne me plains pas. Les honoraires dépendent aussi des marques», soutient Fallou…
TOP 5 DES SENEGALAIS LES PLUS SUIVIS SUR TIK-TOK
1-Fah Aïdara, 1,9 M d’abonnés
De son vrai nom Fatou Binetou Aïdara, elle comptabilise à elle seule 1,9 million d’abonnés sur Tik-Tok. Elle est rigolote et a une joie de vivre contagieuse et fait office de boute-en-train. Aujourd’hui, le nom de Fah Aîdara est associé à jamais à l’application, ici au Sénégal. A travers des vidéos de quelques poignées de secondes, la starlette s’est faite une place dans le cœur des Sénégalais. La maîtrise parfaite de ses chorégraphies, ses déhanchements endiablés et sa manière unique d’imiter pourraient dérider même le plus malheureux des hommes. Sa fine silhouette et sa beauté naturelle laissent deviner aisément ses identités maures. Sa force, c’est qu’elle ne mise pas sur l’extravagance pour faire ses vidéos. Très audacieuse et confiante, elle apparaissait parfois les cheveux en bataille ou encore avec des déguisements. Dans le but de distraire ses abonnées. Son voile qui lui confère une certaine décence, lui a aussi valu un capital sympathie aux yeux des Sénégalais. Depuis le Maroc où elle résidait, les Likes et les abonnés sur son compte Tik-Tok, pleuvaient. Ce qui l’a poussée à rentrer au bercail. Aujourd’hui, elle est très sollicitée par les maisons de productions et est devenue actrice, modèle-photos et vidéo-girl.
2-Faynara, 1,8 M d’abonnés
L’enfant de Ndagane Sambou comptabilise 1,8 million d’abonnés sur Tik-Tok. Le monde des influenceurs s’est imposé à elle. En téléchargeant l’application de moins de 1 go d’espace, Faynara était loin d’imaginer que sa vie allait changer. Victime de harcèlement scolaire et de racisme en France où elle a fait ses humanités, elle décide de faire un retour aux sources, pour y investir, mais aussi, connaître sa culture. En décembre 2020, toujours dans cette optique de valorisation de la culture, elle commence à poster des vidéos sur Tik-Tok et s’amuse à reprendre certaines chorégraphies. Sa manière de bouger dans les morceaux Mbalakh suscitait des interrogations sur ses origines. En moins d’un an, elle devient l’une des tik-tokeuses les plus suivies au Sénégal. Sa participation au challenge «Qui veut être roi», l’a dévoilée au grand public. Elle a représenté le Sénégal et s’en est sortie haut la main.
3- Doudou fait des vidéos, 1,6 M d’abonnés
Mouhamadou Ndiaye a, lui, 1,6 million d’abonnés. Le jeune youtubeur a renoncé à ses études pour se consacrer à la réalisation de vidéos courts-métrages. Avec la création de Tik-tok, il s’est très vite adapté et a décentralisé ses activités sur cette application. Aujourd’hui, il fait un tabac sur Tik-Tok grâce à son talent d’humoriste. A la fois réalisateur et producteur, muni de son smartphone, il théâtralise des scènes de la vie quotidienne des Sénégalais. Quelquefois, il crée des chorégraphies avec des pas de danse harmonisés. Un talent qui lui vaut des rôles dans plusieurs séries télévisées.
4- Fallou fait des vidéos, 1,5 M d’abonnés
Avec lui, les fous-rires sont garantis pour ses 1,5 million d’abonnés. Le jeune humoriste a installé Tik-Tok juste pour vivre sa passion pour la comédie. Naturellement, il postait des vidéos courts-métrages comme tous les autres utilisateurs. Il s’est fait connaître en tant que youtubeur spécialisé dans l’imitation et les challenges. Mais c’est son compte Tik-Tok qui l’a propulsé au-devant de la scène. Les enfants l’affectionnent particulièrement et adorent le voir prester.
5- Aba No Sress : 1,3 M d’abonnés
Babacar Camara alias Abba No Stress compte 1,3 million d’abonnés. Il était déjà bien connu avant l’invention de l’application Tik-Tok. Animateur et humoriste de profession, il a fait ses premiers pas à la SenTv, puis a déposé ses bagages à la 2STv avant d’atterrir à la Radio Futur Médias ou il assure l’émission «Degueuntan». Difficile de stresser à ses côtés. Ce qui lui a valu le sobriquet «No Stress». Avec lui, on étouffe des éclats de rires. Nul ne peut résister face à ses contes et ses blagues pourris. Il poursuit son ascension fulgurante sur la plateforme Tik-Tok. L’animateur interagis quotidiennement avec ses fans en postant des directs de ses émissions à la radio et des mises en scènes amusantes.
FAH AIDARA PARLE DE SON EXPERIENCE : «Je rencontre des personnalités publiques, je gagne d’énormes contrats, mais surtout…»
Elle est incontournable sur Tik-Tok. Depuis le début, elle s’est hissée en haut du classement et maintient son rang. Fatou Binetou alias Fah Aïdara est l’une des premières sénégalaises à vulgariser l’application au Sénégal. Elle s’est prêtée au jeu de nos questions-réponses.
Vous êtes la Sénégalaise les plus suivie sur Tik-tok. Qu’est-ce qui motive votre présence sur ce réseau social ?
Ce qui motive ma présence sur ce réseau social, n’est rien d’autre que ceux qui me suivent qui adorent ce que je fais. Ceux qui m’aiment malgré mes innombrables défauts. Ceux qui sont là depuis le début et qui continuent d’être là sans rien lâcher. Je parle de mes vrais followers bien sûr. Il est vrai que quand on a un public que l’on a créé naturellement, il y aura toujours des attentes de leur part et ces attentes, quoi qu’on puisse dire également, sont une source de motivation. Cela te pousse à aller au-delà de ton savoir-faire. Voilà ce qui me motive.
On sait que, contrairement en Europe, les influenceurs ne sont pas rémunérés. Qu’est-ce que vous y gagnez ? Des partenariats, de la visibilité, des publicités ?
Surtout je gagne des gens honnêtes. Et oui, il est vrai que quand on le faisait, c’était pour se divertir, mais rien de tout ça n’était prévisible. Grâce à Dieu, je rencontre des personnalités publiques, je gagne d’énormes contrats, des partenariats et tant d’autres choses. Bien sûr, nous sommes sollicités par beaucoup de boîtes pour des publicités et pas seulement au Sénégal, même au niveau international, et c’est loin de finir. Nous sommes en train de faire un travail acharné, mon équipe et moi derrière, pour élargir les horizons. Vous aurez de bonnes surprises, je n’en dirai pas plus.
Si vous deviez la comparer aux autres plateformes, que diriez-vous ?
Pour moi Tik-tok, c’est un autre monde. C’est là-bas où j’ai créé mon propre public que j’ai ramené vers les autres réseaux sociaux comme Instagram ou Snapchat. Avec Tik-Tok, j’ai l’impression de communiquer directement avec mes abonnés. Bon, même si parfois c’est inévitable de recevoir des commentaires négatifs qui heurtent directement ta sensibilité et c’est partout, dans tous les réseaux d’ailleurs.
Vous arrive-t-il d’interagir avec vos abonnés ? Si oui, comment ?
Oui ! Il m’arrive d’interagir avec mes abonnés. Pas d’une manière spéciale en réalité, mais parfois quand je sors dans la rue où que je pars dans un restaurant et que je les rencontre, je prends plaisir à passer des moments avec eux, prendre des photos et discuter. Parfois aussi ils me demandent de faire des vidéos pour eux, cela leur fait plaisir et pour moi, tout ça, c’est une manière d’interagir avec mes Folowers. Bien sûr, je songe à organiser un meet-up spécial pour tous les fans de Fah AÏDARA. Ce serait cool non ?