De plus en plus de parents d’élèves se plaignent de la cherté des services offerts par les écoles privées. A leur avis, toute une stratégie est mise en œuvre pour leur soutirer de l’argent. Ils invitent l’Etat à intervenir pour réguler le secteur.
Par « Le Soleil »
A la zone de captage à Castors près de la station-service, la librairie du coin ne désemplit pas en cette matinée d’octobre. Moustapha, la mine sévère, en ressort, tenant un sachet rempli de fournitures scolaires. Interrogé, il lance : « où allons-nous avec ce coût de plus en plus élevé de l’école sénégalaise ». Il renseigne avoir dépensé pour les fournitures près de 75.000 FCfa pour ses trois enfants qui sont inscrits dans une école privée à Castors. A cela, précise-t-il, s’ajoutent les frais d’écolage qui s’élèvent à 25.000 FCfa par mois et par enfant. « Je dépense 150.000 FCfa par mois pour mes trois enfants en termes de frais d’écolage, de cantine, de transport ainsi que les cours de renforcement et l’initiation à l’informatique », souligne Moustapha qui dit travailler comme agent commercial dans une multinationale. Le quinquagénaire trouve qu’il y a trop de charges mises sur le dos des parents d’élèves.
Une dame qui écoutait notre conversation s’en mêle. « Le privé est devenu un gouffre pour de nombreux parents d’élèves. C’est devenu trop cher. On nous impose même des cours de renforcement à payer », déplore Salimata Sall, agent de la Fonction publique. Trouvé à la zone de captage, Adama Sarr pense que l’Etat doit intervenir pour mettre de l’ordre dans l’enseignement privé car la cherté des prestations est en train de ruiner les parents. « Il y a toute sorte de stratégies pour soutirer plus d’argent aux parents. Les frais d’écolage sont très élevés. Il y a les cours de renforcement, l’initiation à l’informatique et en anglais », déplore M. Sarr, qui travaille dans les télécoms. Son fils de 12 ans étudie dans une école privée au Mariste avec des frais d’écolage de 70.000 FCfa par mois. « La cantine me revient aussi à 15.000 FCfa et le transport à 10.000 », détaille le quadragénaire. Selon ce dernier, l’établissement demande également de payer pour des cours de renforcement et d’initiation à l’informatique. En face de l’agence Senelec de Jaxaay, Ami tient une gargote très fréquentée le matin. Elle, par contre, elle a retiré, cette année, ses quatre enfants du privé pour le public. « Mes enfants ont toujours étudié dans le privé mais cette année, je les ai inscrits dans le public car la charge était lourde pour moi », témoigne la dame qui ajoute se battre seule pour sa famille car son mari ne travaille pas. Autre problème qu’elle soulève : il n’y a pas suffisamment d’écoles publiques dans cette zone du nouveau département de Keur Massar, ce qui place les parents pauvres dans des difficultés.
Ses récriminations n’épargnent pas le public, devenu cher à son avis. Prenant son petit déjeuner dans la gargote, Amadou Diop, le vieux maçon, évoque avec nostalgie les années où tout était gratuit à l’école. « Avant, le gouvernement donnait toutes les fournitures. Ce n’est plus le cas maintenant. Le public est cher et le privé est réservé aux riches », déplore M. Diop. Mme Fam, habitante de Almadies 2, a inscrit ses deux filles dans le privé. L’une est en classe de sixième et la plus petite au Ci. La dame confie n’avoir pas jusqu’à présent pas fini de payer les fournitures (en octobre). « J’ai privilégié le paiement des droits d’inscription. Pour le reste comme les fournitures, je paie par étapes », déplore la mère de famille. Agent de sécurité de proximité, Tounkan Faty au cours d’une discussion entre voisins dans la Cité Yacine Immo (Almadies 2) révèle que la scolarité de sa fille inscrite dans le privé lui coûte 25.000 FCfa par mois. Un montant qu’il juge élevé.
ACCUSES D’ETRE PREOCCUPES QUE PAR LE PROFIT
Des responsables du privé indexent le coût élevé de la vie
Si beaucoup de parents soutiennent que l’enseignement privé est devenu très cher, les responsables des établissements disent le contraire. Ils affirment même faire du social pour permettre à certains élèves d’accéder à l’éducation.
Trouvé dans son établissement privé, Lamane Ndiaye soutient avec force que l’enseignement privé n’est pas cher, mais ce sont plutôt les charges d’exploitation qui sont élevées. « Rien que la semaine dernière, j’ai dépensé plus de 400.000 FCFa pour les charges », renseigne le Directeur de Abs. Pour les frais de transport, notre interlocuteur relativise. « C’est dû au fait que certains élèves habitent loin. Et les établissements sont obligés de chercher des cars de transport et recruter des chauffeurs », explique M. Ndiaye. « L’élève paie 10.000 FCFa par mois pour le transport. La cantine est aussi à 10.000. La mensualité varie entre 15 000 et 18.000 », détaille ce retraité qui a fait plus de 38 ans de service dans le public. Selon lui, dans son établissement, le chauffeur est rémunéré à hauteur de 100.000 par mois. Sans oublier le salaire des enseignants et le loyer des locaux. « Je peux dire que nous faisons du social car certains enfants issus de familles démunies ne paient pas. En plus, les élèves dont les parents interviennent dans l’école ont soit une réduction soit une gratuité », a fait savoir le Directeur de Abs.
Aux Cours privés Almadies 2, le Censeur, Abdoulaye Ndiaye pense aussi que le privé n’est pas cher. « Les écoles privées fonctionnent sur la base du paiement des écolages », a indiqué M. Ndiaye. En classe de sixième, dit-il, on peut compter au moins 9 à 10 professeurs à payer. Cela a un coût. En plus, il y a l’équipement, l’électricité, l’eau, le loyer, explique M. Ndiaye avant d’attirer l’attention sur le fait que « c’est grâce aux frais de scolarité que les écoles privées arrivent à fonctionner ».
Le problème, dit-il, se situe au niveau du pouvoir d’achat des ménages. « Au Sénégal, la majorité de la population a juste de quoi vivre », note le Censeur de Almadies 2. « Nous faisons du social. Il y a même des tarifs préférentiels qui sont octroyés à certains parents d’élèves », confie M. Ndiaye.
Intervenant dans une école privée, M. Dièye souligne que les frais d’écolage ne sont pas élevés comme le pensent certains. « Mais si on y ajoute les charges (transport, cantine), le montant grimpe », reconnaît-il.
Les responsables de ces établissements demandent l’accompagnement de l’Etat par l’octroi d’une subvention. « L’école privée est le parent pauvre du système éducatif. L’Etat doit nous aider, nous subventionner », demande Abdoulaye Ndiaye. « L’Etat met beaucoup de moyens dans le public. Il doit penser au privé », renchérit Lamane Ndiaye.
Faute de moyens, certains établissements ferment
Dans le privé, si certains établissements parviennent à s’en sortir, d’autres, par contre, à cause du manque de moyens conséquents et d’effectifs, finissent par fermer. Mme Diop, gérante d’une école privée à Jaaxaay, a été obligée de fermer son établissement pour non rentabilité. « Les effectifs des élèves étaient faibles alors que les charges sont là », explique la dame.
Le groupe scolaire, « Plateau de l’excellence » aux Parcelles Assainies de Keur Massar, a également mis la clé sous le paillasson pour non rentabilité et manque de moyens. « Nous avons perdu beaucoup d’élèves. Alors qu’on doit payer la location, les enseignants et d’autres charges », fait savoir M. Dièye, le Président du Gie à l’origine de la création du groupe scolaire « Plateau de l’excellence ». Il a ajouté que son établissement ne recevait pas de subvention. « L’établissement avait une autorisation. Mais pour avoir une subvention, il faut une reconnaissance de l’Etat », explique l’enseignant qui déplore également la prolifération des écoles privées.