L’internet, les réseaux sociaux, les Smartphones envahissent notre quotidien et captivent les esprits. Les enfants, quelquefois incapables de discernement, sont les plus exposés à ce phénomène. Ces outils technologiques, abusivement utilisés, créent des interférences dans l’éducation de l’enfant et mettent surtout en péril sa croissance biologique, source d’échec.
Par Gaustin DIATTA (Le Soleil)
ZIGUINCHOR – Des chaumières comme des rayons de jouets ! Le Smartphone gouverne les esprits. Au 21ème siècle, il est le présent le plus prisé par les enfants. Cadeau empoisonné, diraient certains. Le bouquin est devenu, pour beaucoup d’entre eux, une relique d’un autre temps. On est dans l’ère du Smartphone à tout prix. En 2014, le Pew Research Center révélait, dans une étude, que 34% de Sénégalais se connectent régulièrement à internet. Et parmi eux, des enfants. Ils y explorent le monde à outrance. Un clic aux conséquences fâcheuses quelquefois. Celles-là sanitaires ne sont pas des moindres. Chef du Service de Neurologie au centre hospitalier régional de Ziguinchor, Dr Djibril Ka s’émeut de cette démesure dans l’utilisation du Smartphone par les enfants, de l’internet en général, avec la négligence coupable des parents. Le neurologue pense qu’il faut tout simplement interdire le téléphone aux enfants à l’école et à la maison afin de les protéger des risques sanitaires. « L’utilisation de ces Smartphones n’est pas sans conséquences. Car ils peuvent provoquer des troubles cognitifs chez l’enfant et même l’adolescent. Ces appareils ont des ondes électromagnétiques. Ces ondes, avec la lumière bleue du téléphone, les vibrations, les sonneries…, peuvent perturber le sommeil de l’enfant. Cela peut créer une difficulté à l’endormissement qui impacte les résultats scolaires et diminuer en même temps le seuil épileptogène », analyse le Dr Ka, non sans demander aux parents d’être plus vigilants.
Risques de crises d’épilepsie
Il arrive que des enfants se connectent jusque tard dans la nuit, perdant ainsi des heures de sommeil. D’après le Chef du Service de Neurologie de l’hôpital régional de Ziguinchor, ces pertes ou manque de sommeil peuvent conduire à des crises d’épilepsie chez l’enfant. « Des dettes de sommeil peuvent se manifester par des crises chez ces enfants-là. Chez nous neurologues et psychiatres, nous disons toujours que le sommeil est un médicament parce qu’il fait reposer le cerveau. Et tous ces facteurs peuvent plomber la croissance biologique des enfants et même des individus d’une manière générale », explique-t-il. Avec le téléphone, soutient Dr Ka, le môme voyage à travers le monde. À ses yeux, une protection des enfants de ces outils s’impose : « C’est vrai qu’il est très difficile de surveiller l’enfant. Aujourd’hui, il reçoit énormément de phénomènes en même temps. Il écoute son père, sa mère mais aussi son téléphone et a un œil sur les réseaux sociaux. Au-delà, il regarde la télévision. Il est devenu très difficile de l’éduquer ». Pour mieux protéger les enfants de ces nouveaux phénomènes afin de leur permettre de retrouver un sommeil de qualité, il invite les parents à faire tout leur possible pour, au moins, récupérer les téléphones pendant l’année scolaire. Par ailleurs, le spécialiste indique que le téléphone est un agrégat de microbes.
Cycle de sommeil perturbé, activités ludiques réduites
Le Dr Djibril Ka n’est pas le seul spécialiste en sciences neurologiques à éprouver des inquiétudes par rapport à l’utilisation abusive des Smartphones. Interrogé en 2019 à l’Université Iba Der Thiam de Thiès sur la même question, le Pr Amadou Gallo Diop a souligné que certains enfants ont une durée de sommeil « très réduite » parce qu’ils passent « trop de temps sur le net ». Aussi a-t-il regretté qu’ils ne dorment plus assez et n’aient plus d’activités ludiques. « Il faut que les parents protègent leurs enfants. Un enfant a besoin de beaucoup d’activités ludiques mais pas forcément de téléphone portable. Il a 10 ans. Quand il revient de l’école, on lui demande de faire ses devoirs jusqu’à 23 heures. À minuit, il va au lit. Ses parents le laissent dans sa chambre avec son cellulaire. Et pendant ce temps, il en profite encore pour surfer sur internet jusqu’à deux heures du matin. À six heures, il se lève pour retourner à l’école. Ce manque de sommeil peut freiner sa croissance biologique. C’est extrêmement dangereux », a analysé le Professeur de classe exceptionnelle en neurochirurgie. Pour mieux protéger l’enfant de ces « ennemis », l’enseignant-chercheur suggère aux parents de ne pas donner de Smartphone à leurs enfants. Selon le membre de l’Académie sénégalaise des sciences et techniques, il faut une meilleure protection en ligne. Il est important, a-t-il conseillé, que le cycle de sommeil de l’enfant soit bien respecté afin « de déclencher un meilleur processus neurobiologique ».
Risques d’effets magnétiques et maladies chroniques
Dans certaines familles, il y en a qui laissent les enfants dormir sous wifi allumé. De l’avis du Pr Amadou Gallo Diop, c’est « très dangereux » dans la mesure où il comporte des effets magnétiques tout comme le téléphone portable. Il est important pour l’enfant d’avoir un cycle de sommeil normal. « La nuit est faite pour dormir, que ce soit pour l’enfant et n’importe quel apprenant. Les choses vues et entendues pendant le jour sont mémorisées la nuit. La nuit, nous dormons profondément, mais le cerveau travaille de manière intense. Les ongles poussent la nuit. Les plaies se cicatrisent la nuit. Un enfant qui vient de naître à 100.000 neurones. Entre zéro et 10 ans, le développement de son cerveau se fait de façon fulgurante », a insisté le neurologue, rappelant que la durée minimale d’un sommeil est de six heures de temps : « L’adolescent a besoin entre huit et neuf heures de sommeil. L’adulte entre six et huit heures. Mais, parfois, les enfants dorment moins de six heures. C’est un drame ». Sa thèse est corroborée par son confrère en charge du Département de Neurologie du centre hospitalier régional de Ziguinchor. Le Dr Djibril Ka pense que, plus tard, l’enfant peut payer « très cher » sa dette de sommeil. À court terme, a indiqué le Pr Gallo Diop, ce sont des maux de tête incessants. Mais dans le temps, l’enfant peut développer des maladies chroniques telles que le diabète.
Les parents en rempart
Le danger est permanent. Les réseaux en rajoutent au risque. Pour mieux protéger les enfants en ligne, la directrice du Centre départemental d’éducation populaire et sportive (Cdeps) de Ziguinchor soutient que l’accès aux réseaux sociaux doit être encadré par l’État du Sénégal. Mieux, elle pense qu’avec l’avènement des Smartphones et d’internet, « les enfants ne doivent pas être laissés à eux-mêmes. Ils sont exposés car ils y font de nouvelles connaissances, rencontrent des inconnus ». Le risque d’addiction, qui les expose à certaines pathologies, inquiète également Anne Marie Gomis. La responsable du Cdeps de Ziguinchor invite les parents à ne pas accéder aux requêtes des enfants qui leur demandent un Smartphone comme cadeau. D’ailleurs, chez elle, aucun enfant n’a pas droit à un Smartphone s’il n’a pas atteint 18 ans, voire plus. De plus, Mme Gomis préconise le téléphone simple qui n’est « pas intelligent » pour rétrécir la marge de manœuvre de l’enfant. Cet outil suffit à permettre aux parents, dans certaines circonstances, de communiquer avec lui.
Mme Mbaye Adama qui vit avec ses deux filles de 13 et neuf ans indique que, chez elle, ses enfants n’ont pas droit au Smartphone. Pour elle, le phénomène des rapts d’enfants n’est pas étranger à l’hyperconnexion et peut-être même à leur sexualité débridée et précoce. La dame invite les chefs de famille à éviter aux enfants des nuits blanches, source d’échecs selon les spécialistes en sciences neurologiques.