Soucieux de renforcer les droits de la défense, le législateur sénégalais a introduit dans le dispositif du Code de procédure pénale le règlement n°5/Cm/Uemoa instituant le droit à un conseil dès l’interpellation. Depuis son entrée en vigueur, en 2016, la mesure a connu des succès, même si sa mise en œuvre est parfois confrontée à quelques écueils.
Des procédures judiciaires ont été annulées à cause de l’absence de notification au suspect de son droit d’être assisté par un avocat lors de sa garde à vue. L’avènement du règlement n° 5/Cm/Uemoa du 25 septembre 2014, relatif à l’harmonisation de la profession d’avocat dans l’espace Uemoa, vise à éviter des « errements » dans une procédure judiciaire. Auparavant, la défense ne pouvait assister son client à l’enquête que lorsque sa garde à vue avait été renouvelée. À l’issue des premières 48 heures de garde à vue, rappelle Me Ibrahima Mbengue, avocat à la Cour, le suspect pouvait s’entretenir avec son conseil pendant une trentaine de minutes. Depuis 2016, avec l’entrée en vigueur de la loi la n°2016-30 du 8 novembre 2016 portant modification du Code de procédure pénale, les données ont changé. L’article 55 (nouveau) prévoit, en son alinéa 9, que « l’Officier de police judiciaire informe la personne interpellée de son droit de constituer un conseil parmi les avocats inscrits au tableau ou admis en stage ».
C’est pourquoi, quand cette disposition n’est pas respectée, les avocats ne ratent aucune occasion pour exploiter cela et soulever des exceptions pour faire annuler la procédure. Lors du procès de Khalifa Ababacar Sall dans l’affaire de la caisse d’avance de la Ville de Dakar, ses avocats avaient soulevé la nullité de la procédure sur la base du non-respect des droits de la défense. Me Elhadji Diouf, de la défense, avait voulu assister l’ex-premier magistrat de Dakar, mais on lui avait opposé un refus catégorique. Dans son arrêt rendu le 30 août 2018, la Cour d’appel de Dakar a annulé les procès-verbaux d’enquête préliminaire de la Police tout en rejetant la demande de nullité de la procédure, confirmant ainsi les peines en partie et tout le jugement rendu en première instance contre Khalifa Ababacar Sall et compagnie.
Pour Me Ousseynou Gaye, le juge devrait allait au bout de sa logique consistant à annuler toute la procédure. Cet avocat de l’ancien Maire de Dakar s’était violemment pris à ses collègues de la partie civile qui plaidaient contre le règlement 5 de l’Uemoa. Tout a commencé, d’après lui, avec le juge Malick Lamotte, Président du Tribunal de grande instance de Thiès. Celui-ci avait annulé bon nombre de procédures judiciaires.
Garantir les droits de la défense
Il en est de même de l’affaire du défunt chanteur Thione Seck, lead vocal du Ram Daan, sur l’affaire des faux-billets. Constatant que la procédure n’a pas respecté ce dispositif d’ordre public, le juge du Tribunal correctionnel de Dakar avait déclaré « nulle et de nullité absolue » la procédure intentée contre le chanteur et Ablaye Djité, ainsi que les actes subséquents. Le Tribunal estime que dans le procès-verbal (Pv) d’enquête préliminaire, il n’est pas mentionné l’obligation faite aux enquêteurs de notifier aux mis en cause leur droit de se faire assister d’un avocat. « C’est une formalité substantielle », a rappelé le juge dans ses motivations.
En brandissant le règlement n° 5 de l’Uemoa, il renvoie le ministère public à mieux se pouvoir. Le lead vocal du Ram Daan, arrêté le 27 mai 2015, a été renvoyé des fins de la poursuite le jeudi 23 mai 2019. Me Baba Diop a fait annuler une procédure contre son client lors de la session de la Chambre criminelle tenue en mi-mai 2021. Il avait soulevé une exception relative au non-respect du règlement 5 de l’Uemoa sur la garde à vue. Par conséquent, le juge a, sans état d’âme, annulé toute la procédure. Courant mai 2021, son collègue Amadou Diallo a vainement tenté, devant le Tribunal des flagrants délits de Dakar, de faire annuler une procédure contre son client. Il accuse les agents enquêteurs de n’avoir pas notifié à celui-ci son droit de constituer un conseil. Mais, l’exception a été rejetée.