Serigne Abass Sall a très tôt mesuré la puissance du savoir dont l’écriture est une des courroies de transmission. Son génie, qui s’est exprimé en prose et en poésie, a fixé sa pensée dans la mémoire collective, loué le Seigneur et ses maîtres et ravivé la foi des fidèles.
« Humaniste universellement connu, créateur au génie fécond et intarissable, il nous a laissé une œuvre magistrale dont la profondeur, la richesse et l’originalité demeurent sans conteste l’une des contributions les plus éminentes, au Sénégal, au patrimoine de l’Universel, de l’homme noir ». Ces propos du regretté Professeur Iba Der Thiam tenus le 9 septembre 1994, préfaçant l’ouvrage de Doudou Kâ intitulé « Serigne Abass Sall : vie et œuvre d’une figure de proue de la Tijaniyya sénégalaise », sont une illustration de la dimension du chef religieux de Louga.
Né en 1909 à Nguick dans l’actuelle commune de Sakal (département de Louga), Serigne Abass Sall, de son vrai nom Abdallah ibn Abass, septième fils de son père Serigne Mayoro Sall connu pour sa maîtrise des sciences islamiques, était prédestiné à la belle écriture. Encadré dès sa tendre enfance par ses propres parents et initié à l’apprentissage du Coran par son père, le futur chef religieux de Louga a reçu de ce dernier une recommandation de taille avant sa mort en 1937, l’enjoignant de se rendre partout où il peut parfaire son éducation et sa connaissance islamique.
Fidèle au discours testamentaire de son père, Serigne Abass Sall, dès l’âge de 15 ans, se rend respectivement auprès de Serigne Aliou Dia, Serigne Oumar Diop, Serigne Alioune Samb et peu après chez Serigne Sandiéri Diop au village de Massar Diop situé non loin de Sakal où alors, très jeunes, Serigne Abass développe des aptitudes littéraires. Ces érudits de la Province du Njambour lui enseignent tour à tour la grammaire arabe, la rhétorique, la jurisprudence…
Précocité d’esprit
Le séjour de Serigne Abass Sall chez Massar Diop pour y apprendre la grammaire arabe, alors qu’il avait juste 15 ans, dévoile les talents du futur poète. Selon Mansour Gaye, petit-fils du défunt chef religieux, c’est durant la première nuit passée dans ce village que le jeune a émerveillé son maître. Serigne Abass, qui avait proposé de démarrer le livre de grammaire que son marabout devait lui enseigner par un chapitre du milieu, s’est heurté au refus de ce dernier qui ne comprenait rien de l’attitude de son élève. Mais, renseigne Mansour Serigne Gaye, « le lendemain matin, au réveil, son maître a été surpris par les vers composés par Serigne Abass alors qu’il n’avait pas encore entamé ses cours de grammaire avec lui ».
C’est dire que le futur marabout a développé très tôt un penchant pour l’écriture et des aptitudes à la production littéraire. Ce qui s’est confirmé au fil du temps car Serigne Abass Sall est devenu un virtuose du verbe. « La passion de Serigne Abass Sall résidait dans la lecture du Coran et la composition de poèmes. Il aimait écouter les lectures du Coran et affichait une joie indescriptible quand il entendait une personne réciter une sourate », confie son fils Serigne Mayoro Sall, par ailleurs imam de la mosquée construite à Louga par son illustre père.
C’est son maître Sandiéri Diop du village de Massar, soutient Serigne Mansour Gaye, qui lui fait parcourir toutes les localités où le jeune Abass devait rencontrer plus tard ses nouveaux maîtres pour apprendre les différentes disciplines susceptibles de l’aider à parfaire sa formation. Cependant, le génie de Serigne Abass Sall s’est très tôt exprimé. Car, informe Serigne Mayoro Sall, il s’est intéressé, à bas âge, à l’écriture, à la composition de poèmes orientés vers l’apprentissage et la pratique de la religion. Il était convaincu que par la puissance de la science et de la plume, il est possible de faire face aux agressions culturelles extérieures, d’où son obsession précoce à devenir homme de lettres.