Il a décidé d’aborder un nouveau tournant de sa vie. Ce qui lui a valu, en plus d’une retraite spirituelle, un retrait de la scène musicale. Aujourd’hui, alors qu’il tente une reconversion avec un nouveau style moins trash, Pape Thiopet a carrément tourné le dos au «Tassou» qui était sa marque de fabrique. Il nous en parle dans cet entretien sans détours…
Vous n’êtes plus présent sur la scène musicale. Qu’est-ce qui explique ce retrait ?
Mon retrait de la scène s’explique par le fait qu’à un moment donné de ma vie, j’avais besoin de me recentrer sur moi-même. Je sentais que ça partait dans tous les sens. J’avais produit une multitude de chansons. Donc, il fallait que je prenne un peu de recul et laisser du temps aux mélomanes de les consommer. La seconde cause de cette léthargie était liée à une remise en question. Je ne me retrouvais plus dans la musique que je faisais. Donc, je peux dire que cette pause était impérative pour moi. Durant tout ce temps, j’étais seul dans mon coin en train de faire un travail sur moi. Je voulais accéder à un autre palier car, je considère que je stagnais depuis un moment. Lors de mes premiers pas dans le show-biz, de la danse, je suis passé aux percussions, ensuite j’ai pris le micro pour chanter. J’ai d’abord intégré le DLC de Fallou Dieng, avant d’entamer une carrière solo. Je pense avoir fait mes preuves et apporter une nouvelle touche à la musique sénégalaise. D’ailleurs, j’ai même fait des émules. Seulement, j’ai compris que l’environnement de la musique et certains procédés qui la font, n’allaient pas de paires avec les préceptes de ma religion. Bien entendu, en adoptant le «Tassou», je le faisais dans l’optique d’éduquer la jeunesse et non la pervertir. Mais, au fur et à mesure que ce style musical était prisé, beaucoup de gens s’y sont mis. La donne a un peu changé, malheureusement pas dans le bon sens. Je reconnais que j’ai une grande part de responsabilité, si de jeunes artistes m’ont emboîté le pas mais, il faut dire que la tendance a viré à l’exagération. J’ai arrêté, ne voulant plus être le garant d’un style musical un peu licencieux. Charité bien ordonnée commence par soi-même. J’ai décidé d’éviter toute parole susceptible de heurter la sensibilité.
«Avant, mes textes pouvaient être assimilés à de la pornographie. Je ne me retrouvais plus dans le Tassou»
Outre le fait que vous avez grandi, qu’est -ce qui se cache derrière cette mue ?
Le «Tassou» est un style musical très noble. D’ailleurs, c’est une chose qui est là depuis longtemps. Beaucoup de musiciens qui sont âgés maintenant le faisaient. Mais avec la manière. En l’adoptant, mon but premier était, comme je l’ai toujours soutenu, d’éveiller. Seulement, il faut avouer que je me suis laissé aller à des pratiques peu orthodoxes. Sous mon impulsion, beaucoup s’y sont mis, avant de le dévoyer. Ils utilisent des paroles et des couplets qui frisent l’indécence. J’estime avoir dépassé tout cela. Sachant que cela risquait de me porter préjudice, j’ai décidé tout bonnement de me retirer. Avec le style d’habillement de certains artistes, les textes et les paroles insensées à la limite choquantes, je ne me voyais plus dans ce milieu. D’ailleurs, je ne le supportais plus. Ma conscience ne me permet plus de faire une telle musique. Je peux dire que je n’y avais plus ma place. En plus, je prenais de l’âge. Je voudrais également qu’après ma mort, laisser un bon héritage à la postérité. Par la grâce de Dieu, je me suis ressaisi à temps. La religion m’a dominé et a pris le dessus sur ma musique. Le changement s’opère plus dans le fond de ma musique. Si on dit que la musique est prohibée par la religion, c’est à cause des paroles, des textes et de tout ce qu’il y a autour. La preuve, il existe une musique religieuse. Et c’est, dans ce registre que je me suis inscrit. Dorénavant, je fais une musique beaucoup plus spirituelle et qui peut-être consommée par toutes les tranches d’âge. Récemment, j’ai sorti une chanson où j’ai repris une Xassida de Serigne Touba.
A quel moment avez-vous pris conscience qu’il vous fallait opérer ce changement ?
Lorsque j’ai gagné en maturité. Ce sont des choses naturelles de la vie, qui viennent sans crier gare. Toute personne est appelée à évoluer. Avant, il m’arrivait d’écrire des textes que personne ne comprenait, des textes qui pouvaient être assimilés à de la pornographie. Mais avec du recul, j’ai décidé de changer de style et d’être plus proche de mon Créateur à travers ma musique.
«Si je pouvais revenir en arrière… Actuellement, je ne cherche pas la richesse ou le succès, mais Allah…»
Donc vous regrettez d’avoir écrit ces genres de textes ?
Non. Je ne peux pas dire que je regrette, cela faisait partie de mon destin. J’en ai tiré des leçons. Il arrive des moments où dans ta vie, tu fais des erreurs, car tu as été mal conseillé ou obnubilé par le succès. Mais, l’essentiel c’est de se ressaisir à temps. Si je pouvais revenir en arrière, je n’allais pas faire certaines choses. N’empêche, j’ai maintenant la conscience tranquille. Je remercie le Tout-Puissant de m’avoir sorti de ce chemin.
Avec cette nouvelle orientation, ne craignez-vous de perdre votre public ?
Il est clair que certaines personnes ne m’écouteront plus. Ceux qui m’attendent dans l’ambiance vont déchanter mais, ce qui me suivaient pour mon talent, ne vont pas me quitter. Le plus important pour moi à l’heure actuelle, ce n’est pas d’avoir du succès ou d’accroître mon capital sympathie mais, d’être plus proche de mon Créateur et d’entrer dans Ses faveurs. Le chemin que j’ai emprunté, certains peuvent ne pas l’apprécier mais, tant que je suis en phase avec les recommandations d’Allah, je ne vais pas m’inquiéter car Il détient les meilleures récompenses. Je ne cherche pas la richesse, mais la satisfaction d’Allah.
Sauf que si vous perdez en notoriété, cela va forcément se ressentir sur vos finances, votre train de vie. Les contrats de prestation ne vont pas se bousculer à votre porte comme avant ?
C’est certain, ce choix impactera sur le reste de ma carrière. Mais, cela ne me cause pour autant pas de soucis. J’ai fait une purge et je me sens bien. Le reste, c’est gérable. Je n’ai jamais changé d’ailleurs. J’ai un train de vie respectable et le succès ne m’a pas fait monter sur des grands chevaux ou fait faire des folies de grandeur. Je n’ai jamais eu de problème d’argent, je me contente du peu.
«Le maraboutage et les sacrifices sont une réalité dans la musique»
Vous avez permis à plusieurs jeunes d’adopter ce style musical. D’ailleurs, certains d’entre eux vous considèrent comme une idole. Et quand ils sont sur scène, on pense automatiquement à vous…
Ces jeunes ont beaucoup appris de moi. Je les encourage à poursuivre leur rêve, mais avec plus de sérénité. Si cela ne dépendait que de moi, je serais toujours à leur côté afin de leur expliquer les rouages du métier. La musique est assez perverse et elle peut te faire des choses que tu peux regretter par la suite. Il y a aussi, les méfaits. Beaucoup en arrivent à tremper dans des pratiques malsaines pour arriver au sommet. Ils vont jusqu’à faire du mal à leur semblable. Le maraboutage et les sacrifices sont une réalité dans la musique. C’est la concurrence qui le favorise. Au delà de tout ça, il y a les rumeurs que l’on colporte sur ton dos, c’est le revers de la médaille. Quand on est célèbre, on entend du tout. C’est très dur à vivre. Pour ma part, j’en ai assez de tout cela. Le milieu regorge de dangers.
Qu’est-ce qui vous a autant rapproché de la religion ?
Je me suis toujours efforcé de respecter les recommandations édictées par l’Islam. J’ai fait des recherches approfondies sur la religion et je me suis recueilli auprès de beaucoup de marabouts et j’ai prêté allégeance à Serigne Saliou. Ces recherches ont fini par prendre le dessus sur mes heures de répétitions. Du coup, je passe maintenant la quasi-totalité de mon temps à lire les Xassidas et le Saint-Coran.
On dirait que cela vous a un peu monté à la tête et vous a placé dans une autre dimension ?
C’est tout ce que je demande. Vivre ma foi à fond, être un fervent disciple…
Gardez-vous toujours un œil sur la musique sénégalaise ?
Je ne suis plus ce qui se passe dans la musique. Donc, je ne suis pas trop au diapason. Je n’ai même plus le temps pour cela.
Parlez-nous de ce nouveau morceau que vous avez récemment sorti en prélude au Magal et qui annonce les couleurs de votre nouvelle orientation musicale ?
«Ila Touba» est un concept que j’ai créé à travers des émissions et des chansons, maintenant c’est devenu un slogan. Pratiquement, tout le monde s’y est mis. A l’approche du Magal, je m’arrangeais toujours pour sortir des sons pour permettre à mes condisciples Mourides de mieux vivre la ferveur de cet événement religieux. Cette année, je n’ai pas dérogé à la règle. C’est dans cette optique que j’ai repris «Sindidi», une Xassida de Serigne Touba et qui met en exergue la mansuétude. On y retrouve tous les prophètes. Beaucoup ont apprécié cette nouvelle orientation et m’ont dit que j’ai tardé à prendre ce chemin…