L’ancien président tchadien Hissein Habré, décédé ce mardi à Dakar, des suites du Covid-19, a eu un parcours politique et militaire mouvementé, avant de mener une vie paisible au Sénégal où il a passé ses derniers jours en prison.
Né en 1942 à Faya-Largeau, dans le nord du Tchad, à l’époque coloniale, Habré est de la tribu des Anakaza (+Gorane+ en arabe). L’ancien président tchadien a été formé en France dans les années 1960 à l’Institut de droit public, Sciences-Po et à la Faculté de droit d’Assas.
De retour au Tchad, en 1971, il rejoint le Front de libération nationale du Tchad (Frolinat), mais les dissensions internes au sein de ce mouvement de rébellion le poussent à prendre sa liberté et à créer, avec un autre nordiste, Goukouni Weddeye, le Conseil du commandement des forces armées du Nord (CCFAN), en guerre contre le pouvoir. En 1978, Hissein Habré est nommé Premier ministre dans le gouvernement du général Félix Malloum avec qui il rompra, avant de devenir ministre de la Défense dans le gouvernement d’union nationale de transition (GUNT) que dirige Goukouni Weddeye, suite à la chute de Malloum en 1979.
Farouchement opposé au dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, dont il dénonce les visées territoriales sur le Tchad, Habré rompt dès fin de 1979 avec Weddeye, trop inféodé au régime libyen à son goût. Il prend le maquis et combat désormais son ancien allié. En novembre 1981, après le retrait des troupes libyennes venues prêter main-forte aux forces de Goukouni Weddeye, Habré reprend l’offensive.
Aidées en sous-main par la France, ses troupes font victorieusement leur entrée à Ndjamena, le 7 juin 1982. Il est investi en octobre 1982 président du Tchad. Mais son accession au pouvoir ne met pas fin à la guerre.
Durant ses huit ans de pouvoir, le régime de Hissein Habré est accusé d’avoir commis beaucoup d’abus et de massacres, perpétrés par le biais de la Direction de la documentation et de la sécurité (DDS), la redoutable police politique du régime uniquement composée de membres du clan du président. En 1990, il est renversé par la dissidence de ses proches, amenés par son conseiller chargé de la Défense et de la Sécurité, Idriss Déby, soutenus par les Libyens et les Soudanais.
Il fuit au Cameroun le premier décembre 1990. On le soupçonne d’avoir emporté dans sa fuite plusieurs milliards de francs CFA. La même année, il arrive avec sa famille au Sénégal, où il obtient l’asile politique. Dès 1992, une commission d’enquête tchadienne publie un rapport accusant le régime de Hissein Habré d’avoir fait régner la terreur pendant ses huit années de pouvoir qui ont fait 40 000 morts. En 2000, une information judiciaire est ouverte contre lui à Dakar pour « crimes contre l’humanité et actes de torture ».
Des organisations de défense des droits de l’Homme accusent son régime d’avoir brutalement réprimé, torturé et parfois exécuté des opposants arrêtés par la Direction de la documentation et de la sécurité (DDS) assimilée à une police politique par beaucoup d’observateurs. Hissein Habré a été arrêté le 30 juin 2013 à son domicile, à Dakar, après que la bataille judiciaire menée durant plusieurs années par des plaignants et leurs avocats a abouti à son inculpation.
Hissein Habré a gardé le silence tout au long de son procès ouvert le 20 juillet 2015 devant les Chambres africaines extraordinaires (CAE), un tribunal spécial africain présidé par le juge burkinabé Gberdao Gustave Kam. Il a été reconnu coupable de « crimes contre l’humanité, viols, exécutions, esclavage et enlèvemen » et condamné à la prison à perpétuité.
Le 27 avril 2017, une Chambre d’appel a confirmé le verdict et a ordonné à Habré de payer près de 123 millions d’euros pour l’indemnisation des victimes. Habré avait bénéficié, le 7 avril 2020, d’une permission de 60 jours pour le protéger du COVID-19.
Début juillet, sa famille avait demandé à la justice sénégalaise de lui accorder une permission à cause de la résurgence du COVID-19 dans le pays. Il a contracté ces derniers jours la maladie qui l’a finalement emporté.