Le phénomène de l’émigration des enfants devrait préoccuper. Attention, il est question ici d’émigration dans le cadre du droit au regroupement familial pour nos compatriotes vivant en situation légale dans les pays européens mais aussi en Amérique du Nord. Des parents qui, en plus de vouloir vivre sous un même toit avec leurs épouses et leurs enfants, veulent également assurer un avenir meilleur à ces derniers loin du Sénégal des grèves scolaires éternelles et du chômage endémique. Dans le cas qui nous intéresse ici, les Sénégalais qui vivent en Italie ont pris l’option d’amener leurs enfants y vivre parfois dès bas-âge soit pour qu’ils y étudient soit pour avoir la nationalité pour pouvoir plus tard trouver un emploi ou jouir de divers avantages sociaux. Avec tous les risques encourus.
En dehors des avantages indéniables que peut procurer le fait de faire venir ses enfants en Europe, les inconvénients sont aussi fort nombreux. Si d’aucuns pensent que la migration des enfants revêt un caractère positif en ce qu’elle leur permet d’avoir la nationalité du pays d’accueil en plus d’un passeport Schengen, d’acquérir une bonne éducation, de trouver un emploi décent et de jouir d’une multitude d’avantages sociaux, ils occultent souvent le revers de la médaille dont la moindre manifestation n’est pas l’acculturation voire, parfois, la délinquance.
Ainsi pour certains Modou-Modou d’Italie, le fait de faire venir leurs enfants sous couvert du regroupement familial est perçu comme la voie la meilleure. Seulement voilà, cette émigration précoce présente aussi de réels dangers du fait que les réalités du pays d’accueil sont très différentes de celles du pays d’origine, les cultures sont diamétralement opposées, les conditions de développement sont sans commune mesure et la conception de la liberté individuelle prévalant en Occident constituent un choc pour des gamins venant de société très communautaires.
Déménager dans un pays inconnu entraîne donc une acculturation de ces enfants qui, le plus souvent, ne sont jamais sortis de leur village ou de leur ville en Afrique. Et les voilà propulsés de plain-pied dans la civilisation matérialiste et individuelle européenne ! D’où la déception de nombreux parents qui n’arrivent pas à s’expliquer les échecs scolaires et d’intégration de leurs enfants.
Qu’est-ce qui explique donc de telles mésaventures ? Une telle interrogation mérite une réflexion profonde, d’où la nécessité de mettre l’accent sur les facteurs explicatifs. Premièrement, les parents n’ont pas le temps d’éduquer les enfants fraichement arrivés du « bled » ni de leur apprendre la langue car ils passent le plus clair de leur temps à travailler et n’ont guère la possibilité de s’occuper de leurs chérubins qu’ils ne voient que le soir, au mieux, ou les weekends dans la majorité des cas.
Car, quand ils quittent à l’aube, les enfants dorment et, à leur retour le soir, ils sont déjà au lit. N. F qui vit en Italie depuis plus de 15 ans, nous a confié ce qui suit : « j’ai amené ma fille ici en 2015 pour qu’elle puisse vivre près de moi et, surtout, pour préparer son avenir. Mais je suis en train de regretter de l’avoir fait. En effet, je n’ai pas eu le temps de bien l’éduquer parque je travaille tous les jours sauf le dimanche. Elle a eu de mauvaises fréquentations. Elle a commencé à fumer, à boire et je n’y peux rien parce que les lois du pays ne me permettent pas de l’éduquer comme je veux. Une fois, je l’ai bastonnée et elle a appelé les carabinieri (gendarmes). Sur place, ces derniers m’ont fait savoir qu’elle a le droit de fumer et boire et que la loi ne me permet pas de la bastonner. Ils m’ont dit que si ça se reproduisait, les assistantes sociales allaient intervenir et, dans ce cas, je risquerais de perdre la garde de ma fille. Depuis ce jour, j’ai beaucoup regretté d’avoir amené ma fille en Italie ».
Il s’y ajoute que les mauvaises fréquentations au niveau des écoles poussent certains enfants à emprunter des voies obliques, à prendre de la drogue, des fois mêmes ils deviennent des agresseurs, que ce soit du côté des garçons ou même des filles.
Beaucoup parmi ces dernières s’adonnent à de la prostitution déguisée si elles ne vivent pas en concubinage avec leurs copains. Mais le problème est que les parents n’y peuvent rien parce que, en Europe, en général, et en Italie, en particulier, les lois ne permettent pas de frapper son enfant pour le corriger.
Ainsi la majeure partie de ces enfants finissent dans la main des assistantes sociales jusqu’à l’âge de majorité, soit 18 ans.
F. G : “je ne conseille à personne de faire venir son enfant mineur dans ce pays”
A prévoir la mésaventure qui est arrive à F. G. “J’ai perdu mon fils à cause de ses mauvaises fréquentations. Il était dans une école avec des étrangers comme les Sud américains, les Nigérians etc. qui ont un mode de vie différent du nôtre. Mon enfant commençait à fumer et boire de l’alcool voire se droguer. Alors, j’ai voulu le corriger comme on a l’habitude de le faire au Sénégal. Hélas, il s’est trouvé qu’en Italie, on n’a pas le droit de frapper son enfant sinon nous risquons de le perdre au profit des assistants sociaux qui, dans leurs rôles, n’encouragent nos enfants que dans la voie de la perdition car n’ayant aucun repère ni de parents pour les remettre dans le droit chemin”.
Que fait-on des sentiments, quand on sépare les enfants des parents ? Ces derniers ne vont-ils pas souffrir de cette séparation ? Dans la société occidentale où nous vivons, tout autour de nous est réglementé, trié, inspecté. On peut se demander jusqu’où peut aller cette surveillance ; ne va-t-elle pas affecter nos sentiments par la même occasion ? Dans certaines conditions, les êtres humains doivent ravaler leurs sentiments car ils ne sont pas autorisés ou sont « déplacés ».
Quand on retire un enfant à ses parents, pour quelque raison que ce soit, il est permis de penser qu’on leur retire également leur ressenti vis-à-vis de leur désarroi. Lu et entendu dans certains cas où la maman pleure le départ de son enfant : « elle fait sa comédie ! ». De par le fait que la mère est considérée comme « mauvaise », elle n’a plus le droit de ressentir la tristesse de voir son enfant enlevé, car une « mauvaise mère » ne peut avoir de sentiments affectueux vis-à-vis de son enfant et ne peut que feindre d’être touchée, de jouer la comédie pour qu’on s’occupe d’elle et qu’on la plaigne ! La victime, ce n’est pas elle mais l’enfant.
En tant que « mauvaise mère », elle n’a qu’à se taire car elle n’a pas le droit d’être malheureuse ! La séparation est toujours douloureuse pour tous les concernés, qu’ils le montrent ou non. Prenons le cas d’une maman « courageuse » qui, devant son enfant et l’assistante sociale qui le lui enlève, garde ses larmes enfouies, ne montre pas sa détresse et attend d’être seule pour s’effondrer.
D’elle, on dira qu’elle s’en moque, que pour elle l’enfant n’est pas important et qu’elle n’a pas de cœur ! Montrez votre douleur et on vous accusera de faire du cinéma. Cachez votre douleur et on dira de vous que vous êtes un être sans cœur, inhumain ! Quelle alternative reste-t-il pour « se faire bien voir » de l’assistante sociale, quelle attitude adopter pour ne pas passer pour une comédienne ou pour une personne barbare ?
Lorsque les problèmes surgissent, il semble y avoir un raz-de-marée sur les sentiments que les gens éprouvent. Ces conséquences regrettables découlant de la migration des enfants poussent aujourd’hui bon nombre d’observateurs à se poser la question : Est-il aujourd’hui indiqué d’amener son enfant en Occident ? Le débat reste ouvert.