Après 20 ans de guerre en Afghanistan, les soldats américains rentrent chez eux. Un départ qui commence ce samedi, et qui doit se poursuivre jusqu’au 11 septembre. Les troupes de l’Otan, qui se sont calées sur le calendrier américain, ont commencé leur retrait ce jeudi.
Deux mille cinq cents soldats américains doivent quitter l’Afghanistan, s’y ajoutent 16 000 sous-traitants civils et leur équipement, ainsi que 7 000 soldats de l’Otan, tous dépendent de l’armée américaine pour le transport de troupes et de matériel.
Parmi les 36 pays qui participent à cette alliance, les plus engagés, outre les Américains, sont l’Allemagne – 1 300 soldats, l’Italie (un peu moins de 900), le Royaume-Uni (750) et la Turquie (600).
Ce retrait, a précisé la Maison Blanche, s’accompagne d’un déploiement provisoire de renforts, en Afghanistan et dans les pays alentours, pour raisons de sécurité. Depuis l’annonce du départ des troupes étrangères, les talibans multiplient déjà les attaques contre les policiers et militaires afghans : plus d’une centaine ont été tués ces deux dernières semaines.
Ce vendredi, au moins 21 personnes ont été tuées et 90 blessées dans l’explosion d’une voiture piégée à Pul-e-Alam, la capitale de la province de Logar (est). L’attentat a pris pour cible une maison d’hôtes où vivaient des dizaines de personnes.
Depuis 2015, les forces de l’Otan formaient les forces de sécurité afghane pour assurer la sécurité dans le pays après le départ des alliés. Mais à l’heure où cette mission « Resolute support » s’achève, le chef du commandement central de l’armée américaine, le général McKenzie, s’est dit inquiet de la capacité de l’armée afghane à remplir cette mission, sans le renseignement et le soutien armé que lui fournissait également depuis des années la coalition, et qui lui donnait un avantage certain sur les talibans.
Le départ des forces de l’Alliance pourrait plonger l’Afghanistan dans une nouvelle guerre civile ou permettre le retour au pouvoir des talibans, qui en avaient été chassés fin 2001.
Les talibans ont posé un nœud coulant qu’ils vont resserrer petit à petit et lorsque le dernier soldat américain et les forces de l’Otan auront quitté l’Afghanistan en septembre, début octobre, je donne quelques semaines maximum à l’existence de ce gouvernement […] Le gouvernement de Kaboul n’est pas couvert comme l’a été celui de Najiboullah au départ des Soviétiques.
Jean-Charles Jauffret, professeur émérite d’histoire contemporaine à Sciences Po Aix
La population afghane accuse le coup
Le retrait définitif des troupes étrangères qui a commencé est incompris par une grande partie de la population afghane, surtout dans les grandes villes comme Kaboul, rapporte notre correspondante sur place, Sonia Ghezali.
Mohammad Azim est fleuriste dans la capitale, il a perdu son commerce il y a plusieurs années faute de clients. « Leur retrait est une très mauvaise chose, estime-t-il. Ils devraient envisager de partir quand les gens se sentiront en sécurité. Il faudrait qu’au moins la population se sentent un minimum rassurée. »
Dans le centre de Kaboul, Torpikay fait du lèche-vitrines accompagnée de ses deux filles. Elle craint que le retrait des troupes étrangères ne facilite le retour au pouvoir des talibans dont elle a connu le régime autoritaire.
« La situation des femmes était très mauvaise à cette époque, explque-t-elle. Nous n’avions aucun droit. On ne pouvait sortir de chez nous que si nous étions accompagnées d’un homme. Les choses ont changé. Aujourd’hui nous pouvons sortir quand nous voulons. Je n’ai pas à attendre que mon mari sorte du travail pour aller chez le médecin, acheter des médicaments, faire du shopping. Je peux aller avec mes filles. Nous sommes libres. Ça ne pose aucun problème. »
Un retour des talibans ? Sa fille Mina qui travaille à la direction de l’aviation civile n’y croit pas un seul instant. « Impossible, dit-elle. Les jeunes ne veulent pas retourner aux heures sombres de notre passé parce que nous avons étudié et nous voulons naturellement travailler et être libres. Il y a plus important que le départ des troupes étrangères. Ce qui compte c’est notre sérurité et de pouvoir travailler. »
Mina veut croire que rien ne changera dans sa vie. À ses côtés, sa mère la regarde silencieuse avant de lâcher : « Je ne suis pas aussi optimiste sachant de quoi sont capable les talibans. »