C’est déjà assez répété et ressassé. La désintégration et la désagrégation de l’Etat libyen, après l’intervention française, ont donné un arc de crise régionale et causé des systèmes de conflits dans toute la bande sahélo-saharienne. La situation au Mali était considérée comme le summum des conséquences de ce qui s’était passé en Libye. Mais c’était sans compter, sur la déliquescence de l’Etat Libyen, avec la dernière séquence de la «mort au front» du Président tchadien, le Maréchal Idriss Deby Itno. Le Tchad qui est contigu à la Libye partage avec ce pays de par la géographie une grande frontière et aussi une histoire tumultueuse et souvent fâcheuse. Le défunt président tchadien, Idriss Deby Itno, même si sur le plan de la démocratie et du respect des droits de l’Homme n’était pas un exemple, a su compenser cela par sa légitimé de vrai chef de guerre au parcours valeureux et au palmarès glorieux.
Dans sa trajectoire militaire, il a vaincu toutes les menaces sécuritaires provenant des pays voisins comme la Libye et le Soudan. Si cette colonne rebelle venue de la Libye a mis fin à son épopée, c’est que la donne a changé dans ce pays. La Libye est devenue ce qui est appelé dans le vocabulaire des organisations internationales, surtout américaines, un «failed state» ou Etat failli. Un concept développé et déroulé par les chercheurs en sciences politiques anglo-saxons qui le définissent comme des Etats qui s’avèrent incapables d’exercer les missions qui sont les siennes, tant dans les domaines régaliens (contrôle du territoire, sécurité des biens et des personnes, exercice de la justice), que dans ceux de la délivrance des servies économiques et sociaux à la population.
La Somalie est ainsi donnée comme l’exemple typique d’un «failed state». C’est ainsi que la Libye, au delà d’être un mouroir des migrants engloutis par le ventre de la Méditerranée, est aussi une passoire pour des brigands qui sous le couvert du terrorisme djihadiste ont créé l’actuelle situation sécuritaire dans le Sahel. Le fait que cette énième rébellion qui a attaqué le Tchad soit plus et mieux armée que les précédentes résulte de la circulation facile des armes en Libye et la dimension qu’a atteint la crise dans ce pays avec différents groupes belligérants aiguillonnés et conditionnés par de grands pays. Puissances occidentales et orientales ont ainsi exporté leurs confrontations et contradictions dans l’espace libyen, faisant que ce conflit a pu atteindre de telles proportions jusqu’à déborder dans les espaces contigus comme le Tchad et peut-être demain la Tunisie ou l’Egypte qui sont frontalières à la Libye à l’Est et à l’Ouest.
STABILITÉ ET SÉCURITÉ. Comme nous l’avons écrit auparavant dans cette chronique, la faillite de l’Union africaine dans la résolution de la crise libyenne a donné tous ces résultats. Au lieu de faire montre d’un vrai leadership, l’Union africaine a laissé l’initiative aux capitales occidentales et orientales de dicter leurs volontés guidées par leurs intérêts dans ce dossier. Un exemple frappant et flagrant de l’éloignement de l’Union africaine du credo de «solutions africaines aux crises africaines». Il s’agira pour l’Union africaine et pour les institutions sous-régionales d’éviter au Tchad le scénario libyen. Toute déstabilisation du Tchad, un «swing state» (Etat pivot) dans la lutte contre le terrorisme djihadiste, aura des conséquences incalculables et irréparables dans tout l’espace sahélien. La stabilité et la sécurité du Tchad reposent sur des équilibres précaires liés aux limites de l’Etat post-colonial africain avec un tissu social dont le recollage n’est toujours pas abouti et marqué par des mosaïques ethniques, claniques et antagoniques. Le Tchad n’y échappe pas, surtout avec ce que l’universitaire française Marielle Debos qualifie de métiers des armes dans ce pays. Auteure de l’ouvrage, «Le Métier des armes au Tchad» publié aux éditions Karthala en 2013, Marielle Debos expliquait que le Tchad «est le pays des guerres sans fin et aussi des guerres fraternelles». C’est dire que la stabilité et la sécurité dans l’espace sahélien pourraient dépendre grandement de la fragilité ou de la solidité du Tchad…