Durant ce mois de Ramadan, beaucoup de jeunes s’investissent dans le social pour jouer leur partition. C’est le cas à Grand Yoff où de nombreux jeunes s’adonnent à la distribution gratuite du café, aux heures de rupture du jeûne, comme presque partout Dakar. Mais aussi un phénomène qui a attiré notre attention. Il s’agit des jeunes du quartier qui s’organisent pour réveiller les habitants pour le repas de l’aube appelé «kheud». Sud Quotidien a suivi une des équipes de ces jeunes de ce quartier pour mieux comprendre.
GRAND YOFF – FAIRE LE TOUR DE QUARTIERS POUR REVEILLER LES JEUNEURS, A L’AUBE La trouvaille de jeunes pour que personne ne rate le «kheud»
Il est 3 heures 50 minutes du matin, la nuit du mardi 20 au mercredi 21 avril à Scat-Urbam sis à Grand Yoff. Un groupe de jeunes s’organise devant l’école Kocc Barma. Comme toutes les nuits, depuis le début du mois béni de Ramadan, c’est le même rituel. Baba Maal Sow et ses amis se préparent pour un long périple.
Il s’agit de faire le tour du quartier pour réveiller les habitants notamment les musulmans jeûneurs afin qu’ils puissent prendre leur repas de l’aube, communément appelé «kheud», essentiel pour entamer une journée de jeûne durant le mois de Ramadan.
A côté des alarmes des téléphones et appels des muezzins pour l’ultime repas avant l’entame du jeûne, qui des fois sont imperceptibles pour quelqu’un qui est plongé dans un sommeil profond ou à cause de la fatigue, il y a les chants et sifflets de ces jeunes déterminées qui retentissent dans les oreilles des abonnés au «kheud», au rythme de : «Jog leen waaj ! Waaj jotna ! Jog leen waajal waxtubii !» («Réveillez-vous ! C’est l’heure de se préparer – pour le démarrage du jeûne-»), entonnent-ils. «Qui dit Ramadan, dit solidarité et partage. Cela fait huit ans que je participe à cette opération. Nous l’avons hérité de nos ainés qui le faisaient. Maintenant, ils n’ont plus le temps et nous avons pris le relais, pour la continuité. Nous démarrons à 4h, ici à Scat-Urbam, puis nous passons par Arafat et HLM Grand Yoff, avant de revenir sur Scat-Urbam», explique Baba Maal.
Dans leur mode opératoire, il «s’arment» d’un mégaphone et d’un sifflet, pour bien accrocher leurs cibles. «Nous n’avons que notre mégaphone et également un sifflet. Il n’y a pas de musique, que des «zikrs ou «zikroullahi» (chants religieux, ndlr) ; que des chansons dédiés à Allah», tient à préciser Baba Maal Sow. Pendant de longues minutes, partout où le cortège passe, ce sont les mêmes gestes. Un appel donc reçu 5/5. En atteste, nous apercevons des lampes qui s’allument dans les maisons dans chaque coin ou zone où ces «volontaires» passent, ce qui témoigne que les occupant sont bien réveillés.
Mieux, les plus perspicaces pour le «kheud» sortent des maisons pour profiter des derniers instants. Ils se ruent vers les boutiques et boulangeries déjà ouvertes. Une opération qui se termine à 5h, un peu avant l’- heure de la «sala’at», le dernier appel à la prière du petit matin, qui marque le début du jeûne.
Ibrahima Diémé dit «Tonton Vieux», âgé d’une soixantaine d’année, loue le travail des jeunes durant ce mois béni. «Ce que les jeunes du quartier font, surtout en plein mois de Carême, c’est très bien indiqué, quand on sait que nous ne jouissons pas par exemple tous des mêmes privilèges. Parce qu’il y a certains qui ont des portables, ils peuvent régler leur réveil pour 4h du matin. Mais si les jeunes s’organisent et dans un premier temps sensibilisent les autres et surtout à une heure indiquée, essayent de réveiller tout le monde pour que chacun puisse prendre son repas du petit matin, je crois que c’est très bien. C’est vraiment salutaire.
Le jour de la Korité, fête religieuse marquant la fin du Ramadan, explique notre interlocuteur, «nous faisons notre dernier tour, en allant dans les maisons, pour saluer les habitants et demander pardon pour d’éventuels désagréments. Ils sont vraiment reconnaissants. On nous donne beaucoup de choses en guise de reconnaissance, même si nous faisons ce geste gratuitement. On nous donne de l’argent, on nous serre aussi du «laah» (une bouillie concentrée à base de mil ou de maïs, ndlr) et beaucoup de choses», confie Baba Maal Sow.
DISTRIBUTION GRATUITE DU CAFETOUBA A GRAND YOFF-ARAFAT : Illustration d’un dialogue islamo-chrétien
Toujours dans le quartier de Grand Yoff précisément à Arafat, en cette période de Ramadan, les actes de bienfaisances sont multiples. C’est le cas par exemple de volontaires qui s’activent dans la distribution gratuite du café Touba, à l’approche de l’heure de la rupture du jeûne. Sans distinction d’appartenance religieuse ou confrérique, tous, comme un seul homme, mettent la main à la patte pour donner à boire (du café chaud) aux jeuneurs le soir, surtout ceux que l’heure de la rupture trouve loin de chez eux, en plus des voisins. Une illustration parfaite d’un dialogue islamo-chrétien, Jérôme Dacosta, un jeune habitant du quartier, est l’un des tout premiers initiateurs de la distribution du café pendant le Ramadan. «C’est un geste magnifique. Voyant ce qui se fait dans les autres quartiers pendant cette période de Ramadan, nous aussi, nous nous sommes dit pourquoi ne pas faire cela dans notre quartier. Vous voyez, beaucoup de personnes dans le quartier font la rupture ici. Nous remercions aussi les habitants, parce que c’est eux qui nous donnent de l’argent pour pouvoir préparer le café et le distribuer», explique-t-il. Des gestes hautement appréciés par les habitants du quartier. Et Ibrahima Diémé dit «Tonton Vieux», âgé d’une soixantaine d’année, de témoigner que parallèlement à ceux qui réveillent les habitants au petit matin pourleur permettre de prendre leur «kheud, la distribution gratuite du café Touba est salutaire. «Il y a des gens qui sont obligés de marcher pour regagner leur domicile et avec les jeunes qui organisent des pots de café, un peut partout, je crois que c’est une façon de cultiver le social. Que Dieu accorde toute la bénédiction à ses jeunes», prie Ibrahima Diémé dit «Tonton Vieux»