Il y a dix ans, le peuple syrien se soulevait contre Bachar el-Assad. Aujourd’hui, l’homme est toujours au pouvoir et plus de six millions de personnes ont été déplacées tandis que plus de cinq millions ont trouvé refuge dans des pays voisins. À l’heure d’une future reconstruction, qui n’est pour le moment pas financée par la communauté internationale, se pose aussi le problème de l’usage sans précédent des explosifs pendant la guerre civile.
Selon Handicap International, 11,5 millions de Syriens, soit une majeure partie de la population, sont aujourd’hui exposés à des risques liés aux restes explosifs. L’ampleur et la diversité des armes posent un problème quotidien. « On a eu trois grands types d’armes, comme par exemple les bombes-barils qui sont constituées d’explosifs, de gaz, de combustible et de ferraille, détaille Lucile Papon, directrice régionale de Handicap International pour les programmes Moyen-Orient de 2016 à 2020. Quand ces bombes sont tombées, déjà elles ont eu un périmètre de destruction extrêmement étendu, et surtout il y a toute une série de ces éléments qui sont restés et qui restent dangereux au quotidien pour les enfants, pour les populations qui y vivent. Vous avez aussi toute une série d’engins qui n’ont pas explosé : des mortiers, des roquettes, etc. Ça, c’est plutôt les armes, on va dire « majeures ». Puis ensuite, vous avez tout ce qu’on appelle les explosifs fabriqués de manière artisanale qui se situent dans toute une série de bâtiments, détruits ou pas, sur des routes… Donc, il y a vraiment une complexité pour les personnes qui travailleront à la reconstruction et au nettoyage, une complexité majeure. Vraiment un travail qu’on estime à plusieurs années pour nettoyer et rendre les espaces sécurisés pour pouvoir y revivre. »
L’ONG estime entre 10 et 30% le taux d’échec d’explosion de tous les explosifs utilisés au cours du conflit. Et il faut imaginer des mètres cubes à nettoyer plutôt que des mètres carrés, tant il y a de gravas à déblayer.
Moins de 50% des hôpitaux en état de marche
Par ailleurs, cette présence d’explosifs empêche la reconstruction des infrastructures qui ont été massivement détruites, explique Lucile Papon. « Il n’y a pas que les structures de type usines, ponts, systèmes d’accès à l’eau ou à l’électricité qui ont été détruites. On sait que la majorité des hôpitaux, des écoles, ont beaucoup subi tous ces bombardements. Ainsi que des logements. On estime par exemple aujourd’hui à moins de 50% des hôpitaux et des centres de santé en Syrie qui sont capables de fonctionner. Et c’est cela qui fait qu’aujourd’hui, c’est extrêmement difficile pour les réfugiés syriens à l’extérieur du pays ou pour les personnes déplacées d’imaginer un retour. Donc, on est vraiment sur une logique de reconstruction lorsque cela sera possible en termes de sécurité, d’accès, etc., qui va toucher tout type d’infrastructures de la vie quotidienne. »
RFI