Leurs pépiements enchantent nos promenades en forêt, ils accompagnent nos moments de détente dans les jardins. Dans leur livre Petite Philosophie des oiseaux (La Martinière), Philippe J.Dubois, ornithologue et écrivain, et Elise Rousseau, journaliste diplômée en philosophie, nous encouragent à nous inspirer des tourterelles, des pinsons ou des poules, pour vivre mieux, plus simplement, et en accord avec la nature.
1 Etre gai comme un pinson
Ils sautillent, pépient, comme si chaque seconde d’existence les comblait. Leur façon d’être constitue-t-elle en elle-même une philosophie de vie ? Si les oiseaux sont des philosophes, ils ne sont pas comme les ascétiques stoïciens de la Grèce ancienne, qui s’habituaient à l’idée que l’existence est une vallée de larmes, déterminée par un destin implacable, en s’obligeant à des exercices contraignants.
On verra bien, semblent-ils nous dire… Les oiseaux ne nous enseignent ni la vertu, la retenue, ni toutes les passions tristes (le regret, le remords, la jalousie, l’envie, la tristesse). Ils sont des philosophes de la joie et de la légèreté. « Ancrés dans leur spontanéité, ils n’ont que faire de rester maîtres d’eux-mêmes et de renoncer au désir. Les oiseaux ne se posent pas la question du bonheur, ils le vivent. Savoir ne pas s’en faire, n’est-ce pas là le début du bonheur ? », interrogent Philippe Dubois et Elise Rousseau, auteurs de Petite Philosophie des oiseaux (La Martinière). https://www.ultimedia.com/deliver/generic/iframe/mdtk/01456530/zone/1/showtitle/1/src/zqsklv
2 Réaliser que le pouvoir ne fait pas le bonheur
Nous avons tendance à nous imaginer que rien n’est meilleur que le pouvoir, que notre satisfaction passe par la domination et que les rapports hiérarchiques sont la seule façon de constituer un groupe. Certains oiseaux sont du même avis : les corbeaux et les vautours en particulier. Au moment des repas, les individus dominants se poussent, protestent pour être les premiers. Mais ce sont les « moins dominants » ou « pas dominants » qui se régaleront le plus, avec les restes qu’ils auront tout le temps de savourer.
Chez les poules, les sans-grades ont droit aux meilleurs morceaux. Les dominantes sont trop occupées à faire les importantes. Quand elles courent vers les nourritures, c’est trop tard. Il ne reste presque plus rien. Tant d’énergie perdue à se hisser au sommet, à conserver le pouvoir…
Quand il s’agit d’amour, pendant que les belliqueux se battent pour les femelles, ce sont généralement les seconds rôles, paisibles, qui séduisent les belles. A trop jouer du bec, on oublie les plaisirs. Et, dans toutes les espèces, les chefs ne restent pas en place leur vie durant, un autre plus jeune, plus costaud, les remplacera un jour ou l’autre.about:blank
3 Accepter les moments de fragilité
Une existence n’est jamais linéaire. Joies et peines, deuils et renaissances, alternent. La vie nous comble de cadeaux, puis nous les reprend. Les oiseaux connaissent aussi ces oscillations. Quand ils muent, qu’ils perdent leur plumage, qui fait leur beauté au temps des amours, ils connaissent un moment de passage à vide. Une transition nécessaire, analogue à ces périodes de creux que nous connaissons, le temps de rebondir après un chagrin d’amour, d’opérer une reconversion professionnelle, un changement de lieu. « Il faut savoir laisser mourir quelque chose en soi pour renaître. Notre incapacité à nous détacher du passé, à muer, nous empêche trop souvent d’avancer », conseillent les auteurs.
Parfois, la mue est un moment où les oiseaux sont interdits de vol. C’est le cas chez certains canards, en plumage transitoire. Ils se sentant fragiles, ils se font discrets, renoncent à tout ce qui est important dans une existence d’oiseau.
Accepter ce temps de suspens où il est plus productif de ne pas l’être, paradoxalement, nous semble souvent trop compliqué. Nous préférons continuer le show, dénier le changement, surtout s’il s’agit d’une perte. Nous devrions prendre un peu de cette patience, savoir revenir vers nous, en nous, le temps de nous reconstruire.
4 Aimer comme un oiseau
A la saison des amours, les canards colverts ressemblent aux vilains machos de l’espèce humaine quand ils se mettent en tête d’avoir une fille à tout prix. Il arrive que la femelle meure noyée sous l’assaut des mâles. Les étreintes trop passionnelles finissent mal chez les oiseaux aussi. Les humains s’en méfient pour des raisons morales, tandis qu’ils privilégient les amours raisonnables pour des questions de survie.
La plupart des oiseaux sont de grands romantiques. L’hirondelle de mer séduit patiemment son élue en la comblant de cadeaux : de jolis petits poissons. C’est aussi une façon de lui prouver qu’il n’est pas un incapable et qu’il saura nourrir sa famille. Le manchot papou d’Antarctique va ramasser des cailloux qu’il dépose tendrement aux pieds de sa chérie, pour qui ils symbolisent des pierres précieuses qu’elle défendra jalousement si un intrus tente de s’en emparer. Les oiseaux tendres et patients en amour sont aussi ceux qui s’entraident dans l’éducation des jeunes et qui réussissent le mieux à sauver leur progéniture des prédateurs. Les plus grandes spécialistes de l’entraide et du partage des tâches ménagères sont les tourterelles. Le mâle ramasse les matériaux qui composeront le nid, la femelle les assemble. Pour la couvaison, les partenaires se relaient nuit et jour pour réchauffer leurs œufs. Les jeunes nés, les deux parents les nourriront jusqu’à ce qu’ils sachent voler. Sans cette solidarité, les fragiles tourterelles auraient disparu de la surface de la terre.
5 Se reconnecter aux beautés de la nature
Nous ne savons même plus le temps qu’il fait, nous ne pensons plus à regarder le ciel, le regard rivé aux écrans. Les oiseaux nous apprennent à nous reconnecter à la nature et aux rythmes naturels qui rendent la vie agréable : un temps pour manger, un temps pour boire, un temps pour dormir, un temps pour aimer, un temps pour éduquer les jeunes. Ces différentes périodes sont fixées par le lever du soleil, son coucher, par la succession des saisons.https://c8fe73f6f8709f3eeebec12e1f9a3154.safeframe.googlesyndication.com/safeframe/1-0-37/html/container.html
Un trou rempli d’eau, voilà qui fait le bonheur des étourneaux qui s’y plongent aussitôt. Les grives sont de bonnes vivantes : elles se gavent, ignorant toute modération, de baies fermentées qui contiennent de l’alcool. Quand leur ennemi, le vent, souffle, les oiseaux se mettent à l’abri. Quand ils calent, ils reprennent leur envol en chantant. Le mauvais temps rend les poules dépressives, un peu comme nous, mais ce n’est peut-être pas l’exemple à suivre.
En tous cas, n’oublions jamais que nous aussi, nous sommes des animaux : aiguisons nos sens, notre vue, notre odorat, pour retrouver les sensations perdues qui guidaient nos premiers ancêtres.