(Agence Ecofin) – A Madagascar, le développement du projet de sables minéraux de Toliara est au ralenti depuis plus d’un an. Alors que le potentiel économique de la future mine a été démontré par différentes études et que les conditions du marché se prêtent à son exploitation, les autorités doivent compter avec les nombreuses manifestations de protestation des populations. Si l’Etat a ordonné depuis fin 2019 la suspension des activités afin de « clarifier les bénéfices apportés par la mine au pays et à la communauté locale », un dénouement est attendu cette année sur ce dossier sensible. Base Resources veut prendre sa décision finale d’investissement d’ici septembre 2021.
Un marché propice
En 2020 avec la pandémie de Covid-19, les chances de survie du marché des sables minéraux lourds étaient minimes. La plupart des prévisions étaient pessimistes au plus fort de la crise sanitaire pour l’ilménite, le rutile ou encore le zircon. Les deux premiers sont les principales sources du titane et du dioxyde de titane. Le dioxyde de titane est utilisé comme pigment dans divers domaines comme la peinture, le papier, l’alimentation, la pharmacie ou les cosmétiques. Quant au titane, par ses propriétés comme la légèreté ou la résistance à la corrosion, il est utilisé dans l’industrie aéronautique et spatiale. Le métal est également utilisé dans l’industrie militaire, notamment pour les blindages, autant que dans le secteur médical avec les prothèses. De son côté, le zircon est utilisé dans les carreaux de céramique, mais aussi dans le secteur de l’automobile et pour la fabrication du verre.
La demande pour les trois minéraux est en hausse.
Pourtant, malgré les sombres prévisions, sur tous ces domaines, le marché a mieux résisté que prévu avec une bonne tendance s’est poursuivie jusqu’aux derniers mois de l’année et devrait continuer en cette nouvelle année.
Pourtant, malgré les sombres prévisions, sur tous ces domaines, le marché a mieux résisté que prévu avec une bonne tendance s’est poursuivie jusqu’aux derniers mois de l’année et devrait continuer en cette nouvelle année.
La demande d’ilménite comme matière première pour les producteurs chinois de pigments a dépassé l’offre tout au long du dernier trimestre, ce qui a entraîné une nouvelle hausse de son prix. Le cours du rutile a baissé au cours du trimestre en raison de l’accumulation de stocks de matières premières de haute qualité au début de 2020, lorsque les producteurs de pigments occidentaux fonctionnaient à bas régime. Alors que la demande de pigments semble avoir repris plus rapidement que prévu, cela devrait avoir une incidence positive sur la demande de rutile et, au minimum, stabiliser les prix du mineral au cours du prochain trimestre et par ricochet améliorer les perspectives au-delà de cette période. Quant au zircon, sa demande s’est améliorée au cours du trimestre, principalement en raison d’une augmentation de la consommation dans le secteur européen de la céramique, avec la sortie progressive de la crise sanitaire.
Le bon moment pour lancer la construction de la mine Toliara
Si les demandes pour ces trois minéraux sont en hausse et que les perspectives sont bonnes, il faudra que l’offre augmente sur le marché. Selon les données existantes, la production des exploitations de sables minéraux lourds actuelles reste au mieux stable, mais la plupart commencent à diminuer à mesure que les teneurs des gisements baissent.
Un projet de classe mondiale.
Pour Stephen Hay, analyste du marché chez Base Resources, le propriétaire de Toliara, les sources d’approvisionnement existantes vont se tarir au cours des deux prochaines années alors qu’il n’y a pas de nouveaux projets majeurs en construction. « Il existe un réel potentiel dans les 3 à 4 prochaines années, selon lequel nous pourrions voir des déficits substantiels dans tous les domaines, tant au niveau des minerais de titane que concernant le zircon. Nous pourrions voir les prix monter en flèche au cours de cette période », expliquait-il en octobre dernier pour Stockhead.
Dans un tel contexte, la nécessité du développement de nouveaux projets comme celui de Toliara ne fait plus de doute. Avec des ressources minérales de plus du milliard de tonnes titrant 5,1 % de minéraux lourds uniquement sur son gisement Ranobe, le projet Toliara a tout de la prochaine grande mine d’ilménite, de rutile et de zircon.
Avec des ressources minérales de plus du milliard de tonnes titrant 5,1 % de minéraux lourds uniquement sur son gisement Ranobe, le projet Toliara a tout de la prochaine grande mine d’ilménite, de rutile et de zircon.
Depuis son arrivée à Madagascar en 2017 après un accord de plus de 90 millions $ avec World Titane Holdings pour acquérir le projet Toliara, Base Resources a entrepris plusieurs études pour confirmer le potentiel du projet. En décembre 2019, une étude de faisabilité définitive (DFS) est venue confirmer les premières prévisions quant à l’envergure du projet. Ce dernier pourrait être exploité sur une durée de vie initiale de 33 ans. « Nous sommes ravis que la DFS ait confirmé à nouveau que le projet Toliara est une opportunité de développement de sables minéraux de classe mondiale », commentait Colin Bwye, directeur exécutif des opérations et du développement chez Base.
Toliara devrait produire en moyenne 780 000 t/an d’ilménite, 53 000 t/an de zircon et 7 000 t/an de rutile. Il permettra de générer des revenus annuels de 248,2 millions $, un EBITDA de 164,3 millions $ et des flux de trésorerie disponibles de 132,4 millions $.
Surmonter les différends
Pour Madagascar et la communauté locale, les gains potentiels avec le développement du projet Toliara sont importants. Entre redevances, impôts, créations d’emplois et autres actions communautaires, ce que l’exploitation de la future mine pourrait rapporter à l’île devrait être considérable. Pourtant, la pomme de discorde se trouve bien là. Les différentes manifestations de protestations enregistrées à ce jour contre le développement de Toliara étaient motivées par le fait qu’une partie de la population locale estime que ces bénéfices ne valent pas les problèmes que causera le projet.
Les différentes manifestations de protestations enregistrées à ce jour contre le développement de Toliara étaient motivées par le fait que certains Malgaches trouvent que ces bénéfices ne valent pas les problèmes que causera le projet aux populations locales.
Plusieurs organisations de la société civile, y compris le Collectif Tany, dénoncent des problèmes comme les questions de droits fonciers, ou les impacts sociaux et environnementaux. Ainsi, quand le gouvernement a décidé fin 2019 de suspendre le projet « pour clarifier les bénéfices apportés par la mine au pays et à la communauté locale », les détracteurs du projet ont pris l’annonce comme une première victoire.
Des populations locales s’opposent au projet.
« Les voix des communautés concernées et de la société civile semblent avoir enfin été entendues par les autorités et l’espoir renaît de les voir donner la priorité au respect des droits fondamentaux de ces communautés sur les intérêts privés de la compagnie minière », a déclaré le Collectif Tany.
Aujourd’hui néanmoins, après plus d’une année de suspension, il semble peu probable que le développement du projet soit définitivement bloqué par Antananarivo. Base Resources a publié plusieurs communiqués indiquant que les discussions avec le gouvernement malgache évoluent bien et l’entreprise espère même parvenir à un terrain d’entente dans les prochaines semaines afin d’être en mesure de prendre sa décision finale d’investissement à partir de septembre 2021.
Toutes les parties prenantes du projet sont-elles impliquées dans ces discussions ? Le terrain d’entente qui sera trouvé va-t-il satisfaire tout le monde, notamment les détracteurs du projet ? La construction du projet Toliara va-t-elle commencer sans embûches ? Voilà autant de questions qui trouveront sans doute réponse cette année.
Louis-Nino Kansoun