L’Inde est avec la Chine le pays où le ratio de genre est le plus inégal du monde. Il nait ces dernières années beaucoup moins de filles que de garçons, à cause de la pratique répandue de l’avortement des fœtus féminins. Cependant, le gouvernement annonce que cette tendance s’améliore depuis six ans.PUBLICITÉ
De notre correspondant à New Delhi,(RFI)
934 filles sont nées pour 1 000 garçons l’année dernière, contre 911 il y a six ans. C’est donc une augmentation de près de 2%. Une amélioration importante, si l’on en croit les chiffres issus d’un rapport du gouvernement.
Ce dernier affirme que ces progrès ont été obtenus grâce à son programme spécifique de la protection et de l’éducation des jeunes filles, lancé en 2015 dans la moitié nord de l’Inde. Dans cette région très patriarcale, les familles préfèrent avorter de fœtus féminins pour ne pas avoir à élever une fille, et payer sa dot quand elle se mariera.
Une situation contrastée selon les États
Pour contrer ces préjugés, les autorités d’abord ont mené une campagne de communication puis elles ont établi un contrôle plus strict des cliniques qui réalisent les échographies des femmes enceintes, ceci afin que les médecins ne révèlent pas le genre du fœtus aux familles. Et cela semble fonctionner, car dans la majorité des districts où ce programme est en place, il y a eu plus de naissances de filles.
Mais la bataille est loin d’être gagnée, car des États entiers, souvent non touchés par ce programme, continuent à voir le ratio de genre chuter : l’Himachal Pradesh, par exemple, un État des montagnes du nord de l’Inde, a vu le ratio de genre chuter de 62 points en 5 ans : l’année dernière, il n’est né que 875 filles pour 1000 garçons.
De même pour le Maharashtra, l’état où se trouve Bombay, qui a vu cette situation empirer. On se rend compte que les progrès annoncés sont fragiles, surtout que, comme les travailleurs sociaux le disent, les familles du nord de l’Inde n’ont pas changé leurs mentalités – elles continuent à tout faire pour avoir un garçon plutôt qu’une fille. Du reste, cette pratique se développe aussi dans le reste du pays.
Des régressions avec la pandémie
La pandémie a également rendu la vie des jeunes filles plus difficile. La plupart des écoles sont toujours fermées en inde, à cause de la peur de la contagion au Covid-19. Et les cours sont donc menés en ligne, ce qui est précaire, car la plupart des familles n’ont qu’un ordinateur ou smartphone et vont le donner à leur garçon plutôt qu’à leur fille.
Cela a des conséquences, explique Dr. Ranjana Kumari, militante féministe à la tête du Center for Social Research, à New Delhi : « Beaucoup de filles n’ont pas eu accès à la technologie pour suivre les cours, donc elles ont abandonné l’école, et ont été mariées par leurs parents. Et nous avons constaté cette année une augmentation des mariages de mineurs. »
La pandémie a détourné l’attention des autorités de ces problèmes – les travailleurs sociaux réclament donc que le gouvernement intègre la dimension de genre dans la lutte contre le Covid-19, pour ne pas ajouter des problèmes sociaux à cette crise sanitaire.