« Mon handicap, c’est d’être née femme ». Cette confidence de Fatou sonne comme un coup de massue dans une société ultra sexiste où la femme est souvent vue comme inférieure à l’homme. Considérée comme étant le sexe faible, elle est prise dans les entreprises comme un objet, pire une marionnette qu’il faudra manipuler selon le bon vouloir de son semblable mâle. Épiée, scrutée, le moindre de ses mouvements est pris comme une invite à la provocation. Souvent complimenté pour sa mise ou son physique, le discours de ces hommes peut parfois être perçant. Des regards persistants au bureau qui vous déshabillent et vous déstabilisent. Un harcèlement d’un autre genre qui vous persécute et vous plonge dans un mal être frustrant.
Ce harcèlement psychologique, verbal ou physique on peut le retrouver aussi bien dans l’entreprise qu’à l’école.
Des gestes inappropriés, des paroles déplacées, des comportements douteux, une attitude répétée ou systématique qui dégrade les bonnes modalités de l’environnement du travail et de ses conditions de vie. Cette situation peut avoir de graves répercussions sur la santé mentale et physique de la personne harcelée. Concrètement, le talonnement moral dans le milieu professionnel peut se manifester par toute conduite abusive au travail fait par une ou des personnes, mais pour être constitué, il doit y avoir une relation de travail, en effet le délit de harcèlement moral nécessite pour être constitué l’existence d’une relation de travail entre le « harceleur » et la victime.
Sifflements, interpellations, commentaires sexistes, attouchements… Le mode d’emploi du « Bourreau »
Une jeune fille victime de ces agressions sexuelles voulant garder l’anonymat témoigne et estime que nul ne peut échapper à ce genre d’homme, qui suscite en vous la peur mais vole sans le savoir toute confiance en vous. Dans son récit elle révèle avoir démissionné et avoue que cet épisode l’a vraiment traumatisée. « Je travaillais dans une boite de la place et tout allait pour le mieux, du moins c’est ce que je pensais jusqu’au jour où je me suis rendue compte que je m’étais introduite dans l’antre du loup. » Notre interlocutrice souffle et poursuit : « je pensais qu’il était juste avenant et qu’il se souciait de moi par rapport à mon intégration et en un battement de cil je suis passée de chouchou du directeur à la fille timide qui n’osait plus parler. Au début c’était des clins d’œil mais je n’ai pas voulu paraître paranoïaque ensuite les regards profonds que je prenais toujours comme des compliments du fait de son âge avancé. Le déclic de la confirmation a sonné comme un électrochoc pour moi. Ce que je refusais d’admettre se révélait à moi comme une évidence, je le fuyais et ça le tentait de plus en plus c’était un prédateur et le destin l’avait mis dans le même ascenseur que sa proie. Il a touché mon postérieur et c’était le début de mon calvaire car je n’ai pipé mot. Je n’étais pas consentante mais je me suis tue car je ne savais pas quoi dire ni comment réagir, j’étais sous le choc. Ne sachant plus comment réagir face à ce pervers qui n’avait pas l’intention de s’arrêter un jour, j’ai décidé de mettre fin à mon calvaire en rendant ma démission. Je n’avais plus le choix ».
Le voile a changé ma vie du tout au tout. Je m’en sers aujourd’hui comme bouclier…
À l’opposé de notre première interlocutrice, la seconde ne démissionnera pas mais trouvera une autre solution. Elle s’est confiée à Dakaractu, mais a elle aussi voulu garder l’anonymat. C’est une jeune dame, mariée et maman de trois petits bouts. Elle confesse avoir laissé faire par peur de ne pas être entendue, son agresseur étant une personne très influente.
« J’avais peur d’en parler à mes collègues ou même autour de moi, mon bourreau était un homme très influent. Je n’aurai jamais cru qu’un monsieur avec une telle prestance pourrait avoir un tel comportement. Je le pensais responsable et avant de connaître son vice le plus sombre, j’aurais pu lui confier mes enfants ».
Se couvrir le corps et la moitié du visage, c’était la solution idéale selon elle. D’une pierre deux coups, elle garde son travail et ne se fait plus dévisager. Ne voyant plus une once de rondeurs et ne sentant, ne serait-ce, qu’un soupçon de parfum féminin attrayant, son agresseur a fini par la laisser.
Elle se dit désormais tranquille. Elle a changé sa garde-robe, sa perception du monde et sa vie a changé du tout au tout.
Mais serait-ce la solution pour toutes ces filles ? Le harceleur rejette toujours la faute sur sa victime. C’est elle qui m’a provoqué. En quoi faisant?, eh bien elle porte des habits sexy. N’a-t-on plus le droit de porter des habits sexy ? S’interrogea Kiné. « Une fille quand elle dit non, c’est non même si elle est nue. On a le droit de disposer de notre corps comme on veut. Ce qu’il y a, c’est que les hommes sont trop faibles, ils prennent une toute petite attention de notre part comme une invitation. »
Le harcèlement au bureau ou à l’école chacun l’analyse à sa façon. Qui a tort ? Qui a raison ? Ce n’est pas là le débat tranche Moussa. « Entre personnes adultes il ne doit pas y avoir de harcèlement. Si elles sont consentantes tant mieux mais si l’une des parties refuse les avances de l’autre et si l’autre insiste quand même là il y’a problème. Et je vous dis aussi que les harceleurs sont des deux côtés. Il ya des hommes qui harcèlent comme il y’a des femmes qui harcèlent c‘est vice versa !
Focus sur l’avis d’un professionnel : « Le harcèlement est souvent sexiste ou misogyne ».
L’analyse d’un sociologue permet à Dakaractu d’apporter des éclaircissements sur ce phénomène tout en le décloisonnant de l’emprise des approches psychologiques et médicales dominantes sur ce terrain. Une emprise qui tend à focaliser l’attention sur les dites « techniques » de harcèlement et leurs conséquences pour la santé des personnes visées, ce que l’on retrouve également dans la définition adoptée par le parlement.
Or, les « techniques » de harcèlement sont des actes perpétrés à l’encontre d’une ou plusieurs personnes, dont la quantité et la fréquence déterminent le harcèlement moral. Il s’agit par exemple du refus de toute communication verbale, de faire corriger des fautes inexistantes, de donner des consignes contradictoires, de priver quelqu’un de matériel ou d’informations indispensables à l’accomplissement de ses tâches, de fixer des objectifs irréalistes, ou encore de ne pas tenir des promesses de promotion.
Selon la sociologue, deux approches théoriques sont généralement retenues pour comprendre et expliquer le harcèlement sexuel : l’approche féministe comme telle et l’approche féministe organisationnelle. L’approche féministe apparaît le plus souvent dans les ouvrages qui associent le harcèlement sexuel à l’idéologie patriarcale, à une construction sociale du pouvoir, c’est-à-dire à une forme de violence continue exercée contre les femmes dans leur vie professionnelle et personnelle. Bien que nécessaire, cette approche reste néanmoins trop vague pour être appliquée directement au phénomène du harcèlement en milieu de travail typiquement masculin.
L’approche féministe organisationnelle s’inscrit dans le champ féministe, mais permet de préciser les enjeux en intégrant dans l’analyse à la fois les rapports de sexe et de pouvoir et le contexte organisationnel de l’entreprise. Elle est plus spécifique à l’étude des milieux de travail. L’interlocutrice de Dakaractu introduit à cet effet en guise d’exemple, le modèle développé par Sev’er (1999) dans lequel le harcèlement sexuel est perçu comme une responsabilité sociale qui renvoie à la structure sexuée de la gestion organisationnelle. Par exemple, en ce qui concerne la distribution sexuée du pouvoir hiérarchique, la composition de la main-d’œuvre et sa répartition hommes-femmes en milieu de travail.
Le Dr Seck nous apprend que, selon Sev’er, ce sont les structures verticales de pouvoir qui contribuent aux incidents de harcèlement sexuel. Et puisque les femmes sont toujours au bas de l’échelle, elles sont plus susceptibles d’en être victimes.
En être témoin est une chose, le vivre, en est une autre ; le harcèlement sexuel sous toutes ses formes conduit généralement au manque de confiance en soi, à l’insociabilité, à la peur constante, à la nervosité, à la paranoïa et même au suicide qui est perçu comme une tentative déréalisée de se libérer de son persécuteur et d’accéder à une forme de sérénité psychique. En définitive, une issue radicale pour les harcelés de mettre fin à leur supplice
Selon le rapport de l’OMS de l’année 2019, 40 personnes mettent fin à leur jour chaque minute