Entre «mauvaise interprétation» des textes de loi et l’inadéquation des décisions prises dans le cadre de l’état d’urgence, le politique supplante le juridique dans les sorties publiques d’Antoine Félix Abdoulaye Diome. Nommé ministre de l’Intérieur, le 1er novembre 2020, le magistrat est en passe de perdre «la rigueur et l’éloquence» qu’on lui connaissait dans les Cours et Tribunaux.
Devant le prétoire de la salle 4 du Palais de Justice de Dakar et celui de la Cour suprême, on a connu un Antoine Félix Abdoulaye Diome attentionné et à cheval sur les textes et règlements juridiques. Un agent judiciaire de l’Etat éloquent qui savait déjouer les pièges des avocats de la défense dans les dossiers Khalifa Sall et Karim Wade, Antoine Félix Abdoulaye Diome l’était. Au point même d’être apprécié par l’opinion. Cependant, depuis son accession au fauteuil de ministre de l’Intérieur, en remplacement de Aly Ngouille Ndiaye, l’actuel patron de la Sécurité publique verse dans des interprétations peu enviables des textes de loi. Serait-il emporté par la politique au point de donner raison à ceux qui avaient récusé sa nomination ?
En tout cas, ses sorties médiatiques, depuis sa nomination le 1er novembre 2020, en disent long. Le politique semble supplanter le juridique. En effet, le magistrat ne cesse de surprendre son monde à travers ses diverses sorties publiques. La dernière en date remonte au 18 janvier 2021. Se substituant au chef de l’Etat, Macky Sall, avant-hier, à travers les lucarnes de la Rts, Antoine Félix Abdoulaye Diome s’est perdu dans ses analyses, alors qu’il tentait d’expliquer aux Sénégalais la prorogation du couvre-feu de huit jours. «Le 06 janvier dernier, le président de la République avait décrété l’état d’urgence qui a débuté à 00 heures le même jour. Pour compter, on commence à partir du 07 janvier. Ce qui donne comme résultat que le couvre-feu ainsi que l’état d’urgence devraient prendre fin aujourd’hui (le 18 janvier)», a déclaré Antoine Félix Diome, à la Rts.
Une contradiction de ce qui est mentionné sur l’arrêté n° 000030 portant interdiction temporaire de manifestations et de rassemblements dans les régions de Dakar et Thiès. Dans le document, il est écrit à l’article premier, qu’«en application des dispositions du décret n°2021-01 du 05 janvier 2021 proclamant l’état d’urgence sur toute l’étendue des régions de Dakar et Thiès, sont interdits, du 06 au 17 janvier 2021, sur les territoires desdites région : les cortèges, défilés, rassemblements…»
Ces contradictions sont beaucoup plus profondes. Juridiquement et contrairement à la déclaration du ministre de l’Intérieur sur la Rts, l’état d’urgence a expiré depuis le 17 janvier à 23 heures 59 minutes. Cela, si on se fie à l’article 69 de la Constitution qui limite sa durée maximale à 12 jours. Ce n’est pas la seule sortie jugée malencontreuse de Antoine Félix Abdoulaye Diome. Le Magistrat avait fait pareil dans sa menace de dissolution du parti Pastef.
Outre la date et l’heure (dans la nuit du samedi 02 au dimanche 03 janvier) de publication du communiqué mettant en garde Ousmane Sonko et ses militants, Antoine Félix Abdoulaye Diome a été accusé de mauvaise interprétation de la loi encadrant le financement des partis politiques au Sénégal. Il reproche à celui-ci, lors de sa levée de fonds internationale, d’avoir violé «l’article 3 de la loi 81-17 du 6 mai 1981 modifiée par la loi 89-36 du 12 octobre 1989», portant sur les ressources dont peuvent bénéficier les partis politiques.
A la place d’un rappel à la loi à tous les «leaders politiques», il s’en prend à Sonko. Une démarche qui a été décriée par les observateurs et spécialistes du droit. Ces derniers qui y voient une «mauvaise interprétation» de la loi, sont même allés jusqu’à convoquer la jurisprudence pour évoquer les pratiques similaires de l’opposant Macky Sall en 2009.