À Liberté 6 et Bourguiba, les chantiers du Bus rapid transit (Brt) et du programme des autoponts ont fortement ralenti le trafic. Les automobilistes, à défaut de suivre les déviations, se rabattent sur les raccourcis et les routes secondaires en attendant que le malheur du moment ne se transforme en soulagement avec la livraison des infrastructures. » Le soleil ».
À hauteur du siège du groupe Walfadjiri, un panneau d’indication jaune annonce une déviation sur 50 mètres vers Grand Yoff. Avec cette information, les automobilistes lèvent le pied pour négocier des bouchons sur 300 mètres. Ils y arrivent difficilement avec le fort enchevêtrement de véhicules au niveau du rond-point Liberté 6 où le cordon sécuritaire a rétréci la chaussée. Pressés de sortir du calvaire, les chauffeurs se disputent la priorité à coup de klaxons. En gilets fluorescents, casquettes sur la tête pour se protéger du soleil, un homme et une fille réorganisent le plan de circulation. À l’aide de son sifflet, il tente d’orienter un bus Dakar Dem Dikk qui a des difficultés à contourner un panneau de déviation. Après des secondes de vaines tentatives, il décide de s’approcher du conducteur et enclenche le dialogue. « Avec les plots, il est impossible pour un long véhicule de faire le tour. Il va falloir les enlever », lui signale le chauffeur du transport en commun. Sans objection, le jeune homme ordonne à sa collègue de déplacer l’une des barrières. Elle s’exécute rapidement. Le boulevard est ainsi ouvert. Le bus, à vive allure, s’engage dans la bretelle du camp pénal. Les autres suivent son mouvement en fonction de leur destination : Sacré-Cœur pour les uns, Liberté 6 pour les autres.
Ces perturbations sont occasionnées par les travaux du Bus rapid transit (Brt). Sur ce chantier qui a démarré il y a quelques mois, les ouvriers sont à pied d’œuvre. Entourés de commerçants sans cesse à la recherche de clients par des chansons ou des publicités amplifiées par des mégaphones, ces agents isolés derrière une clôture en zinc manœuvrent les engins pour creuser ou transporter des charges de sable, de béton ou des paquets de fer. Simultanément, certains ouvriers, munis de pelles, remblaient les trous déjà câblés. D’autres, debout, travaillent en chaine pour décharger des carreaux de pavage. Du plafond au plancher, ils se lancent les blocs de pierre, immédiatement arrangés dans un coin par une autre équipe.
À Bourguiba, c’est la poursuite du projet des 13 autoponts prévus à Dakar. Ce faisant, la chaussée est rétrécie avec des blocs de béton. Du coup, les trottoirs sont éliminés. Pour éviter toutes mauvaises surprises, un agent de sécurité se charge d’en informer automobilistes et piétons. La main toujours levée, il indique une des déviations vers Dieupeul. Du siège de l’Agence nationale de la promotion des jeunes (Anpej) à l’espace vert de Bourguiba, le périmètre consacré au projet a déjà reçu une légère couche de latérite. Parmi les rares personnes à avoir accès au rectangle, les agents de l’Unité de coordination et de gestion des déchets solides (Ucg) qui ramassent les racines et feuilles mortes, ultimes traces des arbres déracinés lors du déguerpissement. À cause de ce réaménagement, le trafic est perturbé. Les véhicules roulent au pas au moment où les ouvriers, assis à même le sol, surveillent les engins parqués dans le hangar.
Main gauche sur le volant, sachet d’eau dans l’autre, le taximan Ibrahima Sylla s’apprête à rebrousser chemin après avoir déposé une cliente à côté de la Pharmacie de Bourguiba. Le visage perlant de sueur, l’automobiliste dit éprouver des difficultés pour circuler sur cet axe. « Avec les déviations, c’est très difficile pour nous », constate-t-il.
Les conducteurs tentent de s’adapter
« On n’a pas le choix pour le moment ; nous sommes obligés de nous adapter », reconnaît Ibrahima. Sa stratégie est d’utiliser des raccourcis entre Castor et Dieupeul. Et aux heures de pointe, il choisit ses destinations. « Avec les travaux, j’évite autant que possible de passer par Bourguiba. Sinon je risque d’y perdre du temps et du carburant », explique-t-il.
Suivant les orientations d’un agent de sécurité, Ousmane Sèye s’est garé à quelques mètres de l’espace public de Bourguiba. En attendant un ami, l’homme en boubou traditionnel livre ses commentaires sur le chantier en cours et ses répercussions sur le trafic sur cet axe qui, dit-il, a toujours été difficile. « Les véhicules roulent au ralenti, car la chaussée est rétrécie. Il y a certes des déviations, mais je préfère les raccourcis pour gagner du temps. Durant des mois, j’essaierai autant que possible d’éviter l’axe Castor-Bourguiba. Il faut s’adapter à la situation », insiste-t-il, le regard figé sur l’écran de son smartphone.
À la gare « clando » de Liberté 6, les rabatteurs tentent de mobiliser les usagers par tous les moyens. En jean et maillot noir, masque sous la barbe, l’un d’eux s’époumone : « Niarry Tally, Niarry Tally ». Les travaux du Brt ont des impacts sur la circulation, selon l’un des chauffeurs, Modou Faye. « L’une des solutions, c’est de suivre les déviations. Entre Liberté 6 et Liberté 5, nous avons nos subterfuges pour gagner du temps », indique-t-il plein d’humour.
À côté des taxis et autres transports en commun, la société Dakar Dem Dikk s’est adaptée à la situation. Selon un communiqué publié le lundi 14 décembre, les lignes 23 et 219 qui passaient par l’avenue Hyacinthe Thiandoum de Grand-Yoff sont déroutés sur une partie de leurs itinéraires habituels.
Les usagers espèrent de grandes améliorations
Dans le but d’améliorer la mobilité urbaine à Dakar, le Gouvernement a entamé, en janvier 2019, le projet de construction de 13 autoponts à Dakar. Mercredi dernier, lors de l’ouverture complète de ceux de Saint Lazare et Keur Gorgui, le ministre des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement, Mansour Faye, avait magnifié une importante avancée dans l’ambition de faire de la mobilité urbaine « une réalité à Dakar ».
Auparavant, le 31 octobre 2019, le Chef de l’État avait lancé, à Guédiawaye, les travaux du Bus rapid transit (Brt). D’un coût de 306 milliards de FCfa, le projet rallie Guédiawaye au centre-ville, soit 18,3 km, en passant par les Parcelles assainies, Grand Yoff, Liberté 6, etc. Ces projets, qui doivent être livrés en 2021 pour l’autopont et 2022 pour le Brt, sont déjà porteurs d’espoirs.
À peine sorti des embouteillages de Castors, Abdoulaye Fall lâche un ouf de soulagement. Ayant vu le pont et l’aménagement paysager de l’autopont de Keur Gorgui, il nourrit des attentes par rapport au projet. « Celui de Keur Gorgui est bien fait. Le trafic est fluide. L’espace est joli et propre. À Lobatt Fall, le chantier avance bien. C’est un projet que j’apprécie bien. Je suis sûr de leurs impacts sur la mobilité urbaine », se félicite-t-il bouche et nez masqués.
Pour le Bus rapid transit, il est moins optimiste. « J’ai constaté que les travaux ont débuté. J’attends de voir pour apprécier », ajoute-t-il. Ayant trop souffert des bouchons à Dakar, Ibrahima Sylla s’attend à de grandes améliorations. À son avis, avec la réalisation de ces deux projets, le trafic sera fluide à Dakar. « En plus des routes bien faites, les autoponts vont participer à fluidifier le trafic. Les autoponts de la Vdn sont bien faits. Nous espérons que les infrastructures seront livrées à dates échues », espère-t-il.
Conducteur d’un des minicars qui desservent Ouakam, Abdourahmane Konaté, assis sur une natte à côté d’autres camarades, espère un grand changement avec les projets en cours. « On ne peut pas connaitre pire à Dakar. Le Brt va apporter plus de fluidité et de nouveaux moyens de transport. Nous espérons que les travaux ne vont pas tirer en longueur comme c’est le cas avec le Ter », indique-t-il.