(Agence Ecofin) – Face à la pandémie de coronavirus, la solidarité internationale a été mise à rude épreuve sur la question de la dette, notamment des pays africains. Malgré son faible taux d’engagement obligataire, le continent continue d’être perçu comme à risque par certains créanciers et analystes.
Plusieurs pays pourtant éligibles à l’initiative visant à suspendre le remboursement de la dette due aux pays et organisations du G20 ne s’empressent pas d’en solliciter le bénéfice, selon des analyses et réflexions de plusieurs agences de notation.
« Les décisions de ne pas solliciter le bénéfice de l’initiative proviennent de l’arbitrage sur les risques et les bénéfices associés à ce processus, surtout pour les pays qui ont besoin d’accéder aux marchés internationaux des capitaux », a fait savoir S&P Global Ratings dans une note sur la question.
En effet, une des conditions de l’initiative du G20 était pour les pays de prendre l’engagement de ne plus contracter des emprunts non concessionnels. Or, malgré les efforts d’acteurs politiques, du secteur privé et des grandes institutions politiques, on n’est pas parvenu à ramener les créanciers privés à la table des négociations.
Un autre défi, c’est le fait que la diversité des créanciers de l’Afrique ne permette pas de mener une action concertée. Plusieurs pays et institutions accusent la Chine de ne pas être transparente dans sa participation à l’initiative.
« Cette base de créanciers plus dispersée complique les négociations pour les restructurations de la dette, y compris les allègements mis en place à la suite du choc du coronavirus », a expliqué l’agence de notation Moody’s dans une publication sur ce sujet.
Et d’ajouter : « compte tenu du rôle de plus en plus important des banques chinoises en tant que créanciers de l’Afrique subsaharienne, leur volonté de participer à d’éventuelles futures restructurations de la dette et les conditions finales convenues aura une influence déterminante dans l’évolution des choses »,
La Chine rejette toutes les accusations de blocage, et revendique le fait d’être le pays du G20 qui a le plus fait pour la dette africaine dans le cadre de la solidarité internationale face à la covid-19.
Ces dysfonctionnements au sein de l’initiative ont été critiqués par la société civile internationale. Eurodad, une ONG basée à Bruxelles, a indiqué récemment que même étendu jusqu’en juin 2021, l’appui des vingt pays les plus riches du monde à l’Afrique ne suffira pas à régler les défis de sa dette.
En attendant, Fitch Ratings a enfoncé le clou. Selon ses experts, la dette du continent noir continuera de progresser en 2021.
Les gouvernements qui ont déjà dépensé 44 milliards $ pour répondre aux effets de la covid-19 devront encore emprunter des sommes non négligeables pour financer les infrastructures, les besoins sociaux et les promesses politiques, après des élections parfois difficiles.
Selon l’Institute of International Finance, une institution basée à Washington, aux USA, ce besoin en financement est évalué à 125 milliards $ pour l’année 2021.
Jusqu’à présent, seulement 10 pays africains ont bénéficié de l’initiative du G20. Le Kenya qui s’est abstenu au départ pourrait en solliciter le bénéfice.
Il y a toujours la menace des agences de notation de dégrader la note des pays de la région s’ils obtenaient une suspension du service de la dette due aux créanciers privés. Cette rigidité est critiquée par de nombreux analystes.
Au final, c’est par ses propres moyens que l’Afrique sort d’un problème, dont elle est la victime. Dans le même temps, des pays et régions mobilisent des milliers de milliards $ de dettes supplémentaires sans que ne soit fait un reproche de surendettement.
Idriss Linge