Pendant que certains Sénégalais doutent de la fiabilité des informations officielles publiées chaque jour, d’autres ont la trouille, à l’idée de vivre à nouveau un durcissement des mesures restrictives.
Que valent les chiffres communiqués, chaque jour, par le gouvernement, en matière épidémiologique ? La question se pose avec acuité. Pendant que certains doutent de la fiabilité des chiffres, d’autres les surveillent comme du lait sur le feu, pour se faire une idée sur l’évolution du coronavirus au Sénégal.
Selon des sources médicales contactées par ‘’EnQuête’’, il n’y a, en tout cas, pas à douter de la fiabilité des données. ‘’Ce sont des informations qui viennent directement des districts, parce qu’ils disposent des centres de traitement ambulatoire et tout. Ensuite, ils les remontent aux régions. Lesquelles transmettent les données collectées à la Direction de la prévention et au Cous. C’est comme ça que ça se passe. C’est donc des données fiables’’, souligne un de nos interlocuteurs.
Le problème, poursuivent nos sources, ce n’est pas au niveau de la fiabilité des données. C’est surtout leur interprétation et leur politisation. ‘’Un épidémiologiste ne peut interpréter des chiffres bruts. Le fait de dire 20 (cas) aujourd’hui, demain 30… Cela n’a aucun sens. En épidémie, il faut surtout calculer les pourcentages. Aussi, le Sénégal compte 15 millions d’habitants. Faire des tests qui portent sur 1 000 personnes, ça veut dire quoi ? Cela ne veut absolument rien dire’’, renseignent-elles. A les en croire, ceci ne signifie pas qu’il faut arrêter le point de la situation, mais prendre du recul pour faire des analyses correctes des données.
‘’Comme la diplomatie, signale un spécialiste, la santé publique ne se gère pas sur la place publique. Moi, je n’ai rien contre le point de la situation, il faut le faire pour avoir une idée sur le taux de positivité, le taux de létalité, le pourcentage des cas graves. Ce sont des informations importantes en matière de surveillance épidémiologique. Mais on n’a pas besoin d’aller à la télé tous les jours pour communiquer sur ces chiffres. Cela ne sert qu’à apeurer inutilement les gens. J’ai cru comprendre, à un moment, que le ministre voulait l’arrêter, mais certains se sont opposés’’.
Comme la diplomatie, la santé publique ne se fait pas sur la place publique
L’autre point qui a intéressé nos interlocuteurs, ce sont les critères qui sont utilisés pour faire des tests. Lesquels doivent être fixes pour que les chiffres aient un sens. ‘’Ils ne doivent pas changer du jour au lendemain. Par exemple, décider aujourd’hui de ne tester que les cas suspects, demain on change. Cela va fausser le jeu’’.
En l’état actuel des choses, l’information la plus illustrative du point corona, reste le taux de positivité qui permet d’avoir une idée de la tendance de la pandémie. Même si une hausse relative a été enregistrée ces derniers jours, nos interlocuteurs pensent qu’il n’y a pas du tout à s’inquiéter, de ce point de vue. ‘’Il faut d’abord rappeler qu’on ne teste que les cas suspects. Et quand on ne teste que les cas suspects, la probabilité d’avoir des cas positifs augmente. Mais même là, il n’y a pas à s’inquiéter. Depuis le début de la pandémie, on est entre 7 et 12 % de taux de positivité. Rarement plus. Cette évolution montrait déjà que cette maladie n’irait pas loin. Pour une maladie qui est très contagieuse, on doit être à des taux très élevés, de l’ordre de 30 % ou même 40 %. Mais pour les maladies très peu contagieuses, on est dans les 12 % de taux de positivité’’.
L’OMS ne veut pas entendre parler d’immunité collective, parce que…
Depuis le début de la pandémie, le Sénégal a souvent été accusé de marcher au rythme de certains pays comme la France. Quand cette dernière ferme ses frontières, le Sénégal ferme les siennes ; quand elle décrète l’état d’urgence, le Sénégal décrète l’état d’urgence… Maintenant qu’on parle de deuxième vague et de vaccin en France, le Sénégal en fait autant. Il n’y en a plus que pour ces deux notions. Un vaccin qui, il faut le souligner, est rejeté même dans les pays qui en sont les principaux pourvoyeurs.
‘’J’invite vraiment à bien réfléchir avant de commander des vaccins à coups de milliards que nos compatriotes vont payer d’une manière ou d’une autre. Peut-être on n’en a pas besoin. Il faut savoir que le vaccin, c’est l’immunité collective ; et l’immunité collective naturelle, c’est le vaccin. C’est pourquoi ceux qui veulent vacciner les gens ne veulent pas entendre parler de l’immunité collective. C’est le cas des gens de l’OMS. Parce que leurs sponsors ont beaucoup investi dans le vaccin’’, plaide le médecin.
Le Sénégal a le plus de morts dans la sous-région
Par ailleurs, dans la communauté scientifique, il y a une question qui continue de diviser les experts. Il s’agit de la définition du cas de décès. ‘’Cela pose énormément problème. Quand on dit que toute personne décédée avec un test positif, on la classe corona, c’est problématique. Au niveau des régions, il y a beaucoup de personnes qui décèdent ; on les teste positif et, automatiquement, elles sont classées corona. C’est quoi cette façon de faire la médecine ? Cela n’a pas de sens’’, fulmine un spécialiste.
Notre interlocuteur se veut plus explicite. ‘’Une personne, explique-t-il, peut faire une insuffisance rénale avec un corona qui ne s’exprime pas et il meurt de son insuffisance rénale. Pourquoi on doit imputer le décès au corona ? Cela pose problème à tout le monde. Certains médecins ont la paresse de réfléchir. C’est pourquoi le Sénégal a plus de décès dans la sous-région’’.
En effet, contrairement à ce que l’on pouvait croire, si l’on compare les chiffres officiels des différents pays de la sous-région, le Sénégal a le plus de morts, l’un des plus forts taux de létalité, si ce n’est le plus fort. Il ressort de ces données actualisées tous les jours par ‘’Jeune Afrique’’, que le Sénégal est le dernier de la classe dans sous-région, avec 334 morts pour 16 173 cas. Il est suivi de la Mauritanie qui compte 179 morts pour 8 863 cas ; du Mali avec 161 morts pour 4 837 cas ; de la Côte d’Ivoire qui comptabilise 132 morts pour 21 361 cas.
Tous ces pays sont dans la zone rouge qui représente les pays les plus touchés, contrairement à la Guinée (76 morts pour 13 143 cas), le Niger (76 morts pour 1 640 cas) et le Burkina Faso (68 morts pour 3 010 cas positifs).
Source »Enquête »