Il ne reste plus rien, vous mentez!
La confiance se gagne lorsque les promesses se tiennent ! Oui, la confiance se gagne lorsque les promesses se tiennent ! Effectivement, la confiance se gagne lorsque les promesses se tiennent ! La confiance…
À coup sûr, vous me demanderez d’arrêter de chantonner ce beau refrain parce qu’il est indubitablement inaudible dans les oreilles des politiciens professionnels sénégalais. Au Sénégal, des politiciens font régner consciencieusement le mensonge pour donner de l’efficacité à leurs discours et à leurs actions, pour gagner l’affection, l’adhésion de leurs concitoyens ou pour se justifier, légitimer leurs choix et leurs actes.
À ce propos, parce que les politiciens doivent s’assurer à tout prix de défendre leurs propres intérêts, de conquérir et de conserver le pouvoir, ces politiciens usent et abusent des médias souvent complices pour y délivrer la plupart du temps et sans aucune retenue des contre-vérités, des galéjades, des facéties, des menteries. Avec leurs bagouts loquaces, ils nous prouvent à nous autres Sénégalais qu’ils sont aptes et capables de vendre des frigidaires à des Esquimaux !
Cette prérogative de mentir que s’arrogent au grand jour les politiciens professionnels sénégalais, pose encore et toujours le rapport entre politique et morale. À ce titre, nous pensons à la célèbre controverse philosophique opposant Benjamin Constant et Emmanuel Kant au sujet de l’existence ou non d’un prétendu droit de mentir qui mérite d’être exposé, ici et maintenant.
Si par l’affirmatif, Constant soutient que « le principe moral que dire la vérité est un devoir, s’il était pris de manière absolue et isolée, rendrait toute société impossible […]. Dire la vérité est un devoir. Qu’est-ce qu’un devoir ? L’idée de devoir est inséparable de celle de droits : un devoir est ce qui, dans un être, correspond aux droits d’un autre. Là où il n’y a pas de droits, il n’y a pas de devoirs. Dire la vérité n’est donc un devoir qu’envers ceux qui ont droit à la vérité. Or nul homme n’a droit à la vérité qui nuit à autrui».
À l’opposé, pour Kant il faut refuser tout droit de mensonge envers soi et envers autrui et assigne à tout homme, sans exception et en toute occasion, un devoir de dire ce qu’il croit être la vérité. Ce refus kantien du droit de mentir, quelles qu’en soient les raisons, s’explique par le fait que Kant « assigne à l’homme pour premier devoir envers lui-même et envers autrui le devoir, non de vérité objective (car nul n’est sûr de connaître le vrai), mais de véracité subjective, c’est-à-dire l’obligation de toujours dire ce que l’on pense sincèrement être vrai.
On n’est pas toujours contraint de se déclarer ; on peut aussi ne rien dire. Mais, dès que l’on s’exprime, la déclaration que l’on fait doit être (en vertu d’un devoir universel, nécessaire et inconditionné) subjectivement véridique, à défaut d’être objectivement vraie».
De Constant tout comme de Kant, transparaissent des postures dilemmatiques de droit et de devoir à assumer ou non envers la vérité. Se prévaloir du droit de vérité conféré ou s’imposer le devoir de vérité?
Or, la messe est dite au Sénégal de toute évidence, et ce il y a belle lurette. Tout est mensonge et tout est imprégné de mensonge! Mais, qu’est-ce qu’un mensonge ? Le mensonge, selon le Petit Robert, c’est affirmer ce qu’on sait être faux, nier ou taire ce qu’on devrait dire. De là, les masturbations intellectuelles, les exagérations partisanes, les cachotteries, les demi-vérités sont toutes des mensonges. Et ceux qui s’y livrent, faut-il se l’avouer, sont tout simplement des menteurs, car ne pas nommer les choses rendrait les mots malades.
En politique sénégalaise, à partir du président de la République jusqu’au simple député, tous dissimulent, contournent, déforment systématiquement la vérité, sans en ressentir la moindre gêne. Aveuglés par le pouvoir, la gloire du paraitre, les prébendes, les flatteries de leur entourage, des politiciens sénégalais jouent les importants, se bombent leur torse et mentent effrontément aux Sénégalais.
C’est donc ce mensonge permanent des politiciens, renvoyant aussi à cette action privilégiée de déguiser, d’altérer la vérité ou à cet art employé pour persuader, dissuader, exploiter voire nuire qui sert de fondement à la politique politicienne et même à l’action publique. Enfoncés dans les profondes et fausses entrailles du mensonge, les professionnels du mensonge qui peuplent la scène politique sénégalaise à visages découverts, en bons menteurs, se dressent ironiquement en sauveurs absolus et garants uniques de l’épanouissement et du bien-être des Sénégalais.
Ils en font tellement que le Peuple sénégalais incrédule arrive à croire qu’ils en possèdent de façon indubitable le droit ou le devoir le plus absolu. Volontiers, ils s’installent donc sans-gêne dans le confort douillet du mensonge, de la délinquance, du vagabondage et de la transhumance politique, se rivalisent de plusieurs de stratagèmes et bassesse dans le seul but de séduire, de mieux paraitre comme de bons citoyens engagés ou de faire du mal sciemment à des citoyens sénégalais honnêtes, respectés et respectables. Hélas! Rien ne les ébranle, même la perte de leur crédibilité.
On le murmure partout, nous Sénégalais dans notre grande majorité, nous vouons une admiration inconsciente et un attachement dogmatiques aux acteurs politiques qui nous mentent ou évitent de nous dire la vérité. Plus qu’ils nous mentent, plus nous les aimons. Notre tolérance à l’égard de leurs mensonges n’a point de limites.
De même, notre indulgence à l’endroit des baratineurs déborde parce que nous sommes diagnostiqués amnésiques. Une totale amnésie, cette maladie si répandue chez les Sénégalais! Les politiciens professionnels cohabitent tous les jours avec le ridicule pour ne point mériter de notre part le minimum de respect, mais au contraire nous les cajolons délicatement.
Notre histoire politique ainsi que plusieurs de nos valeurs et vertus ancestrales sont ainsi rangées dans les placards et nous ne nous souvenons plus de rien, vraiment de rien. À chaque campagne électorale, les candidats honnêtes et sincères prônant la politique autrement nous répugnent et nous les punissons avec des étiquettes et des préjugés souvent méchamment véhiculés.
Les politiciens professionnels sénégalais en nous mentant froidement commettent visiblement une injustice morale qui porte atteinte à notre dignité et ronge la sève nourricière de notre Sénégal. Or, comme Peuple, nous engendrons notre propre réalité pour ne pas dire nos propres peines. Changer ou renverser la donne?
On se le demande toujours mutuellement! Face à l’embarras, nous convoquons un citoyen d’un autre pays touché également par le fléau du mensonge, Jean-Claude Saint-Louis pour qui, «il y a-t-il un mince espoir pour que la situation change ? Il est évident qu’on ne peut compter sur les politiciens pour qu’ils se conforment d’eux-mêmes aux exigences de la vérité. La rentabilité du mensonge a été démontrée tant de fois que celui-ci constitue désormais l’alphabet du langage politique.
Chez le politicien d’expérience, le mensonge est devenu une seconde nature, un réflexe. C’est ce réflexe qu’il faut briser. Pour y parvenir, il n’y a qu’un moyen : renverser le cours de l’histoire et faire en sorte que le discours politique donne désormais des résultats différents. Il faut que la vérité devienne rentable et non pas le mensonge. Seul le peuple a le pouvoir d’effectuer ce changement, en récompensant la vérité et en punissant sévèrement le mensonge.
Finis les faux-fuyants! Il faut élire des politiciens qui exposent les problèmes en toute sincérité et qui proposent un idéal à atteindre tout en présentant honnêtement les perspectives réelles de solutions. Il ne faut plus accepter la démagogie qui consiste à vouloir « démoniser » l’adversaire à tout prix. Il ne faut surtout pas élire ceux qui proposent des solutions simplistes et qui promettent mer et monde.
Ce changement d’attitude nécessite une vigilance de tous les instants, à l’endroit des politiciens et également à l’égard de nous-mêmes qui aimons trop les solutions faciles. La condition de cette vigilance est la conviction que la vérité fait partie de nos droits; que nous pouvons et nous devons l’exiger! Les politiciens veulent notre vote; c’est à nous de le leur faire payer chèrement!»
En définitive, chers compatriotes Sénégalais, pour tout vous dire, la responsabilité première et exclusive de cette pandémie du mensonge des politiciens qui gangrène notre cher Sénégal nous incombe. Si nous changeons ce à quoi nous sommes à l’intérieur, nous changerons son reflet extérieur, car au-delà de tout, ces esbroufeurs génétiquement modifiés qui nous ont menti, qui nous mentent et nous mentiront ne sont pas des extraterrestres. Ils sont…
Pathé Guèye