Après la Guinée puis la Côte d’Ivoire le mois dernier, c’est au tour du Burkina Faso d’élire son président. Plus de cinq millions de Burkinabès sont appelés aux urnes ce dimanche 22 novembre, dans un contexte d’insécurité croissante depuis l’arrivée au pouvoir du président sortant Roch Marc Christian Kaboré en 2015.
Ce scrutin, législatif et présidentiel, forme un défi logistique et sécuritaire pour le Burkina Faso. 860 villages ne pourront pas voter en raison de l’insécurité, dont près de 55% se trouvent dans la région du Sahel selon la Commission électorale nationale indépendante (CENI).
Depuis cinq ans, le nord et l’est du pays font face à une recrudescence d’attaques djihadistes, qui auraient fait 1665 morts selon un décompte du Conseil économique et social du Burkina Faso. Des conflits inter-communautaires y sont souvent mêlés. Ce phénomène profondément affecté l’économie et la société de ce pays enclavé, autrefois réputé paisible.
Des attentes sécuritaires, économiques et sociales
Le Burkina Faso avait toutefois réalisé une révolte populaire en 2014, conduisant à la chute du président Blaise Compaoré, après 27 ans au pouvoir. Élu au premier tour en 2015, Roch Marc Christian Kaboré, l’actuel chef de l’État, se représente dimanche face à 12 autres candidats.
À la différence des élections qui se sont déroulées en Guinée et en Côte d’Ivoire, celle de dimanche ne souffre d’aucune dispute constitutionnelle. «Il y a eu une vraie campagne électorale», tient à souligner Gilles Yabi, directeur et fondateur de Wathi, groupe de réflexion citoyen de l’Afrique de l’Ouest. Les candidats ont pu se déplacer, faisant «campagne sur des idées, et non pas simplement sur une dénonciation des conditions d’organisation de cette élection».
Les attentes des Burkinabès sont «économiques et sociales», inséparablement liées à l’amélioration du climat sécuritaire. «Le bilan de Kaboré, très clairement, sur le plan de la sécurité est négatif, mais en même temps, il y a un sentiment assez partagé autour du fait qu’aucun acteur politique n’aurait peut-être fait mieux», explique Gilles Yabi, l’insécurité étant le «résultat d’une dégradation de la situation [aux] frontières» du pays. Par ailleurs, après la chute de Blaise Compaoré, son successeur «s’est retrouvé avec un appareil sécuritaire déstructuré, et dans ces conditions, il était difficile de faire face à une menace déjà très présente dans l’environnement régional».
Un vote crucial pour l’équilibre de la région
Cependant, Roch Marc Christian Kaboré est présent sur la scène politique «depuis des décennies», et «il y a une forme de lassitude par rapport à l’ensemble de cette classe politique […] qui n’a pas réussi à impulser un véritable progrès économique et social dans ce pays», relève Gilles Yabi. «Il faut absolument qu’après les élections, le nouveau gouvernement montre des signes forts de changement de gouvernance et de restauration d’une forme de cohésion nationale qui est indispensable pour faire face à l’ensemble des défis» se présentant au Burkina Faso et dans la région.
Gilles Yabi analyse également l’importance de ce vote pour la région sahélienne. Mais il revient d’abord sur l’état des forces politiques à l’intérieur du pays, et sur la manière dont s’est déroulée la campagne électorale