Dans la vallée « Senghor », au village de Santhie Berra, la pisciculture fait des émules. Les populations de 13 villages des communes de Nioro Alassane Tall et de Toubacouta tirent l’essentiel de leurs revenus de cette vallée ou l’Agence nationale de l’aquaculture (Ana) a procédé, le 26 octobre dernier, à l’empoissonnement de 10 000 alevins de tilapia.
Reportage de Mohamadou SAGNE
Situé à quelques encablures de Diaglé, sur la route de Karang, le village de Santhie Berra, dans la commune de Toubacouta, est longé par la vallée « Senghor » qui prend sa source au bras de mer de Sokone. « Aujourd’hui, cette vallée, du nom du village de Senghor situé en bordure, polarise 13 villages dont les populations tirent l’essentiel de leurs revenus de la pisciculture », explique Pape Faty, chef du village de Santhie Berra. Depuis 1986, la Caritas Sénégal y a édifié un barrage de retenue qui a permis à la vallée de retrouver son lustre et avec l’empoissonnement, les poissons sont revenus. Aujourd’hui, la pisciculture est la seule activité qu’on peut pratiquer, de manière intensive, dans cette vallée qui, à l’époque, était à vocation rizicole et exploitée par les groupements de femmes (13 au total).
« À côté de la pisciculture, nous nous activons dans le maraîchage, l’arboriculture, l’apiculture et l’exploitation de la noix d’anacarde », informe Mme Lucy Diatta, présidente du groupement des femmes de Santhie Berra. Mais, souligne-t-elle, il faut noter que le maraîchage et l’arboriculture fruitière n’ont malheureusement pas résisté à l’avancée de la salinité favorisée par la remontée des eaux de l’affluent du fleuve Saloum jusqu’à Sokone.
D’après le chef de village de Santhie Berra, la faible pluviométrie notée ces dernières années a impacté négativement les activités autour de la vallée. Ceci avait motivé la signature, en 2013, d’une convention locale d’exploitation de la vallée entre les groupements villageois et la Caritas. Cet accord a permis d’instaurer « une bonne gestion des ressources forestières et pastorales ».
10 000 alevins pour empoissonner les cages flottantes
Grâce au Programme d’urgence de modernisation des axes frontaliers (Puma), les pisciculteurs de la vallée « Senghor » disposent maintenant d’une vingtaine de cages flottantes pour promouvoir l’aquaculture. Un volet dont la mise en œuvre, la conception des cages et l’encadrement des bénéficiaires ont été confiés à l’Agence nationale de l’aquaculture (Ana) qui, selon sa directrice, Dr Tenning Sène, a procédé, le 26 octobre 2020, à l’empoissonnement de 10 cages sur les 20 pour 10 000 alevins de tilapia d’eau douce d’une durée de croissance de 4 à 5 mois, dans un plan d’eau très propice. « Nous avons aussi remis de l’aliment de poissons dans le cadre du suivi qui prendra également en compte l’empoissonnement des 10 cages restantes », précise Mme Sène.
Relance des activités aquacoles
Pour la directrice de l’Ana, avec l’impact négatif de la pandémie de la Covid-19 dans plusieurs secteurs, il est impératif de relancer les activités aquacoles. D’après les estimations, les bénéficiaires peuvent prétendre récolter entre 300 à 400 kilogrammes par cage pour une moyenne de 6 à 8 tonnes de poissons d’un poids de 400 grammes. « Si le kilogramme est vendu à 1500 ou 2000 FCfa, nous pensons qu’il serait intéressant en termes de chiffre d’affaires. D’ailleurs, parmi les activités génératrices de revenus, l’aquaculture fait partie des plus rentables », détaille Dr Sène.
La vallée « Senghor » polarise 13 villages parmi lesquels Santhie Berra, Senghor, Keur Babou Diouf, Sadio Salla, Ndiop Thiarène, Touba Mouride, Batamar et Keur Ibra, pour ne citer que ceux-là. En marge de l’activité d’empoissonnement de la vallée, la directrice de l’Ana a visité l’espace réservé à la future unité d’écloserie qui devrait coûter 39 millions de FCfa dans le cadre d’un fonds de résilience et de valorisation de l’ensemble de la chaîne piscicole. Cette écloserie permettra ainsi aux femmes de s’approvisionner en aliments. Elle va surtout constituer pour elles une autre activité génératrice de revenu.
La délégation a également visité le village de Néma Bah où l’Ana intervient dans l’encadrement du groupement des femmes qui exploitent et transforment les huîtres tout en protégeant les palétuviers par l’installation de guirlandes et un système de mise en place de bidons. Un bel exemple magnifié par Tenning Sène qui a promis de les accompagner en droite ligne des missions assignées par l’État à l’Ana.
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Objectif 50 000 tonnes de poissons par an
L’aquaculture fait partie des 27 projets phares du Pse. Si l’objectif d’atteindre une production de 50 000 tonnes en 2014 n’a pas encore été atteint, la directrice de l’Ana estime que le pari est loin d’être perdu. « Nous travaillons à relever ce défi et l’évaluation se fera d’ici les prochaines années. Dans tous les cas, le Gouvernement a pris toutes les mesures pour gagner ce pari et tout un dispositif a été mis en place par l’État dans cette dynamique », soutient Mme Sène. Elle pense que la pisciculture peut être une alternative à l’émigration clandestine. Surtout, souligne-t-elle, « avec la ligne de crédit ouverte à la Délégation à l’entrepreneuriat rapide (Der) d’un montant de 1,2 milliard de FCfa pour le financement de projets piscicoles des jeunes. « Nous estimons que ce sont des jeunes qui habitent les côtes comme Saint-Louis et Mbour qui se lancent le plus souvent dans ces opérations périlleuses vers d’autres pays en empruntant les océans. Nous pensons qu’il faut les retenir avec des projets piscicoles dans des plans d’eau continentaux comme au niveau de cette vallée, mais aussi en mer. Il faut que ces jeunes comprennent qu’il y a tout le potentiel naturel pour pouvoir développer des activités qui vont les retenir dans leur pays et améliorer leurs revenus », indique-t-elle.