Et oui, la problématique environnementale concerne aussi les relations intimes ! De multiples alternatives existent pour adopter en douceur une sexualité plus saine, qui respecte la planète et le corps.
Année après année, depuis qu’elle a aménagé dans son premier appartement, Aimée, 26 ans, a évolué vers un mode de vie de plus en plus écologique. Adepte du manger local, sensible aux composants de ses cosmétiques, végétarienne et familière de tous les modes de covoiturage, elle peut se targuer d’avoir les bons réflexes. Pourtant, à l’annonce d’un article sur le sexe écolo, la voilà qui tend l’oreille avec attention : s’il y a un domaine que son engagement a laissé de côté, c’est celui-là. Et lorsque Aimée entend parler de sextoys en bois, elle s’exclame : « Quelle horreur ! Ça doit être si désagréable ! ».
L’éco-orgasme, ou comment se faire du bien sans se faire du mal
Faute d’informations, le sexe écolo demeure très mystérieux. En la matière, il existe pourtant des solutions pour changer ses habitudes dans l’optique de respecter la planète… et son corps. « Les sextoys se composent de beaucoup de plastique et les procédés de fabrication sont très obscurs », observe Clemity Jane, créatrice de contenus sur Internet, notamment des vidéos de critique de sextoys. « Pour les jouets masculins, c’est-à-dire les sextoys à pénétrer, tout est largement fabriqué en Chine, où la législation est très différente, complète M’sieur Jeremy, qui anime également un site et une chaîne YouTube sur le sujet. La plupart des produits dits français sont du private labelling : seul l’emballage est personnalisé. » Et comme aucun cahier des charges n’impose la mention claire de la composition, la traçabilité est quasi impossible. Ainsi de nombreux jouets sexuels, qu’ils soient étiquetés français ou non, sont fabriqués à partir de matières thermoplastiques comme le TPE, le TPR ou le PVC, mélangées à des phtalates pour les assouplir. Or, les phtalates sont soupçonnés de contenir des perturbateurs endocriniens.
« On parle beaucoup de perturbateurs endocriniens car ils peuvent générer de graves maladies chroniques », rappelle Olivia Rubellin, bénévole et membre du comité d’administration du mouvement Générations Cobayes. Né en 2009 sous le nom d’Appel de la jeunesse, ce mouvement « de jeunes de 16 à 35 ans » vise à sensibiliser la jeunesse à la pollution environnementale et « à expliquer comment celle-ci affecte notre santé ». Leurs actions (conférences, ateliers DIY, stands sur les festivals, websérie…) abordent différentes thématiques : la pollution dans l’air, les aliments, les cosmétiques et… la sexualité. « On parle d’éco-orgasme ou comment se faire du bien sans se faire de mal, résume Olivia Rubellin. L’écologie est souvent vue comme un sacrifice, alors qu’on peut kiffer son engagement ! ».
Des godemichés fabriqués par des ébénistes
Générations Cobayes dénonce, comme M’sieur Jeremy, « les phtalates utilisés pour assouplir le plastique des sextoys, également utilisé dans les emballages alimentaires ». Si l’on veut protéger sa santé, ils conseillent de se tourner vers les jouets garantis sans phtalates ni bisphénols. Pour aller plus loin, et parce que le plastique, certifié ou non, constitue une hérésie environnementale difficile à recycler, deux autres options existent. L’entreprise étasunienne Package Free a créé Gaia Eco, premier vibromasseur biodégradable au monde, fabriqué en bioplastique à base d’amidon, disponible à moins de 15€. Pour des formes plus fantaisistes ou pour privilégier le local, les jouets sexuels fabriqués dans d’autres matières, comme le bois, le métal ou le verre apparaissent comme des alternatives intéressantes.
En France, il n’existe que très peu d’ébénistes qui fabriquent de façon artisanale des godemichés en bois. « La sensation au toucher est tout à fait différente d’un sextoy en plastique, témoigne Clemity Jane. C’est à la fois massif mais léger, avec une belle résonance. Le bois est lisse et verni, comme du verre, donc il n’y a pas d’échardes ». La YouTubeuse a également expérimenté des jouets sexuels américains « en pierre semi-précieuse » et atteste d’une « sensation magnifique ».
Si l’on veut être écolo jusqu’au bout, se pose aussi la question des piles, utilisées notamment pour les vibromasseurs. Pour recharger ses jouets sexuels, M’sieur Jeremy a d’abord privilégié ceux à batterie plutôt qu’à piles, mais « la plupart des toys ne sont pas recyclables car composés d’un mélange de matière ». Plutôt que de devoir jeter un jouet dont la batterie est défectueuse, il préfère maintenant ceux (ils sont rares) dont on peut ôter et changer la batterie, ou utilise des piles rechargeables. On trouve aussi sur le marché des sextoys à énergie solaire ou rechargeables manuellement à l’aide d’une manivelle. Par ailleurs, M’sieur Jeremy a adopté une pratique qui fait polémique : le troc de jouets sexuels ou l’achat d’occasion. « Je conseille sans hésiter un petit commerçant breton, La puce en folie, car il ne faut pas le faire n’importe comment. Lui, je sais qu’il contrôle et nettoie les toys avant de les mettre en vente. Je n’ai jamais eu le moindre souci. Ce n’est pas moins sain que d’acheter tout ce qu’on achète : des vêtements neufs traités aux pesticides par exemple ! ». Il conseille toutefois d’attendre quelques semaines avant de l’utiliser pour empêcher la prolifération des germes et de le protéger avec un préservatif.
L’huile de coco en lubrifiant, oui, mais…
Dans le cadre de plaisirs solitaires ou non, Générations Cobayes recommande l’utilisation de lubrifiants naturels, c’est-à-dire « n’importe quelle huile végétale, comme l’huile de coco mais attention : ce n’est pas compatible avec les préservatifs ! Ils nécessitent des lubrifiants à base d’eau ». Il existe aussi des produits sans parabens et/ou biologiques. Autre astuce : privilégier l’achat en grande quantité, pour éviter le suremballage et la multiplication des transports.
Concernant la contraception, certains dénoncent les effets environnementaux néfastes de la pilule. « Par définition, la pilule est un perturbateur endocrinien puisqu’elle agit sur les hormones, explique Olivia Rubellin, mais Générations Cobayes ne se positionne pas à son sujet car c’est un moyen de contraception qui a une histoire ». D’autres, comme la journaliste Sabrina Debusquat auteure de J’arrête la pilule, dénoncent ouvertement la pollution qui serait provoquée par ce moyen de contraception : les hormones de synthèse qu’elle contient seraient rejetées dans l’environnement par l’urine des femmes qui l’ingèrent quotidiennement. Des chercheurs américains de l’Université de Berkeley en Californie planchent actuellement sur l’élaboration d’une pilule sans hormones, à base de principes actifs végétaux. Elle serait également déclinée sous forme de patch contraceptif, utilisable par les hommes mais pour l’heure, la recherche n’en est qu’au stade embryonnaire. Les résultats seront donc à suivre de très près.
Qu’elle parvienne un jour sur le marché ou non, cette pilule ne protégera jamais des maladies sexuellement transmissibles, comme le fait le préservatif… Dont il existe des variantes biodégradables, vegan ou qui revendiquent tout simplement le label « green », car faisant appel à du latex naturel, sans caséine, glycérine ou paraben. Bref, de multiples choix s’offrent à ceux qui veulent protéger la planète, y compris sous la couette.