Méconnaissance ou négligence de la maladie ? L’apport du conjoint dans la prévention et la lutte contre le cancer du sein n’est pas suffisamment ressenti. Selon certaines femmes rencontrées, le sujet est rarement abordé voire jamais, «alors que l’accompagnement du mari pourrait encourager le dépistage et freiner la maladie», informe Le Soleil et reprit par DirectActu.
Malgré un vent chaud et poussiéreux, Aly Sow et Elhadji Fall profitent des instants de thé sous l’ombre d’un arbre, en cet après-midi du mercredi. Ce rendez-vous quotidien, non loin de la gare de péage de Thiaroye, est toujours marqué par de passionnantes discussions sur divers thèmes. L’un d’eux, qui s’est invité aux échanges, concerne les décès liés aux accidents. Après quelques regrets «sur les comportements indisciplinés de certains chauffeurs», le premier nommé, vêtu d’une chemise blanche négligemment boutonnée, se laisse facilement embarquer dans un autre sujet, relatif à la prévention du cancer du sein. La tablette de tasses, à la main, le vigile, père de sept enfants, révèle n’avoir jamais pensé accompagner sa femme faire le dépistage. La faute, dit-il, à un manque d’informations sur la maladie. «J’en ai entendu parler à la radio le jour du lancement de la campagne d’octobre rose. Ce sont mes seules informations», lâche-t-il sereinement.
En tee-shirt blanc et pantalon noir, son cousin et ami Elhadji, assis en face de lui, est marié depuis une vingtaine d’années. Lui non plus n’a jamais incité sa femme au dépistage du cancer ou à une attention particulière à la santé de ses seins. La raison, selon lui, est une mauvaise habitude qui consiste à se rendre à l’hôpital en cas de symptômes sévères. «Ma femme a dépassé la quarantaine, mais elle n’a jamais fait le dépistage du cancer du sein. Je ne l’ai jamais encouragé non plus. Je me demande si elle est au courant du débat de la campagne», s’interroge-t-il, sirotant son thé, déterminé à se renseigner davantage pour la sécurité de son épouse.
Devant un atelier de couture du quartier Tivaouane, le mégaphone est à fond. Des fidèles mourides écoutent religieusement des poèmes du fondateur de la confrérie, Cheikh Ahmadou Bamba. En cette période où la clientèle se fait rare, le maître tailleur, Serigne Mbaye, se ronge les ongles. Marié et sans enfant, le Monsieur, légèrement habillé d’un sous vêtement, semble tout ignorer des maladies liées aux cancers. «J’en entends parler, mais je n’ai jamais conseillé à ma femme de faire le dépistage »,confie-t-il.
L’apport du conjoint pas suffisamment ressenti
L’apport masculin est quasi inexistant, selon Ndèye Maty Dia. Sous le soleil nuageux de ce jeudi matin, la dame de 46 ans étale ses sachets de cacahuètes sur une table, à côté du foirail de Guinaw Rails. Teint clair, taille moyenne, elle vit les romances d’un couple depuis 1998. Avec l’âge, elle prend de plus en plus soin de son corps. Pour ce qui est du cancer du sein, elle dit faire l’autopalpation depuis quelques mois, à la suite d’une émission télévisée dédiée au cancer du sein. «Mon mari ne m’a jamais demandé de faire le dépistage. Nous n’avons jamais parlé de cette maladie. Toutefois, je fais de l’autopalpation. Je songe même à faire le dépistage très prochainement »,prévoit-elle, regard dirigé vers sa marchandise.
La gestion sanitaire doit aussi se faire en couple. C’est la position tranchée d’Adja Mbaye, assise devant sa cantine rouge, aux étagères en bois garnies de tissus et d’ensembles prêts à porter. De l’avis de la dame, l’implication des hommes dans la gestion de la santé de la femme, notamment le cancer du sein ou du col de l’utérus, laisse à désirer. «Les femmes seraient plus enthousiastes si elles étaient accompagnées par leurs maris. Honnêtement, je ne sens pas cette attention masculine dans la lutte contre le cancer du sein», lâche-t-elle.
Devant la grande porte du centre social de la commune de Thiaroye, c’est le marchandage entre vendeuses de légumes et femmes préparant le repas de midi et les railleries entre amies qui assurent l’ambiance. Le seau entre le bras et l’aisselle, Aminta Mbodji dit prêter une attention particulière aux informations liées au cancer du sein. Sa prudence est née de la souffrance d’une voisine décédée de la maladie en 2010. «La maladie est dangereuse, une voisine en a été victime. Prise par la peur, je fais parfois de l’autopalpation en attendant le dépistage», confie-t-elle, le visage pâle et suant. S’agissant de l’accompagnement de l’époux dans la sensibilisation et la prévention, Aminta parle d’une gestion en couple «timide ou inexistante».
«J’ai suivi le lancement de la campagne. Le dépistage est crucial, mais je constate que les couples n’en parlent pas trop»,souligne-t-elle. À l’en croire, «une plus importante présence masculine donnerait plus de courage aux dames, constamment sous la menace de ce danger». Une position partagée par Elhadji Fall, déterminé à s’informer davantage pour une gestion préventive du risque.