Fille de Serigne Touba, Sokhna Maïmounatou Mbacké Koubrâ Bintou Khadimou Rassoul était l’incarnation de sa grand-mère Sokhna Diarra Bousso. Elle avait toujours entre ses mains un exemplaire du Saint-Coran, et était au service des enfants et des couches démunies. Elle était croyante, pratiquante et vertueuse.
Venue au monde en 1388 de l’hégire, soit en 1908 dans le calendrier grégorien, à Thiéyène, dans le Djolof où son vénéré père était en résidence surveillée après son retour d’exil de Mauritanie, Sokhna Maïmounatou Mbacké Koubrâ Bintou Khadimou Rassoul est la fille de Serigne Touba et de Sokhna Aminata Kanny Bousso, fille de Serigne Mboussobé. Ce dernier est l’oncle de Cheikh Ahmadou Bamba et frère de Sokhna Mariama Bousso. Elle est la sœur aînée de Sokhna Khadidiatou Mbacké et de Serigne Abdoul Khadre Mbacké, quatrième khalife général des mourides.
Elle fit ses études coraniques auprès de Serigne Dame Abdou Rahmane Lô, à Ndâme. Après avoir mémorisé tous les versets du livre saint, elle revint auprès de son père et maître spirituel Cheikh Ahmadou Bamba, à Diourbel. Après un premier test, le Cheikh lui ordonna encore de retourner auprès de Serigne Abdou Rahmane à Ndame pour parfaire la maîtrise et calligraphier de mémoire le Saint-Coran.
Elle le réussit plus tard et Serigne Abdou Rahmane la ramena auprès du Cheikh qui exprima une très grande satisfaction. On rapporte qu’en recevant le livre sacré qu’elle a calligraphié, Cheikh Ahmadou Bamba lui dit : ‘’Maïmounatou, tu as dissipé l’angoisse qui était dans mon cœur.’’
Cette angoisse dont parle le Cheikh était née lors de son séjour en Mauritanie. Un jour, Cheikh Sidiya Bâba lui avait présenté un Mush’Af (exemplaire complet du Saint-Coran) calligraphié par sa propre fille. Serigne Touba éprouva alors le vœu ardent d’avoir, dans sa progéniture, des filles qui feront ce que la fille de Cheikh Sidiya a fait. Par la grâce de Dieu, il s’est concrétisé. Un jour, un fils de Cheikh Sidiya, accompagné d’une forte délégation, quitta la Mauritanie et vint à Diourbel trouver le Cheikh. Ce dernier donna du mil et de la viande à Sokhna Maïmounatou et lui dit : ‘’Que toute personne qui ne t’a aidée à la calligraphie du Coran ne te prête main-forte dans la préparation du couscous.’’ Après avoir servi le délicieux plat à ses hôtes qui furent très contents, le Cheikh leur montra le livre sacré calligraphié par sa fille. Toutes les personnes présentes furent émues de la haute facture calligraphique du Mush’Af et demandèrent qui en était l’auteur. Il leur répondit : ‘’C’est celle qui a préparé ce couscous qui a calligraphié cet exemplaire du Coran.’’
Il voulait par-là montrer que sa fille maîtrisait le Saint-Coran, mais elle avait également reçu une bonne éducation concernant les travaux domestiques.
Selon le site mourides.com, la preuve de la satisfaction du Cheikh pour cet acte est que ce même jour, on lui annonça la naissance d’une fille et le Cheikh lui donna le nom de Sokhna Maïmounatou. C’est ainsi qu’il a eu deux filles qui portent le même nom. Pour distinguer les deux sœurs, on appelait l’aînée Sokhna Maïmounatou ‘’Koubrâ’’ et la sœur cadette Sokhna Maïmounatou ‘’Soukhrâ’’.
Après ses études coraniques, Cheikh Ahmadou Bamba la confia à l’érudit Serigne Mbacké Bousso qui l’initia aux sciences religieuses. Elle maîtrisa sous son ombre celles fondamentales que sont la théologie (Tawhîd), la jurisprudence (Fiqh) et le soufisme ou mystique musulmane (Taçawwûf). Elle eut également une parfaite maitrise de la langue arabe, comme en témoignent les nombreux poèmes de haute facture composés dans cette langue. Elle a également écrit des poèmes en wolof, sur la base de la métrique arabe. Serigne Touba la confia, par la suite, à sa fille ainée Sokhna Faty Dia Mbacké, pour parfaire son éducation spirituelle (Tarbiyyah). Elle accordait une grande considération à cette dernière, elle la considérait comme son guide spirituel et ne faisait rien sans la consulter. D’ailleurs, raconte-t-on à ce sujet qu’un jour, alors que Sokhna Maïmounatou était à Kaolack, un photographe voulut immortaliser son image. Elle dit à ce dernier que cela ne pourrait être possible qu’avec l’autorisation de Sokhna Faty Dia. Le photographe quitta Kaolack pour aller à Touba et revenir avec une autorisation écrite de Sokhna Faty Dia. C’est alors seulement qu’elle accepta. D’ailleurs, c’est la seule photo qu’on lui connaît.
A l’instar de ses frères et sœurs, Sokhna Maïmounatou Mbacké avait troqué le lien de sang contre le serment d’allégeance à Cheikhoul Khadim.
Le témoignage de Serigne Abdoul Ahad Mbacké, troisième khalife général des mourides
Sokhna Maïmounatou Mbacké, pourrait-on dire, n’avait rien à envier aux premières femmes vertueuses de l’islam dont l’histoire retient toujours les noms. Tout dans son comportement, ses actes et paroles renvoient à des épisodes de la vie de ces pieuses dont l’existence est remplie d’actions dévotes. Elle avait comme référence sa pieuse grand-mère Sokhna Mariama Bousso, ‘’Diaratu-l-Lâh’’. Sa maison était un centre de formation et d’éducation spirituelle pour les filles qui lui étaient confiées. En dehors de l’enseignement coranique et religieux, elle leur enseignait l’histoire du Prophète de l’Islam (Paix et Salut sur Lui), la vie de ses compagnons et celui du serviteur (Khadimou-r-Rassoul).
L’objectif de tous ces récits était de faire de ses élèves des musulmanes dévouées. A côté de l’enseignement théorique, elle formait aussi les jeunes filles qui lui étaient confiées à l’exercice des travaux domestiques. On rapporte qu’elle leur donnait des versets coraniques et des vers de ‘’Qaçâids’’ à réciter pendant qu’elles préparaient le couscous. Elle ne restait jamais sans rien faire. Serigne Abdoul Ahad Mbacké, troisième khalife général des mourides qui lui rendait souvent visite, témoigne : ‘’Chaque fois qu’on voyait Sokhna Maïmounatou, elle était occupée, un extrait du Coran était toujours entre ses mains et la prise en charge des enfants n’était jamais en souffrance. Elle ne manquait jamais dans l’éducation qu’elle prodiguait, de faire des causeries sur le Cheikh. Les travaux au sein du foyer étaient de rigueur. Chaque jour, à l’aube, avant même de saluer quelqu’un ou de proférer une parole quelconque, elle s’adonnait constamment à la lecture du Coran. Dans sa demeure, elle avait aménagée une chambre réservée uniquement à cet exercice. Cette chambre était appelée en wolof ‘Barâgu Alqur’ân’.’’
Sokhna Maï Kabîr était fidèle à la recommandation de Serigne Touba consistant à lire au moins 3 Hizib du Saint-Coran quotidiennement. Dans ses différents ménages, que ce soit chez Serigne Mouhammadou Habib fils de Mame Thierno Birahim Mbacké, ou chez Serigne Mor Sokhna fils de Serigne Mor Diarra ou encore chez son dernier conjoint Serigne Mouhammadou Mamoune fils de Mame Cheikh Anta Mbacké, Sokhna Maï Kabîr s’est distinguée par l’assistance qu’elle prodiguait à la famille du Cheikh, aux pauvres et aux démunis. Elle a aidé beaucoup de membres de sa famille et de son entourage à fonder des foyers. En savant qui met en pratique son savoir, elle entretenait des relations solides avec tous les membres de la famille du Cheikh et les assistait constamment. Elle était en perpétuelle quête de l’agrément de Serigne Touba à travers les services qu’elle rendait à ses proches, aux talibés et dans la mise en exécution de ses recommandations.
De par ses vertus, Sokhna Maïmounatou est une référence pour notre génération en perte de repères. Ses qualités, ses bonnes actions et son comportement exemplaire font indubitablement d’elle l’une des ‘’çâlihat’’ (vertueuses) dont la vie est une leçon pour les générations contemporaines et futures. Elle était pieuse, juste, généreuse et n’accordait aucune importance à ce bas-monde. Son seul objectif étant l’agrément de Dieu, de son Prophète (PSL) et de son guide spirituel Khadimou Rassoul. Son détachement des choses de ce bas monde était tel qu’elle ne portait ni or, ni argent, ni des parures de valeur. Elle était constamment en préparation pour l’au-delà comme le recommande le Cheikh dans ses écrits. Avec une crainte révérencielle sans commune mesure, elle vivifiait les nuits et adorait toujours son Seigneur. Elle était ouverte, dévouée et motivée pour la cause de Dieu. Elle incarnait toutes les bonnes vertus recommandées par le Saint-Coran. En somme, Sokhna Maï Kabîr était croyante, pratiquante et vertueuse.
Durant sa vie, elle a eu à faire beaucoup de productions littéraires
L’immensité de son savoir se perçoit à travers l’importance et la richesse de sa production littéraire. On pourrait même dire qu’elle a beaucoup hérité de son vénéré père, dans ce domaine. Elle écrivait aussi bien en arabe qu’en wolof. Ses écrits laissent percevoir sa grande vertu, sa foi intense en Dieu et son amour profond pour le Cheikh. Ils témoignent de sa vaste érudition. A travers ces derniers, elle enseigne les qualités telles que : la crainte révérencielle, le repenti, la reconnaissance, l’unicité de Dieu, le retour constant au Seigneur et l’amour envers les croyantes et croyants. L’histoire n’a pas encore retenu une femme qui a composé des poèmes faisant l’éloge de sa coépouse.
Pourtant, Sokhna Maïmounatou l’a fait à la disparition de sa voisine Sokhna Astou Mbacké, fille de Serigne Mor Diarra avec qui elle a partagé la cour de Serigne Mouhammadou Mamoune Mbacké à Darou Salam. Dans ce poème, Sokhna Maïmounatou est allée jusqu’à dire : ‘’Je jure par Dieu qu’elle est meilleure que moi.’’ Dans ses poèmes, Sokhna Maï Kabîr se distingue par l’amour qu’elle a pour le mois de ramadan et du gamou (mois de la naissance du Prophète Muhammad (PSL). Certainement, elle imite son vénéré père dans la considération qu’il accordait à ces derniers. Elle manifestait une joie intense à l’entame de ces deux mois et affichait une tristesse quand ils tiraient à leur fin.
‘’On remarque aussi dans ses écrits des prières et implorations pour une constance dans le droit chemin, une foi ardente, un abandon du bas-monde et une fin heureuse. Dans ses écrits on note aussi une recherche de l’agrément de Serigne Touba, une croyance au décret divin, d’autres formes d’enseignements et d’exhortations. Sokhna Maïmounatou est une référence et un modèle pour les femmes de toutes les générations.
La recherche du savoir comme l’enseigne le prophète étant une obligation pour tout musulman et musulmane, Sokhna Maïmounatou en fit un sacerdoce comme son père Cheikh Ahmadou Bamba qui accordait une grande importance à la recherche du savoir aussi bien pour les garçons que pour les filles’’ lit-on sur le site.
De son union avec Serigne Modou Habîb, fils de Mame Thierno Birâhim Mbacké, est né Serigne Moustapha Maï, fils ainé de Soxna Maïmounatou Mbacké Koubra. De celle avec Serigne Mor Sokhna, fils aîné de Serigne Mame Mor Diarra Mbacké, sont nés Serigne Mor Maïmounatou et Serigne Cheikh Maïmounatou. Avec Serigne Modou Mamoune, fils aîné de Mame Cheikh Anta Mbacké ‘’Boroom Gawaane’’, Sokhna Maïmounatou a eu Serigne Hamdy, Serigne Abo, Sokhna Toro, Sokhna Anta Ndiaye Mbacké plus connue sous le nom de Sokhna ‘’Yakkalé’’.
Cette fille exemplaire de Cheikhoul Khadim a quitté ce bas monde en 1966, après avoir formé et éduqué toute une génération de femmes, de filles en commençant par ses propres enfants qui sont tous devenus des autorités religieuses.