Les symptômes liés à la présence de métastases peuvent longtemps passer inaperçus. Toutefois, des douleurs osseuses ou des maux de tête inhabituels peuvent être des signes d’alerte qui doivent amener les femmes à consulter. Explications du Dr Mahasti Saghatchian, oncologue et praticienne spécialiste du cancer du sein à l’Institut Gustave Roussy.
Le cancer du sein métastatique est un cancer du sein dont les cellules cancéreuses ont colonisé d’autres parties du corps. Ces cellules cancéreuses, appelées des « métastases », touchent généralement les os, mais peuvent aussi se propager dans des organes vitaux tels que les poumons, le foie, le cerveau ou encore la peau. « Seulement 5% des cancers du sein métastatiques sont diagnostiqués d’emblée : c’est-à-dire que des cellules cancéreuses ont simultanément été détectées dans un sein et dans une autre partie du corps lors du diagnostic initial. Dans la grande majorité des cancers (soit 95%), les cellules cancéreuses ont d’abord atteint le sein et se sont déplacées ensuite vers d’autres parties de l’organisme« , précise le Dr Mahasti Saghatchian, oncologue et praticienne spécialiste du cancer du sein à l’Institut Gustave Roussy. Quels peuvent être les signes d’alerte en cas de métastases ?
Le cancer du sein métastatique, longtemps silencieux
Dans la grande majorité des cas (80 à 90% des cancers du sein selon l’Institut national du cancer), la tumeur est traitée à temps et les cellules cancéreuses ne se développent pas dans un autre organe que le sein. Mais il se peut toutefois que des cellules cancéreuses issues du sein se déplacent par la lymphe et le sang et envahissent d’autres organes. Généralement, ces métastases apparaissent dans les 5 ans qui suivent le diagnostic du cancer du sein. Si ce délai est dépassé, il est très rare que des métastases apparaissent. Le cancer du sein métastatique ou de stade 4, qui correspond à un cancer ayant métastasé à distance, est le stade le plus avancé du cancer du sein et reste beaucoup plus difficile à soigner, même si de nombreuses options de traitement peuvent être envisagées. D’où l’importance de détecter les signes des métastases le plus tôt possible. Problème, les symptômes liés à la présence métastases ne sont pas forcément douloureux et peuvent longtemps passer inaperçus. « Et lorsque des symptômes apparaissent, le cancer est généralement bien avancé« , précise l’oncologue.
Toutefois, des douleurs intenses dans les os, des problèmes pour respirer ou des violentes migraines ne sont pas à prendre à la légère et peuvent donner le signal d’alerte. En cas de symptômes, il est conseillé de consulter un médecin, sans attendre le prochain contrôle médical. En fonction de l’examen clinique, le médecin pourra vous prescrire des examens complémentaires ciblés (prise de sang, échographie, scanner du thorax…) qui serviront à orienter le diagnostic.
Des ganglions sous l’aisselle
« Lors d’un cancer du sein, le ganglion est le premier relais de dissémination des cellules cancéreuses dans le corps et constitue ainsi la première métastase« , explique la spécialiste. Il est possible de sentir une ou plusieurs masses dures au niveau de l’aisselle qui se situe le plus près du sein où est nichée la tumeur, mais aussi autour de la clavicule et du sternum. Ces ganglions dits lymphatiques sont indolores. En cas de tumeur infiltrante du sein de petite taille et en l’absence d’adénopathie maligne détectée, on utilise la technique du ganglion sentinelle, autrement dit le ganglion le plus proche de la tumeur lors d’un cancer du sein et qui draine spécifiquement la tumeur. Cette intervention chirurgicale consiste à retirer le(s) premier(s) ganglion(s) lymphathique(s) de l’aisselle la plus proche de la tumeur. Pour cela, on injecte dans le sein un produit émettant un rayonnement (le technétium) ainsi que dans certains cas un liquide colorant bleu. Ces deux produits vont aller jusqu’au sein et se loger dans le(s) ganglion(s) sentinelle(s). Cela va permettre au chirurgien de facilement les repérer et de pouvoir les retirer. Toutefois, cette technique n’est envisagée que pour les tumeurs de petite taille. « En revanche, si un ganglion est détecté au niveau de l’autre aisselle ou ailleurs, il s’agit de « métastases vraies » car elles se trouvent à distance de la tumeur d’origine. Il faudra alors les enlever« , souligne-t-elle.
© dragontiger8 – 123RFComment faire un auto-examen des seins ? Entre deux contrôles médicaux, il est conseillé de réaliser une auto-palpation des seins (idéalement juste après les règles). Elle ne remplace pas la palpation réalisée par un professionnel de santé, mais elle permet de repérer d’éventuels signes de récidive. Placez-vous debout devant le miroir et observez vos deux seins. Plusieurs aspects doivent attirer votre attention :une modification de la forme du sein traité et de la cicatrice,la présence de ganglions durs ou d’une boule au niveau du sein,la rétractation du sein ou du mamelon,un écoulement de liquide au niveau du mamelon,la peau du sein granuleuse, boursouflée, rétractée ou pelée, ou des veines apparentes.Si vous constatez, un ou plusieurs de ces symptômes, contactez votre médecin sans attendre le prochain contrôle. |
Des maux de tête inhabituels, signes de métastases cérébrales
« Des maux de tête violents ou des migraines inhabituelles peuvent être le signe de métastases cérébrales. C’est-à-dire que le cancer a pu potentiellement se propager à l’encéphale (ensemble du tronc cérébral du cervelet et du cerveau). Il faut rester vigilant. Si ces douleurs deviennent fréquentes et persistent, il est conseillé de consulter un médecin qui réalisera un examen physique lors duquel il recherchera tout signe de métastases et vous questionnera sur vos antécédents médicaux, vos symptômes et vos facteurs de risque. Et au terme de cet examen clinique, il pourra vous prescrire des analyses sanguines, ainsi qu’une IRM cérébrale« , insiste l’oncologue. Si ces maux de tête sont en plus associés à des nausées et des vomissements, des vertiges, des engourdissements de certaines parties du corps, des troubles de l’équilibre et le coordination, voire des troubles de la parole, il est nécessaire de consulter un professionnel de santé. A savoir que les métastases cérébrales sont plus fréquentes que le cancer du cerveau primitif.
Des douleurs osseuses ou au niveau du dos
Le cancer du sein peut se propager aux os et former ce qu’on appelle des métastases osseuses. Ainsi, « les cellules cancéreuses vont progressivement grignoter l’os et le rendre plus fragile. Concrètement, la patiente va ressentir de vives douleurs, intermittentes ou continues, qui peuvent par exemple être silencieuses le jour et très intenses la nuit, localisées dans une seule région ou ressenties dans l’ensemble du corps et surtout, qui ne passent pas avec des traitements antidouleur classiques« , décrit le Dr Mahasti Saghatchian. Ces douleurs peuvent s’accompagner d’une fracture des os, le plus souvent des côtes, des vertèbres et des os longs des jambes.
Si les métastases osseuses se forment au niveau de la colonne vertébrale, les cellules tumorales peuvent exercer une pression sur la moelle épinière (appelée compression médullaire), ce qui peut entraîner d’importantes douleurs au dos, une névralgie, une perte d’équilibre, une faiblesse ou un engourdissement des jambes ou des bras, une incapacité à uriner voire même des difficultés à marcher. Outre les traitements ciblés (radiothérapie ciblée ou médicaments ciblés comme le Trastuzumab ou le Pertuzumab) qui sont capables de bloquer les mécanismes spécifiques des cellules cancéreuses, il est possible d’avoir recours à des médicaments bisphosphonates, des traitements habituellement prescrits en cas d’ostéoporose. Ces médicaments aident à ralentir la dégradation des os, et ainsi à éviter les douleurs et les fractures liées à la fragilisation de l’os.
Toux, jaunisse, rougeurs… D’autres symptômes à ne pas prendre à la légère
« Les manifestations cutanées sont plus faciles à diagnostiquer, car elles sont visibles à l’œil nu. Des rougeurs au niveau des articulations (érythèmes) ou des boules dures sous la peau doivent amener à consulter. Le cancer du sein peut se propager au niveau de la peau et être associé à d’autres métastases (osseuses par exemple)« , indique notre interlocutrice. Par ailleurs, une toux qui persiste, un essoufflement anormal (hors effort), des infections broncho-pulmonaires fréquentes ou du sang dans les expectorations peuvent être les signes de métastases pulmonaires. Il est donc primordial de consulter un médecin afin de réaliser tous les examens nécessaires (examen clinique, analyses sanguines, examens d’imagerie, bronchoscopie…) et pour élaborer au besoin un plan de traitement. Enfin, une perte soudaine d’appétit associée à une fatigue, une perte de poids et des nausées, une peau et des yeux jaunâtres (jaunisse), des urines foncées ou une enflure de l’abdomen peuvent être caractéristiques des métastases hépatiques. Il vaut mieux en parler à son médecin en cas de symptômes.
Bon à savoir : un cancer est toujours défini par son origine, autrement dit son point de départ. Ainsi, un cancer du sein qui s’est propagé dans le poumon reste toujours un cancer du sein, même s’il s’est également développé ailleurs. Il sera traité comme un cancer du sein, et non comme un cancer du poumon. A savoir aussi que les métastases ne sont pas opérables, ce sont les cellules cancéreuses d’origine qu’il va falloir traiter. |