Alors que les plus de 8 000 milliards de F CFA que Macky Sall a empruntés pour l’émergence n’ont pu parer l’immersion, l’opposition, censée rappeler l’ordre des priorités, cherche son chef entre le vieux et le muet
Mame Birame Wathie |
Les Sénégalais n’ont guère besoin de la presse pour comprendre que le spectre des inondations est loin d’avoir disparu. Ce dimanche 6 septembre, dans de nombreuses villes du pays, la pirogue s’est montrée plus efficace que le véhicule pendant que la nage s’est avérée plus pratique que la marche. C’est le Sénégal immergent. Alors que les plus de 8 000 milliards de F CFA que Macky Sall a empruntés pour l’émergence n’ont pu parer l’immersion, l’opposition, censée rappeler l’ordre des priorités, cherche son chef entre le vieux et le muet.
Incapables ! Le mot parait faible pour décrire les tenants du pouvoir. En cette période de crise sanitaire où la propreté est fortement recommandée pour se prémunir du coronavirus, les Sénégalais font face à une nouvelle calamité : les inondations. Que vaut désormais le masque quand, pour faire les courses indispensables, ils sont obligés de tremper dans les eaux de pluies aussi envahissantes que nauséabondes ?
« J’exprime ma solidarité à tous ceux qui ont eu des sinistres durant ces abondantes pluies du week-end. J’ai demandé au ministre de l’Intérieur de déclencher le plan ORSEC ». C’est encore le leader de l’APR qui arrive avec son vaccin une semaine après l’enterrement du malade. Gouverner, c’est prévoir sous d’autres cieux. Au Sénégal, gouverner, c’est porter secours aux sinistrés. Seulement, dans le cas précis, Macky a prévu mais n’a pas pu.
En effet, quelques mois après son élection à la tête de l’Etat, en 2012, Macky Sall a fait face à son premier véritable problème. Après les fortes pluies enregistrées au mois d’août de cette année-là, les eaux de pluies avaient envahi la capitale et de nombreuses autres régions du pays. Le leader de l’APR n’avait pas repoussé des élections, comme l’avait fait son prédécesseur, mais avait assuré que les moyens nécessaires allaient être employés pour venir à bout de ce problème structurel. Ainsi, un ministère de la Restructuration et de l’Aménagement des zones d’inondations fut créé et le Programme décennal de lutte contre les inondations, de 2012 à 2022, mis en place et doté de plusieurs milliards. Entre conseils interministériels et réunion sectorielle, le Gouvernement, s’abritant derrière la faible pluviométrie, a continué à vendre des illusions aux Sénégalais. «L’ordre du jour de la réunion portera sur les mesures déjà engagées concernant les opérations pré-hivernales, l’état d’exécution des différents projets de lutte contre les inondations en cours et l’adoption de la matrice d’actions prioritaires », déclarait Mahammed Boun Abdallah Dionne alors Premier ministre au sortir d’un conseil interministériel sur la prévention et la gestion des inondations. C’était le 21 juin 2017, alors que les pluies n’avaient pas commencé. Le 30 août de la même année, après les quelques gouttes de pluie qui avaient inondé la capitale, Seydou Gueye, en véritable sophiste, philosophait : «Nous avons une situation de départ qui est difficile avec le caractère embryonnaire des réseaux de drainage des eaux de pluies dans certaines localités, l’obstruction et l’ensablement et une insuffisance ou l’absence de réseaux de drainage dans certaines régions». Le porte-parole du gouvernement ajoutait : « A Kaolack, le dispositif de pompage qui a été mis à Khakhoun est en train de fonctionner. Mais, il y a un problème structurel sur la mise en place d’un dispositif pour évacuer les eaux. Puisque si on les évacue à Khakhoun, ça peut retomber dans un quartier. Il y a donc, de son avis, un réseau à mettre en place ».
Des années plus tard, aucun réseau n’est mis en place. Des centaines milliards sont engloutis non pas pour apporter des solutions structurelles mais pour pomper l’eau et enrichir quelques individus. Le budget du Projet de Gestion des Eaux pluviales et d’Adaptation au Changement climatique piloté par l’Agence de Développement municipal (ADM) est estimé, en 2019, à la somme de 21 255 349 897 F CFA. En 2018, il se chiffrait à 12 201 444 385 F CFA, soit une hausse relative de 74 %. Et ce projet n’est qu’une des composantes du Programme décennal de lutte contre les inondations.
« La capitale sénégalaise est paralysée. De nombreux tronçons sont impraticables. Mais plus criant, l’échangeur censé faciliter la mobilité des véhicules, celui dit de l’émergence, a complètement immergé ». Ce paragraphe, c’est en 2018 que nous l’avions écrit décrivant Dakar totalement submergé. Ce dimanche 6 septembre 2020, il aurait pu être repris sans la moindre modification. Entre temps, rien n’a été fait, rien n’a changé. Et comme venu de Chine, Macky Sall demande ministre de l’Eau et de l’Assainissement « de lui soumettre un rapport détaillé sur l’état de mise en œuvre du Programme décennal de lutte contre les inondations sur la période 2012-2022 ».
Pour un programme lancé en 2012, ce n’est qu’en 2020 que le chef de l’Etat s’intéresse au rapport. «Mais de qui se moque-t-on ? Le plan de lutte contre les inondations a été intentionnellement abandonné. Les 750 milliards n’ont jamais été dépensés. Les inondations ont cessé d’être une priorité après mon départ du Gouvernement. Tels sont les faits. Les instructions données lors du dernier Conseil des ministres sont des répétitions de celles de 2012». Cette observation d’Abdoul Mbaye résume bien la situation. Quand il est question de faire face aux véritables problèmes des Sénégalais, le régime de Macky Sall est aux abonnés absents. Mais quand il s’agit du Train Express Régional (TER), le Sénégal n’hésite pas à accroitre sa dette auprès de la France plus encline à prêter ses sous pour financer des projets rentables pour ses entreprises.