À Hiroshima ou au port de Beyrouth, deux structures construites par des Tchèques sont toujours debout, témoins de l’enfer des armes.
Vision apocalyptique des silos à grains du port de Beyrouth après l’explosion du 4 août. Photo AFP
Le 6 août 1945, les États-Unis larguent leur bombe à uranium sur la ville de Hiroshima. Dénommée Little Boy, la bombe nucléaire, qui pesait près de 4,5 tonnes, était dotée d’une force destructrice équivalant à 16 kilotonnes de TNT. Elle a rasé la ville et tué 140 000 personnes. Des centaines de milliers d’autres victimes sont décédées des conséquences des radiations nucléaires. Little Boy laisse comme témoin de ce brasier une structure baptisée alors « The Hiroshima Prefectural Industrial Promotion Hall » (la salle de promotion industrielle de la préfecture de Hiroshima), réalisation la plus emblématique de l’architecte tchèque qui a survécu à la bombe atomique. Né en Bohême, Jan Letzel avait émigré à Tokyo au début des années 1900, où il a fondé un studio d’architecture avec son ami Karel Hora. Bien que ses fenêtres aient été brisées et que des parties de la façade se soient effondrées, le dôme et une grande partie de la structure de la préfecture sont restés intacts. Pour transmettre le souvenir de ce triste événement aux générations futures, l’édifice a été consolidé pour assurer sa stabilité et rebaptisé Mémorial de la paix de Hiroshima, ou dôme Genbaku (qui signifie bombe atomique en japonais). La construction se trouve aujourd’hui presque dans l’état exact où elle était après l’explosion, avec quelques modifications mineures.
Le port
Soixante-quinze ans plus tard, au Liban
Depuis le 4 août, une nouvelle forme de criminalité frappe la capitale libanaise. Cette fois due à l’incurie des gouvernants, c’est l’enfer de 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium qui pulvérise le port de Beyrouth et une grande partie de la ville. Sur la plupart des photos de la zone d’explosion, on peut voir un seul bâtiment au milieu des décombres : celui des silos, qui abritait l’approvisionnement en céréales de la capitale. Des architectes tchèques étaient également à l’origine de cette structure, puisqu’elle a été construite par la société tchèque Prumstav entre 1968 et 1970. Fondée en 1951, elle était à l’origine une entreprise nationale appelée Ore Mine and Ironworks Construction, spécialisée dans la construction de l’industrie lourde. En 1953, une réorganisation plus large de cette société a lieu. Outre l’industrie lourde, son programme portera aussi sur la reconstruction des édifices historiques et la construction de bâtiments résidentiels et publics, principalement en Bavière centrale et dans la ville de Prague. En 1963, devenue entreprise d’État, les usines spécialisées en fabrication de panneaux de béton de Luzec et Bustehrad lui seront affiliées. En 2009, la société française Vinci Construction est devenue propriétaire à 100 % de Prumstav et, depuis lors, elle opère sur les cinq continents.
Les silos à grains du port de Beyrouth avant le sinistre 4 août. Photo Michel Sayegh
Le quotidien tchèque Expats CZ rapporte que l’ancien directeur de Prumstav, Jiri Pozar, suite aux informations qui lui ont été fournies par des spécialistes et des sauveteurs tchèques dépêchés sur le terrain de la catastrophe, aurait déclaré que « le silo à grains de fabrication tchèque ne survivra pas longtemps. L’explosion a probablement causé des dommages irréparables à la structure ». Elle ne pourra plus servir de réservoir de stockage, mais pourra rester debout à la mémoire des morts de ce 4 août 2020. Une date à ne pas oublier.
Au port, l’explosion a laissé un cratère de 120 m de diamètre et de 43 m de profondeur, et dévasté de nombreux quartiers de Beyrouth, faisant à ce jour plus de 180 morts, des dizaines de disparus et des milliers de blessés. Quelque 300 000 personnes se sont retrouvées sans logement.